Originaire de Nouvelle Calédonie, Olivia Vaitanaki a effectué toute sa carrière professionnelle en Métropole avant de lancer le Pôle Espoir de Dumbéa. Sa passion et son ardeur donnent des résultats étonnants.
Sa carrière de joueuse
« Je suis née en Nouvelle Calédonie, mais j’ai longtemps vécu en Métropole, où mon père était militaire. J’ai commencé le handball assez tard, à l’âge de 14 ans. J’aimais bien le basket, mais surtout l’athlétisme. J’avais de grosses qualités pour le lancer. Mais le hand me correspondait mieux, c’était plus diversifié et évidemment plus collectif. Je jouais avec mes soeurs, sans autre ambition que celle de côtoyer ma grande soeur à Vannes. Je ne connaissais alors rien aux structures qui mènent au haut niveau.
J’ai commencé par des sélections départementales, les rassemblements de comités, les interligues. J’adorais m’entraîner, aller au match. Je suis entrée au Pôle de Brest entraîné par Thierry Guégan lorsque j’étais en 1re. J’y suis restée deux ans. J’ai pas mal souffert, parce que je découvrais des exigences nouvelles et différentes de mes préoccupations d’alors : s’entraîner tous les jours, se faire mal, cumuler hand et études… Mais j’aimais ça, et j’ai eu envie d’aller voir plus loin. J’ai signé à Brest Penn Ar Bed en D2. J’y suis restée trois saisons. J’ai participé à des stages nationaux et disputé des compétitions avec les équipes de France jeunes et juniors. Je me suis prise au jeu, même si mes parents sont repartis en Nouvelle Calédonie, si mes grandes soeurs étaient à Rennes, et que je me suis donc retrouvée seule, à 17 ans. Je suis partie à Nantes, en N1, puis j’ai eu envie de changer de niveau. J’ai signé à Lyon, à l’ASUL Vaulx-en-Velin, pour deux ans, puis à Fleury-les-Aubrais, où nous avons disputé la finale de la Coupe de la Ligue. Je suis revenue un an à Brest, puis une autre année en qualité de joker médical à Fleury avant de signer à Mios avec qui nous avons remporté la Challenge Cup en 2011. J’ai mis un terme à ma carrière professionnelle avec une ultime saison à Fleury, avant de retourner en N1 à Montargis, et j’ai même disputé deux matches avec la réserve de Fleury la saison passée. Mon seul regret, c’est de ne pas avoir eu accès à France A. Je ne rentrais sans doute pas dans le moule. Olivier Krumbholz recherchait de grandes arrières capables de tirer de loin, ce qui n’était pas exactement mon profil. »
Sa carrière dans l’encadrement
« Au départ, je souhaitais être professeur d’EPS. J’ai passé une licence éducation et motricité, puis un Master activités physiques adaptées. J’ai très tôt été sur ce projet de devenir entraîneur. J’ai amorcé un DE à Mios que j’ai achevé à Fleury. J’envisageais alors de m’occuper d’un Pôle parce que j’avais la certitude que cette tranche d’âge est idéale pour bien mesurer la transformation du jeune. Mais je ne pensais alors absolument pas à la Nouvelle Calédonie. J’ai eu des discussions avec Philippe Bana, le président de FFHandball, qui m’a fait part de la volonté fédérale d’ouvrir un Pôle à Nouméa. Au début je n’étais pas très emballée. La Nouvelle Calédonie est isolée, alors que j’aime le haut niveau et la perspective d’assister en Métropole à de nombreuses rencontres. Mon mari m’a convaincu de tenter l’expérience. Il y avait tout à construire, et le challenge, finalement, était à la hauteur de mes attentes. Mais il me fallait définir des objectifs, une ambition. Je voulais faire quelque chose de bien, d’efficace. »

Des premiers pas probants
