Au lendemain d’une défaite contrariante en Ligue des champions avec Brest à Ljubljana (22-24) en Slovénie, le prodige des Bleues est à pied d’œuvre à la Maison du handball. L’EHF Euro 2022 se profile en effet très vite à l’horizon. Dans la foulée des deux matchs de préparation contre la Pologne, vendredi à l’Arena Glaz Cesson Rennes (21h10) et dimanche à la H Arena de Nantes (16h10).

Avant de se projeter sur l’équipe de France, parlons de l’actualité et cette nouvelle défaite en Ligue des champions. Comment expliquer cette mise en route si difficile pour Brest (4 défaites en six journées) ?
Nous avons vraiment du mal à tout mettre en place et trouver la bonne carburation sur la scène européenne. On ne prévoit pas de perdre à-peu-près tous nos matchs en Ligue des champions et de tout gagner à contrario en championnat, il faut croire que l’on a plus besoin de temps que les autres équipes pour se mettre en place. Malheureusement, on va vite être rappelées par la pression d’être au moins dans les six premiers (sur 8 équipes). J’espère que ce mois de trêve internationale va permettre de déclencher quelque chose lorsque l’on va rentrer en club à la fin du mois. Car c’est sûr qu’à partir du moment où l’on a goûté une finale en 2021, au cœur de la meilleure année de ma jeune carrière, on a envie de faire mieux et y retourner. Ce ne fût pas le cas la saison passée et on commence encore mal cette fois, il va falloir travailler très dur déjà si l’on veut voir les quarts de finale. On en est loin. C’est désolant et énervant à titre personnel.

Cela fait partie des hauts et des bas d’une carrière. Tu évoquais justement 2021, ses titres et son apothéose olympique. Comment est-ce que l’on digère au quotidien un tel enchaînement et une telle réussite ?
Je ne vais pas mentir en disant qu’il y a forcément un contre-coup la saison d’après. Nous avons eu en gros une semaine de répit entre les Jeux olympiques et la saison dernière. On n’a pas trop le temps de mettre un peu les pieds sur terre et se fixer de nouveaux objectifs. D’autant qu’à Brest, nous avions un changement de staff et pas mal de nouvelles joueuses. La saison n’a franchement pas été simple, je n’étais pas préparée à cela. Cela a vraiment été difficile d’enchaîner, surtout moralement et mentalement, et se remettre dans une autre dynamique. Ce n’est pas évident d’être continuellement à la hauteur et il faut accepter des baisses de régime.

Un surplus à tous les niveaux, ponctué d’une blessure au ménisque en début de cette année 2022, heureusement sans gravité. Et cet été, pour la première fois depuis bien longtemps, tu as eu l’occasion de souffler et savourer ce sacre olympique notamment ?
Tout avait commencé en fait avec le titre de championne d’Europe 2018, dès ma première compétition avec les A, puis tout s’est enchaîné jusqu’à Tokyo 2021, sans négliger entre-temps l’impact de la crise sanitaire. Je mesure ma chance d’avoir pu contribuer si jeune à ce palmarès et à cette victoire. Je ne sais plus depuis quand je n’avais pas disposé d’autant de jours de vacances. En six semaines environ, on peut voir la famille, prendre du temps pour soi et vraiment se déconnecter du handball. Cela m’a fait un bien fou.

C’est l’occasion aussi de mesurer le chemin parcouru. De quoi as-tu envie dans le handball après avoir commencé si vite, si fort ?
Je n’ai toujours pas gagné la coupe du Monde, ni la Ligue des champions, donc deux belles sources de motivation, mais assurément les plus compliquées à avoir. Il faut continuer à bosser, rester humble, la tête bien sur les épaules, pour fournir encore plus son palmarès et rester importante sur le terrain. J’ai du temps devant moi pour aller chercher tout cela.

As-tu aussi le sentiment, dans ce laps de temps, d’avoir changé de statut, de la petite jeune qu’on découvre à un cadre incontournable ?
Je ressens forcément sur le terrain ce changement, et lors du Mondial l’an dernier, j’ai senti que cela tournait plus que d’habitude dans la machine à laver. J’ai conscience de gravir petit à petit les échelons et d’avoir pris de l’importance et emmagasiné de l’expérience, sans être pour autant un cadre. Tant mieux si j’ai trois filles à défendre sur mon dos, cela laisse plus de place aux copines pour briller. Il y a eu clairement un avant et un après Jeux olympiques. J’ai la chance de jouer énormément et de m’entraîner avec de très bonnes joueuses…

Un statut qui prévaut aussi pour l’équipe de France, championne olympique et vice-championne du monde et d’Europe en titre tout de même ?
Nous allons rester fidèles à nos habitudes et prendre les matchs les uns après les autres. Même si tout le monde a envie d’une nouvelle finale, avant de se projeter, il faut penser au tour préliminaire face au pays hôte (la Macédoine) et de redoutables nations comme la Roumanie et les Pays-Bas. Puis l’Allemagne et l’Espagne au moins vont nous attendre au tour principal, donc il est important d’abord de bien rentrer dans la compétition. C’est clair qu’à force de faire des finales, nous sommes de plus en plus dans le collimateur des joueuses adverses, le plus dur est de rester en haut. Pour cela, nous devons rester fidèles à nos valeurs et notre force collective. Nous sommes allés chercher ces médailles, il ne faut pas l’oublier, ce n’est pas venu par hasard. Nous avons certes un statut à assumer, mais surtout à démontrer continuellement.

Peut-on parler du point de départ désormais vers Paris 2024, un point de mire de plus en plus proche ?
Je suis plutôt du genre étape par étape, je ne vois pas plus loin que ce championnat d’Europe et l’idée de donner le meilleur de moi-même, afin de se hisser au moins dans le dernier carré. J’ai bien l’intention de me concentrer ensuite pleinement sur mon club pour relever la tête et se remettre dans le sens de la marche. Nous aurons tout le temps l’été prochain de se projeter sur la saison 2023-24 et les Jeux olympiques. Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs, nous ne sommes jamais à l’abri de rien et cela ne sert vraiment à rien de vouloir aller trop vite. Même si c’est forcément dans un coin de ma tête.

Tu es aussi en fin de contrat avec Brest l’été prochain, as-tu décidé de la suite de ta carrière ?
Je ne sais absolument pas si je vais rester en France ou si je vais partir. Je prendrai la meilleure décision pour la suite de ma carrière, sans me fixer de date limite, peut-être seulement en mai prochain. J’ai envie de réfléchir à toutes les options sereinement et certainement pas avoir la tête dans une compétition pour choisir où aller !

Propos recueillis par Hugo Chatelain