Nous avions évoqué dans le numéro 189 de HandMag, la prise en charge de la contusion musculaire, plus communément appelé « béquille ». Parmi les lésions les plus fréquemments rencontrées, nous retrouvons les lésions dites « intrinsèques ». Cette expression est utilisée pour indiquer que la lésion n’a pas une origine provenant de l’extérieur (coup reçu, chute…) mais de la rupture d’un nombre de fibres musculaires plus ou moins important consécutive à une sollicitation en allongement au-delà des capacités de résistance de celles-ci. Par Franck Lagniaux – Kinésithérapeute PhD – Service médical des équipes de France – FFHandball et par le Docteur Christophe Guegan – Commission médicale FFHandball

Si la prise en charge immédiate est quasiment identique à celle d’une lésion extrinsèque (Cf HandMag 189, pp 44-45), les délais de récupération peuvent s’avérer bien différents. Pour effectuer cette estimation qui reste la question première posée par les athlètes, « quand est-ce que je reprends ? », les professionnels de santé utilisent différentes classification. Nous évoquerons ici, et de manière simplifiée, deux d’entre-elles.

Bien évidemment, ces estimations restent incomplètes si elles ne font pas l’objet d’un examen clinique pertinent. Celui-ci comporte plusieurs étapes :
– Antécédents : existe-t-il des lésions antérieures ? au niveau de la même région ?
– Mécanisme déclenchant, modalités de l’arrêt de l’effort : Douleur apparaissant au moment d’une accélération ; lors de l’échauffement ou d’un match ; en première ou deuxième mi-temps ; entraînant ou non un arrêt immédiat de l’activité….
– Impotence fonctionnelle : Est-elle immédiate, progressive comme lors d’une reprise après la mi-temps d’un match, ou inexistante.
– Évaluation de la douleur : s’agit-il d’une légère sensibilité à la contraction ou bien d’une douleur importante, de type ponctuelle ou plus diffuse.
– Localisation de la blessure et ressenti du sportif (craquement, coup de hache, déchirure….).

(Photo DR)

La première classification à l’avantage de ne nécessiter que peu de connaissances médicales. Il s’agit de la classification décrite par Guillodo (2014) et qui permet une estimation rapide de la durée de l’arrêt sportif au travers de 5 signes cliniques (ATTENTION : l’arrêt sportif est considéré du moment ou le sportif arrête son activité, jusqu’au moment ou il reprend celle-ci à son niveau antérieur).

Suite à la blessure, un examen clinique est effectué par un professionnel de santé. Il en ressort 5 signes cliniques en faveur d’une lésion majeure :
– Interrogatoire :
1. Douleur initiale > 6/10 EVA
2. Douleur dans la vie quotidienne > 3 jours
3. Perception d’un craquement
– Inspection :
4. Présence d’une ecchymose
– Examen :
5. Limitation douloureuse > 15° à l’étirement passif du muscle lésé par rapport au côté sain.

Si les signes cliniques 1 et 2 sont associés, le risque de lésion majeure est quasi-certain (Spécificité de 95%).
Dans ce cas, les délais de reprise sont définis de la façon suivante :

  1. Arrêt sportif inférieur à 40 jours : Reprise du jogging en moyenne à 2 semaines et reprise totale du sport vers le 21eme jour à Lésion musculaire mineure
  1. Arrêt sportif de plus de 40 jours : Reprise du jogging en moyenne à 6 semaines et reprise totale du sport vers le 60eme jour à Lésion musculaire majeure

(Photo DR)

Dans la classification de Durey et Rodineau, l’arrêt de l’activité est défini à partir du stade de la lésion (du stade 0 au stade 4) :

