Après avoir passé 45 jours en stage en France il y a dix ans, Yalatima Nanga Coulibaly et Mamadou Diabate ont vécu une carrière à haut niveau, et dispensent aujourd’hui leur savoir-faire auprès des arbitres africains.

Yalatima Nanga Coulibaly habite à Abobo, l’une des treize communes du district d’Abidjan, parmi les plus précaires d’Afrique de l’Ouest, jalonnée de bidonvilles et de quartiers insalubres. Mamadou Diabate est son voisin de palier, son binôme. Son double.  Ensemble, ils ont dirigé des centaines de matches, dont un France – Croatie à Bercy en 2011. « J’avais sifflé un marcher à Nikola Karabatic et Claude Onesta m’avait dit que j’étais suicidaire », rigole Mamadou.

Les deux arbitres ivoiriens ont pris leur retraite aujourd’hui, mais ils se croisent fréquemment dans les locaux de la Fédération ivoirienne ou dans ceux de la Confédération africaine. « On a arrêté de siffler, précise Yalatima, pas d’être au service de l’arbitrage et des règles du jeu. »

En juillet dernier, nous les avons croisés à Cocody Danga, le jour du passage des grades fédéraux africains à Abidjan. Ils n’ont pas changé. Facétieux. Allègres. Le sourire accroché en permanence à leur bouille ronde. Ils n’ont rien oublié de leur séjour en France. En 2011, donc, ils ont profité de chacune des minutes partagées avec François Garcia, Alain Dessertenne, Laurent Reveret et Sylvie Borotti, les référents affiliés à leur formation, pour peaufiner leur rôle, découvrir des environnements singuliers. « C’est François Garcia qui a eu l’idée de créer ce binôme, raconte Yalatima. Nous n’y étions pas forcément favorables, mais il avait tellement raison. »

D’une même voix, ils affirment que ces quarante-cinq jours ont façonné leur vie d’entraîneur, leur vie d’homme. « Notre style, nous l’avons forgé en France, précise Mamadou. Nous avons eu l’opportunité de débriefer très vite nos prestations, d’échanger avec nos formateurs immédiatement après les rencontres, d’utiliser le logiciel Dartfish, d’arbitrer des rencontres de haut niveau, à Besançon ou Nice, aux Interpoles de Deauville. Nous avons vraiment bien été accueillis en France, par les joueuses et les joueurs, les éducateurs, et je crois que nous avons beaucoup appris en très peu de temps. »

Les deux complices sont insatiables lorsqu’il s’agit d’évoquer les moments marquants de leur immense carrière. (Photo FFHandball / J.Schlosser).

Ils ont profité de leur expérience pour marquer leur territoire, régner sur le continent et même s’immiscer sur la scène internationale. « Notre plus mauvais souvenir, soupire Mamadou, c’est un Danemark – Argentine en huitième de finale du Mondial masculin 2011. Nous avons commis une erreur qui a eu une incidence sur le résultat final. »

En revanche, ils n’ont rien oublié de la finale du Caire, à la CAN 2010. Dans une ambiance unique, la Tunisie d’Heykel M’Gannem, Wissem Hmam et Issam Tej a eu raison d’Ahmed El-Ahmar et de ses camarades (24-21). « Que la Tunisie s’impose en Égypte, détaille Yalatima, c’était déjà comme un cataclysme. Mais je crois que nous avons maîtrisé les débats. D’ailleurs, à la fin du match, les officiels égyptiens nous ont félicités pour notre tenue du match. »

Les deux sont insatiables. Ils évoquent des matches, des coups de sifflet, des discussions. « Un jour, nous avons sifflé deux appuis-zone à Luc Abalo, et il n’était vraiment pas d’accord avec nous, se souvient Yalatima. Nous lui avons proposé de regarder la vidéo puis d’échanger. Il est revenu vers nous pour nous dire que nous avions raison. »

Mamadou Diabate travaille aujourd’hui au service informatique du service de la Santé Publique de Côte d’Ivoire, mais il est surtout président de la Commission d’Arbitrage et des règles du jeu (CAR) à la FIHB et à la CAHB. Yalatima Nanga Coulibaly, lui, est employé à la bibliothèque nationale, et occupe la fonction de vice-président de la CAR. Ils demeurent d’éternels complices. « Si nous en sommes-là, conclut Yalatima, c’est grâce à la France, et à ce séjour qui a changé nos destinées. »

Philippe Pailhories

Dans le cadre d’une collaboration avec l’IHF, la FFHandball a accueilli le binôme d’arbitres ivoiriens qui ont sifflé une dizaine de matches (N1M, de Handball ProD2 et de LFH) pour préparer le Mondial 2015 féminin au Danemark. (Photo FFHandball).

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