De retour à la compétition après avoir mis au monde un petit Jules, en juillet dernier, l’ailière du Brest Bretagne Handball a très vite retrouvé ses sensations et enchaîne les performances de haut vol en ce début d’année. Si elle n’a pas participé au dernier Mondial, Pauline Coatanea a évidemment Paris 2024 dans un coin de sa tête, une source de motivation toute trouvée.

Quatre victoires pour commencer l’année 2024, dont une de prestige à Metz, c’est le meilleur moyen pour retrouver ses sensations, non ?

Je savais, durant la préparation du mois de décembre, que c’était important d’être prête dès les premiers jours de janvier parce qu’il y avait des matches excitants à disputer. Et j’avais bien sûr coché le match à Metz dans le calendrier. J’avais à cœur d’être prête.

23 buts à 88% de réussite en sept rencontres dont un 18/18 en 2024, c’est plutôt pas mal pour un retour…

Je pense que mes onze mois d’absence font que j’ai été oubliée par la plupart de mes adversaires. Il y a aussi le fait que je prends beaucoup de plaisir, que je ne me pose pas beaucoup de questions, et que je me donne à fond parce que la compétition m’a manquée. Je suis contente d’être de retour. Contente de pouvoir apporter quelque chose à l’équipe.

A peine quatre mois se sont écoulés entre la naissance de Jules et ton retour à la compétition. Etais-tu à ce point impatiente ?

Je m’étais mis dans la tête, sans trop le dire d’ailleurs, que je voulais reprendre avant la trêve. Attendre un mois et demi de plus, ça aurait fait un peu long. Je voulais ainsi me prouver que j’étais non seulement capable revenir de rapidement, mais surtout capable de vite évoluer à un bon niveau. La première étape a été de réintégrer le groupe et de retrouver les sensations. J’ai ensuite disposé d’un mois et demi pour être prête physiquement. Ça m’a permis d’aborder janvier avec plus de confiance. Il y a beaucoup d’inconnues avec une grossesse. Comment va se passer l’accouchement. Les premiers mois avec Jules ? Mais j’ai été agréablement surprise de voir comment je réagissais physiquement. Je veux d’ailleurs souligner le très bon accompagnement dont j’ai été l’objet à Brest. Au final, même si tout est effectivement allé très vite, ça a été une reprise en douceur et par étapes. J’avais envie de revenir et mon corps a suivi.

Tu disais, au moment de la naissance, que Paris 2024 serait un moteur pour ta reprise. Ça a effectivement été le cas ?

Oui, bien sûr, les Jeux olympiques, c’est un événement majeur. J’ai cette échéance dans un coin de ma tête, mais il y a beaucoup d’inconnues. La priorité, c’est ma famille. J’attendais un peu, j’attendais ce retour à la compétition pour savoir où j’en étais et pour me fixer de nouveaux objectifs. Ils concernent aujourd’hui le club. L’équipe de France a bien fonctionné sans moi, surtout au mois de décembre. J’ai suivi ce Championnat du monde et ça m’a par instants titillé. J’ai envie de revivre ces moments-là, et donc de consentir tous les efforts pour être performante. J’espère pouvoir remonter dans le wagon.

Comment te sens-tu aujourd’hui ? As-tu retrouvé l’intégralité de tes moyens ?

Je suis contente de mon niveau de jeu, je me sens à 100% de mes moyens. Ce qui m’a fait plaisir sur le mois de décembre, c’est que j’ai validé les tests physiques d’avant ma grossesse. C’est comme si rien ne s’était passé, même si tout a évidemment changé. En fait, je prends beaucoup plus de plaisir qu’avant, je suis moins dans la comparaison systématique. Ça vaut pour les matches comme pour l’entraînement d’ailleurs. Le terrain me manquait. Vraiment.

Onze mois se sont écoulés pendant cette parenthèse. Comment les as-tu vécus ?

Bien. Sincèrement. J’ai vraiment apprécié chaque moment de ma grossesse. J’ai toujours eu la volonté de rester au contact du groupe, je suis venue à tous les matches à domicile, j’ai conservé une certaine routine d’entraînement parce que passer de tout à rien est assez violent. Ça m’a aidé à bien vivre ma grossesse, à en profiter pleinement. Ce qui m’a paru un peu dur, c’est la reprise en octobre/novembre, dans un groupe déjà formé, avec donc un manque de repères. En décembre, le fait d’avoir une équipe plus restreinte m’a aidé à me refondre dans le collectif, à reprendre le fil pour retrouver une place à part entière. 

Qu’as-tu ressenti lors de ton retour face à Podgorica ?