  • La douleur, modérée, apparaît progressivement à la suite d’un effort plus ou moins intense. On parle alors de « courbatures » ou de douleurs musculaires d’apparition retardée (ou DOMS pour Delayed Onset Muscle Soreness). Cela correspond au stade 0.
  • La douleur, apparaissant progressivement au cours de l’effort, reflète souvent une lésion de type « contracture ». Elle peut augmenter au cours de l’entraînement mais n’entraîne pas de douleurs violentes. Elle peut même parfois diminuer au cours de l’échauffement. Elle correspond au stade 1.
  • La douleur subite en « pointe », d’apparition brutale, reflète souvent une lésion de type « élongation ». Dans ce cas, le sportif stoppe son activité mais il peut parfois rester sur le terrain et ne décrire sa blessure que plus tard. Elle correspond au stade 2.
  • La douleur « en coup de poignard », localisée, entraînant immédiatement l’arrêt de l’effort et une impotence fonctionnelle correspond au stade 3.
  • Il existe des lésions encore plus importantes qui entraînent immédiatement un arrêt de l’activité, associées à une douleur importante, avec apparition d’un vide musculaire. On parle alors de « rupture ». Cela correspond au stade 4.

    Le délai de reprise sera estimé en fonction du stade lésionnel :

  • Stade 0 : d’aucun arrêt à 24-72 heures (ce stade correspond à ce que l’on classe communément dans le terme de « courbatures »).
  • Stade 1 : 2 semaines (pouvant s’étaler de 1 à 3 semaines)
  • Stade 2 : 4 semaines (pouvant s’étaler de 3 à 5 semaines)
  • Stade 3 : 6 semaines (pouvant s’étaler de 5 à 7 semaines)
  • Stade 4 : Minimum 8 semaines et pouvant aller, en fonction de la gravité de la lésion, jusqu’à plusieurs mois.

    Faut-il que je fasse rapidement une imagerie lors d’une lésion musculaire ?

Bien sûr, il n’existe pas de réponse toute faite.

Cependant, on peut dire qu’il n’y’a que très rarement nécessité d’effectuer rapidement une imagerie. En effet, la partie la plus importante à prendre en compte reste l’examen clinique effectué par un professionnel de santé qui sera à même d’orienter la conduite à tenir.

Sauf traumatisme important suite à un choc, la radio ne présente aucune utilité.

L’échographie peut présenter un intérêt afin d’évaluer l’étendue des lésions, mais il ne sera effectué, en réglé générale, que 48 heures après la lésion. Quand à l’IRM, il reste en général réservé au suivi des sportifs professionnels de haut niveau, son coût étant important et son accès parfois difficile.

Les grands principes de prise en charge après une lésion :

  1. Immédiatement à la suite de la lésion, application du protocole POLICE
    1. P-PROTECTION : Mise au repos de la zone en lésion
    2. OL – OPTIMAL LOADING : Équilibre entre repos et mise en charge en respectant la douleur. Une mise en tension progressive de la zone lésée (étirements statiques, contractions isométriques) peut débuter 48h après le traumatisme en respectant ces principes.
    3. I – ICE : Glaçage immédiat, 20-30 minutes toutes les 3 heures, en prenant soin d’intercaler un tissu entre la glace et la peau pour éviter les risques de brûlure.
    4. C – COMPRESSION : Contention souple
    5. E – ÉLÉVATION : Surélévation du membre lésé
       
  2. La cicatrisation : La mise en charge pourra se faire rapidement, sans confondre vitesse et précipitation. La marche devra s’effectuer sans douleur, tout comme les contractions musculaires de la zone en lésion. Lors de cette phase, il n’est pas conseillé de prendre des anti-inflammatoire. En cas de douleur, préférer le paracétamol.
     
  3. La récupération : Récupération de la force et des amplitudes articulaires, sans douleur associée. Exposition progressive à la course.
     
  4. La fonctionnalité : Reprise spécifique en fonction du sport pratiqué.

    Une bonne prise en charge permet, dans la grande majorité des cas, une reprise sans séquelle. Elle devra être effectué sous le contrôle de professionnels de santé (médecins, kinésithérapeutes), seuls habilité à évaluer le niveau lésionnel et la conduite à tenir dans la reprise de l’activité.