Vice-présidente en charge de l’Outre-Mer, Gina Saint-Phor se félicite de la relance observée sur chacun des territoires au lendemain d’une crise sanitaire durement ressentie. Mais apprécie surtout l’écoute dont ils sont désormais l’objet.

Comment se porte aujourd’hui le handball dans les territoires ultramarins ?
Aujourd’hui, on peut dire qu’il y a une relance. Une vraie relance. Sur l’exercice 2021/2022, nous étions encore sous le coup de difficultés dues, pour leur majorité, au pass sanitaire.

Certains territoires s’en sortent-ils mieux que d’autres ?
Oui, Mayotte, par exemple, rebondit mieux que les autres. La Réunion et la Nouvelle Calédonie également. La reprise est beaucoup plus difficile sur la zone Antilles/Guyane à cause des obligations sanitaires. Il faut dire que la zone en question a souffert de couvre-feux à répétition. Il faut savoir que les entraînements se font après les horaires de travail, et que la peur du virus a incité les parents à garder les jeunes à leurs côtés plutôt que de les laisser pratiquer l’activité. Ils avaient peur de la confrontation, de la contamination.

Les Pôles ont-ils été impactés ?
Non, parce qu’ils ont bénéficié de la dérogation de sportifs de haut niveau. Lorsque les accès aux gymnases étaient interdits aux autres, ils n’ont rien changé à leurs habitudes. Par contre, toute la détection a été mise à mal.

Avez-vous perdu beaucoup de licenciés ?
Oui, mais le phénomène s’est inversé, et nous notons une augmentation dans quasiment tous les territoires. On revient aux chiffres d’avant la crise, et on les dépasse même à Mayotte, où le handball est un réel levier pour contourner les problèmes de société et motiver les jeunes vers une pratique physique. 

Quelles sont les attentes de la Fédération vis à vis de ces territoires ?
L’objectif de la FFHandball est d’atteindre à nouveau la barre des 500 000 licenciés et nos territoires doivent aider à l’atteindre grâce à leur dynamisme. L’outremer est un moyen fort pour affirmer la présence de la FFHB dans le monde entier sur tous les continents. D’une manière plus générale, les Ligues doivent mettre en place la politique de la FFHandball, et notamment promouvoir toutes les formes de pratique. C’est un enjeu majeur. Tous les territoires sont d’ailleurs en ordre de marche pour les développer, qu’il s’agisse du beach et du hand à 4 notamment. Pour le beach, il y a une réelle demande de formation. La participation des Ultramarins à la Coupe de France de juillet était une première et a créé un véritable appel d’air. Dans nos territoires, le beach peut se pratiquer toute l’année et constitue un réel atout. Toutes les ligues vont également recevoir les kits mobiles de hand à 4.

Ces territoires permettent aussi au handball français de rayonner à travers le monde…
Sur tous les continents et dans tous les Océans. C’est aussi un enjeu majeur. Les territoires sont membres associés de l’IHF et participent aux compétitions des IHF Trophy, aux actions de formations internationales.

La crise sanitaire a-t-elle eu des conséquences sur le développement de certains projets ?
Oui, forcément, même si je n’ai pas d’exemple précis en tête. Les plateaux, les moments festifs ou d’initiation n’ont pu avoir lieu, certains clubs ont été mis en sommeils quand les joueurs ne remplissaient pas les obligations sanitaires… Et puis certains stages programmés en amont de compétions ont été annulés alors qu’ils sont un moment de rencontre, de partage, fondamental dans notre stratégie. Heureusement, on a pu continuer sur l’international.

Le handball ultramarin doit-il obligatoirement fournir des joueuses et des joueurs aux équipes de France ?
Il n’y a pas de quotas, mais c’est l’objectif, oui. Un chemin tracé. Nous nous devons de proposer une formation de qualité afin que les jeunes soient repérés par des centres de formations qui les préparent au haut niveau et donc aux équipes de France.

Les Pôles ont-ils une bonne image ?
Absolument. L’image de notre dynamisme, de la qualité de notre formation. C’est d’ailleurs important que des jeunes réussissent. Pour les collectivités, pour les autres jeunes aussi qui les prennent pour modèles. Les Pôles sont une filière reconnue dans nos territoires. Reconnue par les jeunes athlètes, les clubs, les parents, les collectivités ou les responsables politiques.

Quelle est aujourd’hui la relation entre les mondes associatif/fédéral et scolaire ?
Le handball s’est un peu perdu dans les établissements du 2nd degré. Nous relançons des conventions entre la Fédération et les organisations scolaires, l’USEP et l’UNSS en premier lieu. On s’est rendu compte que le handball a quitté le programme des enseignants et qu’il a été remplacé par des activités comme le badminton, l’escalade. Tout un travail est effectué pour le relancer, notamment avec des signatures de conventions et des formations mixtes. La difficulté est de délivrer les agréments pour la formation des jeunes avec des diplômes reconnus par l’éducation nationale. 

