Arrivée en Métropole à l’âge de 12 ans afin de fuir l’insécurité sur son île, la jeune Mahoraise Dawiya Abdou a décroché l’été dernier la médaille de bronze de l’European Open Championship.

C’est une famille de handballeurs. Une dynastie plutôt. Il y a Ahmed, le père, formateur hors-pair. Onzaiya Boinaidi, son épouse, sacrée compétitrice. Et aussi trois de ses oncles et deux de ses tantes qui évoluent dans l’équipe du Combani Handball Club, à l’ouest de Mamoudzou.

Dawiya ne pouvait évidemment échapper à ce destin tracé. Elle a commencé à cinq ans. Mais elle gambadait déjà sur le plateau alors qu’elle savait à peine marcher.

L’été dernier en Suède, Dawiya a décroché la médaille de bronze de l’European Open Championship, une compétition réservée aux moins de 16 ans. Sa prestation n’a laissé personne indifférent puisqu’elle a été élue meilleure ailière droite de la compétition. Sa vitesse, sa vélocité, son explosivité ont plaidé en sa faveur, comme sa solidité en défense – « je déteste être passée, je donne toute ma vie pour éviter ça » -. « ça a été une vraie fierté, dit-elle. J’ai été choquée, je ne m’y attendais vraiment pas. Mais ça m’a motivée, ça ma fait reprendre confiance en moi alors que je ne pensais pas avoir le niveau… »

Dawiya Abdou est la première Mahoraise formée localement à porter le maillot de l’équipe de France puisque Zaliata Mlamali a peaufiné ses habiletés à Angoulême, Mérignac puis Metz. « C’est une autre fierté, sourit-elle, pour moi, mais surtout pour toute ma famille qui me soutient et a toujours cru en moi. »

Cette famille qui ne lui a pas seulement inoculé le virus du handball. C’est elle qui, en 2018, alors que le territoire de Mayotte était secoué par une escalade de violence, l’a envoyée avec sa soeur cadette en Métropole afin de fuir cette insécurité. « J’étais en cinquième, raconte-t-elle, et nous avons atterri à Castelsarrasin avec ma tante Dassanti et ma petite soeur. Le handball n’était clairement pas la priorité… »

le président de la Ligue de Mayotte, Hairoudine Hanzizi (Photo FFHandball / Iconsport)

La situation perdure depuis des années à Mayotte, mais elle avait alors atteint son paroxysme lorsque des groupes armés de chaînes de vélo et de bâtons s’étaient affrontés aux abords des collèges et lycées. Des affrontements à la machette entre jeunes de quartiers rivaux avaient affolé une population déjà en souffrance. Mayotte est le plus pauvre des départements français. L’île concentre des difficultés sociales et économiques. Le chômage y est endémique. En fin d’année dernière, Estelle Youssouffa, élue du groupe Libertés, Indépendants, Outre-Mer et Territoires avait d’ailleurs interpellé le gouvernement à l’Assemblée Nationale à propos des violences : « chaque jour, nos enfants vont à l’école la peur au ventre parce que les établissements scolaires sont attaqués, les entreprises sont incendiées, les automobilistes sont agressés par des hordes de jeunes démons qui se déplacent par centaines. Des barbares en culottes courtes, de 12 à 13 ans, armés de machettes, de barres de fer, de cailloux, qui tuent, pillent, agressent, détruisent et sèment le chaos. Des mineurs, des jeunes adultes, la plupart étrangers en situation irrégulière que nous appelons terroristes parce qu’ils mettent notre île à feu et à sang, et sèment la terreur pour nous faire fuir. »

Dawiya aime son île. Elle y retourne le plus souvent possible, respirer l’air, capturer l’énergie dont elle se ressource. « J’ai joué deux ans à Castelsarrasin, raconte-t-elle, puis participé à de petites compétitions avant de tenter les sélections pour le Pôle Espoir. J’ai essayé avec la génération 2005, mais je n’ai pas été retenue. J’ai été prise l’année d’après. J’étais contente mais aussi un peu angoissée. J’avais peur de me lasser du handball à cause des doses d’entraînement. Mais j’ai aimé ça même si ça a été un peu compliqué la première année à cause de l’éloignement. J’ai fais en sorte de rester forte. Même s’il y a des moments où c’est dur d’être loin des siens. »

Sa soeur est repartie depuis. Dawiya vit désormais à Hauterive, toujours avec sa tante, fréquente le Pôle Espoir Occitanie à Toulouse depuis 2020, joue en N1 à Bruguières. Elle a encore parfois des sautes d’humeur, en décembre dernier par exemple. « J’étais épuisée, pas vraiment très bien, je voulais tout arrêter, se souvient-elle. Et puis je suis rentrée deux semaines. J’ai chassé mes idées noires. »

Promis, elle va aller au bout de son rêve et concentrer tous les efforts nécessaires. « J’ai pris mes marques, assure-t-elle, et je pense qu’avec beaucoup de travail, je vais y arriver. » Arriver à quoi ? « J’ai envie d’aller au bout. Le bout, c’est France A. »

Philippe Pailhoriès

FICHE TECHNIQUE
Président : Hairoudine Hanzizi
Responsable Pôle Espoir filles : Zarouki Ali Minihadji
Joueuses issues du territoire : Dawiya Abdou et Zoloufayin Lassira.
Joueurs issus du territoire : Mohamadi Loutoufi, Amil Malicki et Chamiry Riday.