Il a vingt-deux ans, et au bénéfice d’un excellent début de saison avec Montpellier, Charles Bolzinger est du voyage en Pologne. Gardien atypique avec ses grands segments, souple malgré sa taille, il détonne par sa capacité à observer, sa force mentale, et son éternel sourire.

Est-il vrai que tu es devenu gardien parce que tu n’aimais pas courir ?
C’est en partie vrai. En très grande partie même…

On s’est même laissé dire que tu ne savais pas courir…
C’est encore vrai. Au niveau motricité, lorsque j’étais jeune, ce n’était pas trop ça.

Qu’est-ce qui t’a, alors, poussé vers la cage ?
Mon grand frère était gardien. Branko Karabatic, le papa de Nikola et Luka, était gardien lui aussi, et il était mon parrain. Avec de tels exemples, c’était naturel de suivre leur trace.

Ce poste t’a-t-il plu immédiatement ?
J’ai adoré les sensations qu’il procurait, oui. C’est très vite devenu une évidence. Dans le jardin, avec mon frère, on jouait entre deux arbres, je le suivais partout, je l’accompagnais au CREPS, j’allais aux entraînements à vélo. Je suis tombé amoureux de ce poste. Je regardais toutes les vidéos possibles et imaginables. Je copiais tout ce que je voyais : prendre la place, lever la jambe…

C’est comme ça que tu as affiné ta technique ?
Je me suis inspiré de tout et de tous, j’ai écouté, observé. J’ai beaucoup travaillé aussi. Et ce mélange m’ai aidé à me construire.

Charles Bolzinger figurait parmi les dix-huit joueurs alignés face à l’Égypte dans le cadre du Tournoi de France. Il vise maintenant d’entrer en jeu. (Photo FFHandball / Iconsport)

Abas Arslanagic, champion olympique avec la Yougoslavie en 1972, avait décelé chez toi de grandes qualités…
Je l’avais rencontré lors d’un stage en Bosnie je crois, mais c’était vraiment au début.

As-tu un modèle ?
Je suis totalement fan de Niklas Landin, qui a explosé au moment où j’envisageais de jouer à haut niveau. J’ai même son maillot de Kiel que mes parents m’ont offert en cadeau de Noël.

Ton parcours n’est pourtant pas si linéaire qu’on l’imagine. Tu as longtemps dû attendre ton tour, tu avais même été écarté du Pôle Espoir au début…
Ça a été une période compliquée pour moi, un vrai échec. J’étais élève au collège de Frontignan, je m’entraînais avec Montpellier, je faisais les aller-retour. Je n’étais que le troisième gardien dans la hiérarchie. Ne pas être retenu pour entrer au Pôle a marqué un coup d’arrêt. J’ai failli baisser les bras.

Comment as-tu rebondi ?
J’ai repris du plaisir à Frontignan. Je jouais avec mes copains d’enfance, j’ai retrouvé des sensations que j’avais perdues à Montpellier. Et puis ma morphologie a changé, ça m’a aidé à passer les paliers. On m’a laissé une seconde chance au Pôle. Je l’ai saisie.

Avec son pote du Montpellier HB, Yanis Lenne. (Photo FFHandball / Iconsport)

Quand as-tu réellement commencé à prendre tout cela au sérieux ?
Au fur et à mesure, dès mon entrée au Pôle. J’ai souvent été mis en concurrence, mais il y a des marques qui t’aident à grandir. Déjà, je me sentais mieux techniquement. J’ai été capitaine, puis retenu pour des stages nationaux avec les U17. On m’a à nouveau confié le brassard en N1. Rien n’a été linéaire, mais je me suis accroché.

Jusqu’à jouer avec les pros à dix-huit ans…
Professionnel, je ne savais même pas ce que ça voulait dire. Ce que je voulais, c’était évoluer au plus haut niveau possible. Ça a toujours été un rêve de gosse.

Le rêve s’est accéléré cette saison…
On ne m’a rien donné, je suis allé le chercher, mais c’est vrai que tout s’enchaîne favorablement. J’étais censé être le numéro 3 à Montpellier, et j’ai disputé beaucoup de matches en qualité de titulaire. Là, je vis encore une autre expérience.

Comment expliques-tu cette progression ?
J’ai vécu cet été ma deuxième vraie préparation, et je me suis beaucoup investi physiquement pour être le plus au point possible. Bon, le cardio n’est toujours pas mon point fort, je courais souvent seul dans la forêt à l’arrière du peloton, mais elle m’a fait beaucoup de bien. Et la confiance que l’on m’accorde depuis est un formidable moteur.

Que t’ont apporté les deux stages que tu as vécu avec l’équipe de France ?
Avec Jean-Luc (Kieffer), on travaille sur le détail pour préciser ma technique pure, la polir, et aussi sur les aspects physique et mental pour pouvoir enchaîner. Ce sont les bases pour passer un cap et être performant au très haut niveau.

Être au Mondial sans avoir joué une seule seconde en équipe de France, ni avoir la certitude de participer à l’aventure sur le parquet, n’est-il pas particulier à gérer ?
C’est bien sûr un peu frustrant, parce qu’un compétiteur a toujours envie de montrer qu’il peut être utile, et parce que lorsque l’on tutoie le haut niveau, on en veut toujours plus. Mais c’est une expérience fabuleuse, avec des joueurs exceptionnels, et je la vis sans me prendre la tête, les pieds bien sur terre. J’essaierai d’être le meilleur et le plus utile possible à l’équipe si l’on a besoin de moi, et si l’on n’a pas besoin de moi, je ferai en sorte d’apporter tout ce que je peux apporter pour participer aux équilibres du groupe.

Comment as-tu vécu ta première Marseillaise à Orléans ?
C’était aussi un rêve de gosse. En plus avec Nikola, Luka…

Tout le monde évoque à ton propos un caractère jovial, une bonne humeur permanente ? Est-ce réellement ta nature ?
Oui, je ne me prends pas beaucoup la tête.

Un gardien doit parfois être capable de s’agacer…
Je peux m’agacer. Plus contre moi que contre mes défenseurs. Ce n’est pas mon tempérament de m’imposer en ces termes dans une vie de groupe.

Comment envisages-tu la suite maintenant ?
Je n’ai franchement pas envie d’y réfléchir. Je vis sur du court terme. Bien sûr que j’ai de l’ambition. Les Jeux olympiques ? En toute honnêteté, je n’y ai pas pensé. Pour l’instant, je profite et je continue d’apprendre.

Propos recueills par Philippe Pailhoriès

Séance de musculation avec un Élohim Prandi taquin. (Photo FFHandball / Iconsport)