Beaucoup de fierté. J’étais déjà super contente que Pablo (Morel) veuille me retrouver. J’avais une certaine fraîcheur mentale sans doute bienvenue à ce moment de la saison. Les filles avaient livré de nombreux matches à l’extérieur et on sentait comme une forme de fatigue. J’ai essayé d’apporter mon soutien et ma fraîcheur. Mais c’est vrai, j’étais super contente de valider cette étape-là. J’ai marqué mon petit but. L’ambiance à l’Arena était incroyable et m’a fait me souvenir à quel point c’est une chance de pouvoir vivre de sa passion. Et puis mon mari était là, avec Jules et son petit casque sur les oreilles. C’était symbolique pour moi.

La relation à Jules est-elle différente maintenant que tu as repris le rythme de joueuse professionnelle ?

Oui, d’autant plus lorsque l’on dispute trois matches en à peine semaine. Ce n’est pas simple de rentrer un peu tard à la maison, le temps est court jusqu’au moment où il va se coucher. Je conserve heureusement une demi-journée dans la semaine pour profiter, partager de petits moments à deux. Heureusement, mon mari est là, la famille peut aussi prendre le relais. On essaie de lui garder une routine. 

Harmoniser vie professionnelle et celle de maman, est-ce plus délicat que tu ne l’imaginais ?

Forcément, élever un enfant, réclame beaucoup d’énergie, beaucoup d’attention. Je pense d’ailleurs qu’il n’y avait qu’ici, à Brest, que ça pouvait être possible. La famille et la belle-famille peuvent prendre le relais quand on a besoin de se poser. Mais ça demande, c’est vrai, une grosse organisation, beaucoup d’exigence. J’avais déjà une vie rangée, une bonne hygiène de vie, mais là c’est encore exacerbé. Par moments, c’est un peu difficile parce que l’on est obligé de rester dans sa bulle pour tenir. Il m’arrive de décliner des soirées, des petits moments sympas, parce que je sens que c’est encore un peu tôt. Alors on profite à trois. Il faut en fait trouver un rythme, faire quelques sacrifices. Ça chamboule beaucoup de choses.

As-tu échangé à ce sujet avec Cléopâtre Darleux ?

Cléo m’a dit : « tout va vite rentrer dans l’ordre, tu vas voir ». Elle aussi est revenue rapidement sur le terrain, quatre mois et demi je crois, et elle savait qu’il faut avancer étape par étape.

Comment as-tu suivi le Mondial en Norvège et au Danemark ?

Je n’ai pas suivi les premiers matches, nous avions des entraînements, mais j’ai évidemment suivi les trois derniers. Quand j’ai vu la montée en puissance, à partir du match contre la Norvège, j’ai compris que les filles allaient réussir quelque chose de grand. La finale a été incroyable. Ça fait d’autant plus plaisir que l’on a pu parfois nourrir un complexe d’infériorité face à la Norvège. Ces résultats valident les progrès, rassurent, et sont très importants dans la perspective des JO. 

As-tu, parfois, ressenti de la frustration ?

Un petit pincement au coeur parce que ça aurait été top de de faire partie de ce groupe. Mais je n’ai aucun regret, non, parce que je n’étais pas prête. Je savais que ce projet et le fait de revenir en décembre n’étaient pas conciliables. J’avais envie de revenir vite, oui, mais surtout de revenir bien. Mais ce qui est sûr, c’est que je suis super contente pour les filles, notamment, bien sûr, pour Alicia (Toublanc), Coralie (Lassource) et Pauletta (Foppa).

Le jeu avec les ailières a souvent été privilégié. J’imagine que ça ne peut que te réjouir…

C’est une bonne chose. Le jeu pouvait paraître parfois stéréotypé et attendu. Il y a eu un gros travail de réalisé sur l’attaque. Ça a forcément mis en lumière les ailières qui ont eu un rôle plus important sur la finition. C’est bien d’avoir des forces partout. Ça s’est aussi joué sur la vitesse, les contre-attaques, la montée de balle. Il n’y avait aucun doute dans le jeu de l’équipe de France qui s’est créée les conditions de la victoire sur ses propres forces.

Quels sont tes objectifs désormais ?

L’objectif essentiel est de réussir à renouveler les performances avec l’enchaînement des matches tous les trois jours. C’est le plus difficile à faire. Il y a tout un rythme à reprendre. Ma vie a changé avec Jules et je dois trouver cet équilibre pour être performante. L’autre objectif est de conserver une certaine fraîcheur. Ça se passe bien pour l’instant, mais le calendrier est encore dense. Mais c’est ça l’idée, oui : être présente sur chaque match. Me donner à fond sur ces six mois, en Championnat, en Ligue des champions, en Coupe de France, parce qu’il y a de belles choses à aller chercher. Notre collectif est de plus en plus fort, et je le crois capable de décrocher un ou plusieurs titres. Et puis, forcément, il y a l’équipe de France. J’aimerais bien y retourner, le parcours au Championnat du monde a même décuplé cette envie, mais je n’ai pas la main là-dessus. Si j’y reviens, ce sera la récompense du travail fourni.