Marraine des Journées de l’Arbitrage La Poste 2023, Camille Ayglon-Saurina raconte cette première expérience au sifflet. Élue à la commission des athlètes du Comité National Olympique et Sportif Français, toute récente étudiante pour la formation de Manager Général de clubs professionnels dispensée par le Centre de droit et d’Économie du Sport de Limoges, la championne du monde 2017 fourmille de projets.

Avais-tu déjà officié en tant qu’arbitre ?

En participant aux Journées de l’Arbitrage La Poste, je me suis justement fait la remarque. J’ai été joueuse professionnelle pendant 17 ans et je peux compter sur les doigts d’une seule main le nombre de fois où je me suis retrouvée en situation d’arbitrer. Sur l’expérience de la semaine passée à Issy-Les-Moulineaux, il s’agissait d’arbitrer une séquence avec des collégiens pas spécialistes de handball, alors je n’avais pas trop de pression sur la qualité de mon arbitrage.

Cette d’expérience de terrain des 10 et 11 octobre, en plus des échanges avec les jeunes pour les sensibiliser sur le rôle des arbitres, a-t-elle changé ton regard sur l’arbitrage ?

Je me suis dit qu’il était dommage qu’on ne fasse pas plus l’expérience de l’arbitrage. Car une fois que tu te retrouves avec le sifflet dans la main, à devoir prendre des décisions en temps réel, dans un match quel que soit son niveau, ce n’est finalement pas si simple que cela. Cela permettrait certainement d’avoir une autre vision et de faire preuve de plus de tolérance envers ce que l’on vit parfois comme des injustices. Se glisser ponctuellement dans la peau d’un arbitre permet de mesurer encore un peu plus la difficulté du rôle.

Au cours de ta longue carrière, arrière droite bien sûr et grande défenseuse, tu as forcément été confrontée aux décisions arbitrales en ta faveur ou à ton détriment…

Pendant un match, un jeu s’instaure aussi avec les arbitres. Ils n’ont pas tous la même sensibilité et la même tolérance du niveau de l’intensité. Il faut donc s’adapter pour chaque match et comprendre la latitude dont on dispose dans les interventions. En somme, avoir un petit peu de vice, dans le bon sens du terme, pour ne pas se faire attraper par la patrouille. C’est une dimension de la défense qui me plaisait, en premier lieu ce jeu avec l’adversaire et tout de même un petit peu avec les arbitres (sourire).

Outre ton palmarès, être choisie comme marraine Journées de l’Arbitrage La Poste 2023, c’est aussi lié à une certaine notoriété. Comment apprécies-tu cette reconnaissance ?

J’ai parfois du mal à me positionner avec cela. J’étais honorée que La Poste ait pensé à moi pour être ambassadrice. J’ai un peu tendance à admirer les carrières des autres sportifs et de porter un regard un petit peu sévère sur la mienne. Cela fait forcément plaisir d’avoir ce type de retours et cette reconnaissance par les acteurs du sport sur mon parcours, notamment avec l’équipe de France.

Marraine avec Émile Ntamack, Franck Leboeuf, tu as aussi retrouvé Céline Dumerc…

Avec Céline, on se connaît depuis les Jeux de Londres. On s’est retrouvées comme si seulement deux jours avaient passé. Avec Émile et Franck, le courant est aussi bien passé. C’est hyper enrichissant de discuter sur les problématiques d’arbitrage, en particulier dans le football et dans le rugby.

La mise en place de ton projet professionnel de développement de conseils financiers et immobiliers est-il toujours d’actualité ?

Je continue à me former pour accompagner des athlètes sur les problématiques de l’après-carrière. Le handball génère de plus en plus de moyens financiers et même si la stabilité économique n’est pas de mise partout, les conditions évoluent dans le bon sens pour les joueuses et les joueurs. La mise en place d’une stratégie personnalisée d’investissement pendant la carrière permet un peu plus de visibilité et d’anticipation sur la deuxième vie professionnelle. La fin de carrière est déjà un moment délicat, avoir mis en place des choses durant sa carrière permet d’enlever un peu de pression. Il y a dans cette activité un vrai rôle de transmission qui me tient à cœur.

Régulièrement tu interviens, à la Maison du handball, auprès de groupes rassemblés en séminaire. En quoi consiste ces interventions ?
Ce n’est pas seulement transmettre mon expérience en racontant mon expérience mais aller plus loin en expliquant, par exemple, les moments que je considère comme clefs dans la construction d’un projet en tant qu’équipe. Tous ces moments où on fait la différence, tous ces moments aussi où on s’est trompés. Par ce partage d’expérience, j’apporte ma vision du management et de « managée » car j’ai évolué avec des managers français et étrangers. Transmettre et donner des pistes de réflexion à des managers, comment arriver à travailler ensemble, tout ce qui touche à l’équipe, me parle avant tout. Les interventions prennent plus de relief encore dans le cadre de team-building sportif, car associer partage d’expérience et mise en pratique sur le terrain, c’est plus efficace.

Ton emploi du temps parait très dense…

Je fais beaucoup trop de choses, car je veux activer tout qui m’intéresse et que je n’ai pas pu faire pendant ma carrière sportive. Mon emploi du temps est incroyablement rempli mais je crois à ce que je mets en place et cela rend les choses plus faciles. J’en parlais avec des copines internationales qui sont aussi engagées en ligue des champions et je trouve que le rythme est incroyable. Elles me disent qu’elles trouvent aussi mon rythme incroyable. Alors je crois que lorsque on a la tête dans le guidon, on ne se rend pas forcément compte de ce qu’on réalise. J’aimerais avoir parfois des journées plus longues.

Quel est ton engagement au sein du CNOSF ?

Je suis membre de la commission des athlètes de haut niveau (CAHN) et notamment engagée sur la reconversion. Nous mettons actuellement en place un projet ambitieux, en collaboration avec l’APEC et Pôle Emploi, également l’ANS, pour la reconversion d’une quinzaine d’athlètes. Le principe est d’accompagner les athlètes pendant une année avec des mentors issus du monde de l’entreprise qui vont les aider à structurer leur projet afin d’aller dans un emploi qui leur convienne et où ils pourront se réaliser.

Parfois aussi, tu officies dans le rôle de consultante TV, sur beIN SPORTS. Quand il s’agit de réagir aux prestations de l’équipe de France, arrives-tu à te décaler pour porter un regard objectif ?

Ce n’est pas du tout compliqué de faire la part des choses. Je suis en mode supportrice de l’équipe de France et je m’autorise à être un peu chauvine. Quand il s’agit de commenter un match avec des clubs, un exercice dans lequel je me régale également, je me prépare en amont pour être au plus juste sur les références des clubs en lice.

Et parce que tu as l’ambition de te former, tu es redevenue étudiante…

J’ai fait ma rentrée des classes le 3 octobre dernier. Je me suis engagée dans la formation de Manager Général de clubs professionnels dispensée par le Centre de droit et d’Économie du Sport de Limoges. Avec Siraba Dembélé-Pavlovic, Camille Aoustin et Christophe Cassand, nous représentons le handball dans cette promotion 2023-2025. Déjà lorsque j’évoluais à Nîmes, j’avais cette idée derrière la tête :   avoir un rôle dans le développement d’un club et plus largement dans le handball féminin. La première session, qui était passionnante, m’a déjà apporté plein de choses. J’espère, dans un futur proche, mettre en œuvre tout ce que j’apprends.