La carence en gymnases adaptés est-elle partout le frein principal ?
Partout, non, mais nous avons un gros problème de manque d’infrastructures couvertes. Et c’est un frein à l’adhésion de nos jeunes qui en ont marre d’être confrontés à la pluie, au soleil et qui doivent adapter leur pratique. Dans certaines ligues, il y a eu un refus de jeunes par manque de créneaux. Il faut donc non seulement augmenter le nombre de structures, mais également rénover celles qui le nécessitent. 

Aux Interpôles féminins de Bourg-de-Péage, Antilles/Guyanne a terminé à la 12e place et la Réunion à la 13e. En 2022, La Réunion, la Guyane et la Nouvelle Calédonie avaient terminé aux trois dernières places des Interligues féminines. Comment faut-il interpréter ces résultats ?
On est sur le problème de la confrontation. Les jeunes de Métropole jouent sur des Championnats élites. Les nôtres non. Il leur manque aussi cette habitude de jouer ensemble. Heureusement que la MDH permet de les accueillir sur 4-5 jours en amont des tournois. Ils peuvent ainsi procéder à un travail de cohésion, de préparation.

Vous travaillez au retour de Tahiti dans le giron fédéral. Où en êtes vous ?
Tahiti a participé à l’AG 2022 à Pau. Il sont souhaité réintégrer la FFHandball, c’est une bonne nouvelle. Notre objectif, avec Jeannick Moreau, est de retrouver la Fédération tahitienne et nous allons signer une convention pour renforcer sa présence dans la zone Pacifique. Tahiti a besoin de l’expertise de la FFHandball en termes de formation technique et d’arbitrage, et aussi sur l’accompagnement sur les compétitions internationales. On vise ensemble le Handball aux Jeux du Pacifique 2027 que Tahiti va organiser.

Comment se passe la collaboration avec la Nouvelle Calédonie ?
La coopération commence à porter ses fruits. Les résultats de toutes les zones sont intéressants. La zone Antilles/Guyane, la zone Océan Indien (Mayotte et Réunion) et donc la zone Pacifique (Nouvelle Calédonie/Tahiti) permettent une autre approche de l’activité. Nouméa et son Pôle espoir sont devenus la base d’entraînement internationale garçons et filles du Pacifique.

Comme la Guadeloupe, Tahiti est qualifié pour les finales intercontinentales de l’IHF Trophy U18 garçons…
Dans chaque zone, il y a des compétitions puis ces finales. Guadeloupe et Tahiti seront effectivement de la partie. La Guadeloupe de Méline Nocandy ou Jannela Blonbou avait remporté l’IHF Trophy en 2015 en Bulgarie. Cette présence française est importante. Francis Malinur, le référent ultramarin à l’international, veille à l’encourager. Nos territoires rayonnent à l’international.

Le Pôle de Mayotte est-il toujours en cours de labellisation ?
L’ouverture est prévue en 2023 si toutes les conditions sont réunies. On travaille sur l’internat, le gymnase dédié.

Au-delà des contraintes évidentes, la période Covid n’a-t-elle pas permis de créer un lien plus étroit entre les élus des territoires ultramarins ?
Tout à fait. Si cette période a été compliquée pour la pratique, elle a permis des échanges à travers tous les territoires. Le travail de création, de projet, de formalisation de projets de zones a été fait de façon continue. Et cette période a aussi permis de créer du lien avec les élus de la FFHandball. Les échanges ont été plus proches et plus nombreux. Mais ça a surtout renforcé les liens entre les différents territoires.

Philippe Bana a dit de vous : Gina est une décideuse qui fonce, qui coordonne les territoires, qui se bat pour les projets, budgétaires, de développement… Vous retrouvez-vous dans ce portrait ?
Je me bats, oui. Ce n’est pas facile tous les jours. Il y a eu des avancées parce qu’on n’a pas hésité et on a été entendu par les autres élus et dans les différents services. On forme un binôme efficace, je le crois, avec Jeannick Moreau, représentant des territoires ultramarins au niveau fédéral. J’avoue que depuis que nous sommes élus, nous avons l’impression d’être reconnus et entendus. Nous sommes issus de territoires éloignés mais la MDH est un formidable outil qui a permis aux territoires ultramarins de retrouver leur place. Il suffit de quelques jours à la MDH, en préparation ou pour une assemblée pour se rendre compte de la disponibilités des élus et des différents services. On a le sentiment d’un élan ultramarin collectif que j’ai la fierté d’animer. 

Propos recueillis par Philippe Pailhoriès