International à 77 reprises entre 1971 et 1977, fidèle à la Stella Saint-Maur entre 1971 et 1980, l’ancien cadre de chez adidas a 74 ans aujourd’hui. Et toujours cette même passion pour le handball.

Voir la Stella évoluer en Ligue Butagaz Energie, ça a dû éveiller quelques souvenirs…

Ça n’a rien réveillé du tout parce qu’ils sont ancrés en moi. Mais j’étais, oui, très content que le maillot à damiers revienne sur le devant de la scène, au plus haut niveau. La famille Stella ne m’a jamais quitté. Je lui ai consacré dix ans de ma vie en tant qu’acteur, jusqu’à mon dernier match en 1980, mais bien plus en vérité.

Le match du cinquième titre…

Le match face à Gagny, oui, l’une de mes émotions les plus fortes parce que nous n’étions pas favoris. J’avais annoncé que ce serait mon dernier. Je ne suis pas revenu sur cette décision même si des propositions sont arrivées par la suite.

Es-tu toujours impliqué, d’une manière ou d’une autre, dans le handball aujourd’hui ?

Je suis un peu resté à la Stella, j’ai commenté pour Canal+ mais non, j’ai tourné la page. Je me suis toujours beaucoup investi dans mes activités professionnelles parce que je n’ai jamais touché un centime pour jouer au handball. En 1976, j’étais employé par la Mairie de Saint-Maur. J’ai été releveur des compteurs d’eau, j’ai fait les 3-8 dans l’usine de traitement des eaux. Je partais à cinq heures du matin en footing. Il y avait six ou sept kilomètres. J’ai travaillé au service informatique alors que je n’y connaissais pas grand-chose, mais j’ai appris, parce que je savais que c’était le prix à payer pour exercer ma passion : jouer au handball. Je gagnais 1250 francs à la Mairie. Le reste du temps, j’allais m’entraîner, avec Serge Gelé qui me passait les ballons… Je faisais 200 tirs par séance.

Et puis il y a eu adidas…

Un jour, Michel Jazy m’appelle et me dit : est-ce que ça t’intéresserait de rentrer chez adidas ? Tu parles si ça m’intéresserait… Jocelyn Delecour me donne rendez-vous au quatrième sous-sol du 3 rue du Louvre, au siège d’adidas. On discute trois minutes et il me dit : c’est bon, tu es engagé. Je m’apprête à repartir et il m’interpelle à nouveau : Vous ne me demandez pas quel sera votre salaire ? Mince, oui, j’ai oublié. Quel sera mon salaire ?  9500 francs en fixe et 6500 de frais forfaitaires. Je suis reste quarante années chez adidas.

Quels souvenirs gardes-tu de tes années à la Stella ?

Les cinq titres de champion, dans un Coubertin comble, c’est vraiment magique, jouissif. Mais je retiens, d’abord, la richesse des rencontres avec les gens qui ont fait vivre ce club. Paul Quarez, bien sûr, le président, et tous ses adjoints, des gens dévoués, bénévoles, qui ont consenti d’énormes sacrifices.

Ton éducation vient de ces années Stella ?

Une partie de mon éducation oui. J’ai aussi un souvenir marquant, qui date de 1974. On joue notre dernier match contre le PUC. On gagne de quinze buts. On bat Metz en demi-finale et on retrouve le PUC en finale. Ce doit être une formalité. On perd cette finale. J’ai compris ce jour-là que rien n’était gagné d’avance et ça m’a servi de leçon tout au long de ma vie.

La Fédération célèbre cette année le 50e anniversaire de sa collaboration avec adidas. Te souviens-tu de la genèse de ce partenariat ?

Lorsque j’étais en équipe de France, la Fédération était déjà sous contrat avec adidas. Plus tard, j’ai parfois fait en sorte que ce contrat soit revalorisé. Mais j’ai fait rentrer la Stella chez le Coq Sportif qui était associé avec adidas.

Tu avais 28 ans lorsque tu es entré chez adidas. Quel était ton rôle ?

Je suis rentré comme représentant, c’est ce que l’on disait à l’époque, c’est à dire commercial. J’étais détaché pour m’occuper des grandes surfaces puis, plus tard, pour développer le sportswear sur la région parisienne. Ensuite, je suis devenu chef des ventes sur un tiers de la France avec huit représentants à mes côtés. Enfin, on m’a proposé les départements football et rugby. J’y suis resté pendant 25 ans, pour signer des contrats avec les Fédérations, les clubs, les joueurs, de Zidane à Desailly en passant par Barthez. Le dernier que j’ai signé, c’est Pogba. J’avais dépassé l’âge de la retraite, mais ils m’ont gardé un peu comme ambassadeur, consultant, jusqu’en 2016.

