Vingt buts en deux matches avec l’équipe de France, dix face à Nice ou Dijon, neuf à Budapest ou contre Lubin, la capitaine du Metz Handball est la meilleure marqueuse française de ce début de saison tonitruant. Une entame qu’elle attribue à la maturité, à ses équilibres aussi. Et à son travail…
As-tu une idée du nombre de buts que tu as inscrit depuis le début de la saison en match officiel ?
Non, pas du tout.
Tu as dépassé, dimanche face au Rapid Bucarest, la barre des 100 buts…
Je n’imagine pas vraiment ce que ça représente.
7,2 buts en moyenne en quatorze rencontres…
C’est pas mal, c’est vrai. Sans vouloir être prétentieuse, je suis satisfaite de mon début de saison. Moins de mon match contre le Rapid. Mais je sais le relativiser. J’ai eu le sentiment, sur ce match, que les adversaires étaient bien plus vigilantes aujourd’hui avec moi qu’elles ne l’étaient auparavant.
C’est gratifiant ?
Gratifiant ? Je ne sais pas. Les adversaires nous étudient, décortiquent notre jeu. Ça oblige à rester mobilisée, à redoubler d’efforts. Si je réalise un 9/10 au tir, je ne vais pas m’attarder sur les neuf buts, mais sur le tir que j’ai raté. Je vais aussi chercher le moyen de faire plus et mieux en défense. C’est mon tempérament, j’ai toujours envie de donner plus. Que dois-je faire pour mieux anticiper ? Pour effectuer ce pas supplémentaire qui me permettra d’être devant la joueuse qui se replie ? C’est en fait ma manière de continuer à performer.
Comment expliques-tu ta régularité à l’exercice ? As-tu changé quelque chose dans ta préparation, tes routines ?
Je n’ai rien changé fondamentalement. C’est juste une question d’équilibres, un tout. Ma première année à Metz a été difficile. J’ai beaucoup appris personnellement et professionnellement. Aujourd’hui, j’ai la confiance du groupe, du coach, j’ai mes objectifs aussi. Je sais où aller et comment y aller. Je mets beaucoup de choses en place, je fais attention à moi, à mon corps. Je sais être à l’écoute, sentir le moment où je dois me reposer, souffler un peu. Le capitanat réclame beaucoup d’énergie.
Ce brassard, justement, contribue-t-il à cet excellent début de parcours ?
Je ne pense pas, non, je ne me sens pas différente en tout cas avec cette responsabilité supplémentaire. C’est d’ailleurs ce que j’ai dit à Manu (Mayonnade) lorsqu’il me l’a proposé. Je ne changerai rien à mes habitudes, mes façons d’être, de faire. Je n’aime pas prendre la parole devant le groupe, et rester soi-même est sans doute la meilleure méthode pour se sentir légitime dans le rôle. Je donne tout ce que je peux pour que l’équipe performe, c’est ma manière d’être capitaine.
Doit-on alors parler, alors, de maturité ?
C’est ma troisième saison à Metz, j’ai 28 ans, un peu plus d’expérience donc, et sans doute une plus grande maturité, oui. En fait, je me prends beaucoup moins la tête qu’auparavant. Lorsque je passais à côté d’un match, c’était une catastrophe, alors que j’arrive à relativiser aujourd’hui. Je me dis que la gardienne a aussi le droit de faire des arrêts. Cette maturité se traduit également dans ma vie de tous les jours. Je me sens bien. J’ai la chance d’avoir un mari qui me suit au quotidien, qui me soutient dans ma vie professionnelle, et qui participe grandement à cet équilibre. Je ne le lui dis pas suffisamment, mais j’ai de la chance de l’avoir à mes côtés. Comme ma famille d’ailleurs…
Ta complicité avec Hatadou Sako et Camille Depuiset, que tu côtoies désormais en club comme en équipe de France, constitue-t-elle également un avantage ?