« Le Pôle s’est ouvert en 2015, uniquement dédiée aux filles. L’idée a séduit le gouvernement. Les premiers temps ont été compliqués. Nous avons dû nous adapter. Je ne connaissais pas grand monde à la Ligue, et je n’avais à leurs yeux aucune légitimité. Je sentais les réticences et j’ai dû faire ma place, convaincre. J’ai beaucoup travaillé, je me suis beaucoup investie pour obtenir les résultats nécessaires à l’ancrage de la structure. A Nouméa, il me fallait trouver des joueuses, des créneaux d’entraînement, des salles, et tout ça était un peu trop dispersé à mon goût. Alors j’ai suggéré de déplacer le Pôle à Dumbéa où toutes les conditions, et notamment celles de l’hébergement en internat, étaient réunies. J’ai un peu bousculé les habitudes, mais ça a marché. Je me suis entourée de bénévoles, puis d’un préparateur physique, un kiné, une préparatrice mentale. En janvier 2016, aux Interpôles de Dijon, Suzanne Wajoka a été détectée. Elle a intégré le Pôle d’Orléans dans la foulée. Cassidy Chambonnier a ensuite été prise au Pôle de la région centre. Ça voulait dire que j’étais dans le vrai, qu’il y avait un potentiel.
Jusqu’en 2019, la structure est restée dédiée aux jeunes filles. Puis nous avons ouvert un Centre Territorial d’Entraînement pour les garçons avec cinq joueurs pour commencer. Deux d’entre-eux, Lilian Tallon à Nîmes, et Jean-Philippe Takaniua à Istres sont dans des centres de formations de clubs professionnels. Le Pôle, lui, s’est ouvert en 2021.
Avec les filles comme les garçons, l’objectif est de préparer les jeunes à intégrer des structures de haut niveau en Métropole. On leur apprend les notions essentielles que certains peuvent parfois négliger, comme la rigueur, la ponctualité, l’hygiène de vie. On essaie de leur faire comprendre que certaines valeurs, au-delà des compétences physiques ou handballistiques sont essentielles et qu’il faut les respecter. En fait, on est sur de l’accompagnement des individus, une adaptation à une autre culture. L’idée n’est surtout pas de l’envoyer en Métropole pour voir, mais bien de le mettre dans les meilleures conditions pour qu’il réussisse. A ce sujet, la priorité est d’être bien certain qu’il est dans son projet.. Dans les tests d’entrée, l’aspect motivationnel est d’ailleurs essentiel. »
Vers un pôle océanien
« Il y a à peine 400 licenciés en Nouvelle Calédonie et contrairement à mes collègues de Métropole, je n’ai pas 100 dossiers de candidature sur mon bureau. Alors, je vais chercher les jeunes, j’ai un réseau qui repère des profils. L’idée est de travailler sur le développement des clubs afin d’augmenter ce chiffre. Il existe un plan calédonien 2024 qui vise à développer la discipline en formant des jeunes sur des contrats d’apprentissage, des BPJEPS pour des missions au sein de la Ligue. On veut aussi s’appuyer sur la pratique UNSS pour faire le lien. A terme, l’ambition est de monter un Pôle Océanien, de l’ouvrir aux pays anglophones. Notre Pôle et notre savoir-faire sont connus dans le Pacifique, et l’idée est d’en faire profiter les autres îles et d’avoir une visée internationale. »
Propos recueillis par Philippe Pailhoriès

FICHE TECHNIQUE
Présidente : Ghislaine Chambonnier
Responsable Pôle Espoir filles : Olivia Vaitanaki
Responsable Pôle Espoir garçons : Olivia Vaitanaki
Joueuses issues du territoire : Cassidy Chambonnier, Malia Losa Falelavaki, Norah Folituu, Julianna Munanoa, Suzanne Wajoka et Mara Vama.
Joueurs issus du territoire : Ezeckiel Alakiletoa, Robert Hoatau, Jean-Philippe Takaniua ry Lilian Tallon.