Tu es très attaché à cette marque ?

Si j’y suis attaché ? Il n’est pas question que je porte autre chose que de l’adidas. Pareil pour mes enfants. Je leur interdis de porter autre chose. Mais ils le savent très bien et s’habillent d’eux-mêmes auprès de la marque.

Est-ce parce que ce rôle était trop accaparant que tu as arrêté de jouer pour l’équipe de France aussi jeune ?

En 1977, après un Championnat du monde B en Autriche, j’ai décidé que je ne pourrais pas mener les deux activités de front. L’année d’avant, j’avais refusé un stage en Chine parce que je ne voulais pas sacrifier ma vie professionnelle. Heureusement que je n’ai pas gagné d’argent au handball.

Pourquoi heureusement ?

Parce que si j’avais gagné de l’argent, j’aurais peut-être réfléchi autrement… Alors que là, c’était limpide.

Te considères-tu comme un précurseur dans l’idée du double projet ?

Précurseur, peut-être, je ne sais pas, mais c’était alors une obligation. Raoul Buchheit était photographe, Gérard Maurette avait une agence, personne n’était détaché pour ne jouer qu’au handball. 

Tu as dit un jour : « ma carrière internationale a été nulle et je le regrette ». Que regrettes-tu concrètement ?

De ne pas avoir joué les premiers rôles avec l’équipe de France. De ne pas avoir participé aux Jeux olympiques. De ne pas m’être confronté au top niveau mondial. 

Tu rêvais de disputer les Jeux olympiques. La Fédération avait d’ailleurs consenti de gros efforts pour que l’équipe de France puisse participer à ceux de Munich. Pourquoi ça n’avait pas marché ?

Je pense qu’on a manqué de matchs de préparation. On a fait des stages physiques, techniques mais pas suffisamment de rencontres amicales pour apprécier la qualité de l’opposition. Lors de la compétition qualificative en Espagne, on n’était pas à la hauteur de nos adversaires, au niveau mental notamment. On a perdu d’un but contre l’Autriche à Saragosse, de deux contres la Bulgarie et on a été éliminés.

Le handball a-t-il beaucoup évolué ces cinquante dernières années ? 

Ce n’est plus du tout le même sport. Physiquement, tactiquement, tout est différent. Physiquement surtout. C’est Daniel (Costantini) qui a initié le bouleversement.

Penses-tu qu’il existe encore des Monsieur Latruberce dans les écoles et les collèges ?

Monsieur Latruberce était un instituteur paIois passionné par le rugby qui est monté à Paris et qui a privilégié le handball au football. Il ne m’a pas seulement initié au handball, il m’a enseigné le sens des contacts humains et le goût de l’effort. J’espère qu’il en reste, oui. Des instits, des profs de gym d’une générosité remarquable.

As-tu déjà mis les pieds à la Maison du handball à Créteil

Oui. Il y a deux ans pour le rassemblement des anciens internationaux. Et j’y suis revenu la semaine dernière pour la même raison.

Vous voyez-vous souvent entre anciens internationaux ?

Il y a trois ans, je me suis posé cette question : pourquoi nous étions-nous perdus de vue ? J’ai eu l’idée de rassembler ceux avec lesquels j’avais le plus d’accointances chez moi, en Ardèche, accompagnés de leur épouse. Il y avait Raoul Buchheit, Jean-Pierre Rey, Bernard Sellenet, Jean-Jacques Brunet, Alain Nicaise et Gérard Maurette. Certains ne s’étaient plus revus depuis cinquante ans ! Ça a été un moment émouvant, des mecs ont chialé. Sellenet a notamment éclaté en sanglots. On remet ça depuis tous les ans. Entre nous, on s’appelle les « All Stars »… 

As-tu suivi le Mondial féminin ? Suivras-tu l’Euro en Allemagne, les Jeux à Paris ?

Bien sûr que je suis toujours le handball. J’aime beaucoup Olivier (Krumbholz), il est d’ailleurs venu, lui aussi, deux ou trois fois chez moi. Pendant la compétition, on a correspondu par SMS. Il fait un travail extraordinaire avec ces filles. J’espère qu’il sera champion olympique pour sa dernière compétition.

Joues-tu toujours au tennis ?

Non, j’ai complètement arrêté. Le tennis, le triathlon, les marathons, tout ça, c’est terminé. Je marche avec mon chien dans la forêt. Et je fais des étirements tous les jours.

Aurais-tu aimé être handballeur professionnel au XXIe siècle ?

Bien sûr que j’aurais aimé jouer avec ces mecs-là. Au plus haut niveau mondial…