Hatadou était là avant que je n’arrive et à force de s’entraîner ensemble, tous les jours, de jouer, des affinités se sont évidemment créées. Avec Hatadou, on se rejoint sur beaucoup de points, dans l’engagement, la manière de s’entraîner. De voir les choses, tout simplement. On se comprend et on se trouve les yeux fermés. Bon, même si l’on s’entend très bien, on s’embrouille parfois, parce qu’on a des caractères durs, entiers, mais on arrive à se dire les choses, et ça nous aide sans doute à grandir. J’adore ce type de relation. Elle ne peut que nous guider vers l’excellence. Ça se passe tout aussi bien avec Camille depuis son arrivée.
De quoi es-tu le plus fière ? De ces 101 buts*, ou de ce pourcentage de réussite au tir hallucinant (80%) ?
Je ne me suis pas posé la question. Sincèrement, je ne m’attarde pas sur tout ça. Je suis plus centrée sur le fait de ne pas avoir suffisamment participé à la victoire contre Bucarest, que sur ces statistiques.
Cette saison est évidemment particulière avec Paris 2024 en point de mire. Comment l’abordes-tu ?
Ces Jeux, chacune d’entre-nous les a évidemment dans un coin de sa tête. Disputer des Jeux olympiques en France, ça n’arrive qu’une fois dans sa vie, peut-être même aucune. Mais il y a tellement de matchs à jouer avant le coup d’envoi, tellement de challenges à relever. Je ne sais pas si Olivier me sélectionnera pour le prochain Mondial, mais cette compétition constituera un premier objectif. De la même manière, on joue ce mercredi contre Strasbourg Achenheim Truchtersheim Handball et il faut trouver le moyen d’appréhender ce match de la meilleure des manières. Sans paraître trop arrogante, on doit pouvoir le maîtriser, et on le prépare, d’ailleurs comme tous les autres, avec le plus grand sérieux, beaucoup de respect. Ce que je veux dire, c’est qu’il y avait dimanche la Ligue des Champions, puis mercredi la Ligue Butagaz Énergie, puis encore la Ligue des Champions, l’équipe de France… Et au bout de tout ça seulement les J.O.
Peut-on garder ce même rythme que tu imprimes depuis la reprise tout au long de la saison ?
C’est l’enjeu. Je veux apporter à Metz Handball et à l’équipe de France tout ce que je suis en capacité d’apporter. Sans brûler aucune étape. C’est ma philosophie, vraiment. C’est comme ça que j’aime avancer. Si je fais un mauvais match, comme contre le Rapid, j’ai deux jours pour m’en remettre et rebondir. Si je fais un bon match, c’est la même chose. Je veux surtout rester fidèle à moi-même. La saison est longue, vraiment très longue, et j’arrive à un âge où je n’ai pas envie de faire des choix, mais plutôt de donner le maximum, quelles que soient les circonstances. Les J.O., c’est une fois dans une vie, un Final Four de Ligue des champions, ça n’arrive pas souvent non plus…
Mais cet engagement n’est-il pas trop énergivore ?
Ça demande du travail en permanence. Sans paraître prétentieuse une fois encore, je bosse énormément, je me remets en question sans cesse, c’est beaucoup d’efforts au quotidien. Je sais ce que je fais, et je sais pourquoi je le fais. Je suis sur une bonne dynamique, c’est vrai, mais je ne veux pas que ça ne dure que deux mois. J’aime le sentiment que ça procure, je vois ce que ça fait d’être fier de soi, et je n’ai pas envie que ça s’arrête.
Es-tu en train de te découvrir ?
C’est une question difficile. J’ai longtemps douté de moi, c’est peut-être d’ailleurs ce qui a fait ma force. Ce n’est pas évident de se remettre toujours en question, c’est même fatiguant, mais c’est comme ça que j’aime avancer. Je me donne à 1000% à chaque entraînement pour que la performance en match m’apparaisse plus naturelle. Je ne sais pas si je me découvre, mais je sens que j’ai beaucoup grandi.
*52 buts en Ligue Butagaz Énergie ; 29 en Ligue des Champions ; 20 en équipe de France.