Longtemps, de génération en génération, les Bleus de France ont trouvé au sein du championnat espagnol une terre fertile à leur épanouissement. Et dans les duels internationaux, le terreau pour construire des pans de leur légende. Un phénomène presque traditionnel, jusqu’à ces dernières années, marquées par le retour à la maison des tricolores et l’expatriation de plusieurs stars espagnoles vers le championnat hexagonal. Et un constat qui relève de paramètres divers mais dénote, aussi, de la proximité entre les deux nations.


De tous temps, une relation privilégiée a lié le handball français à son homologue espagnol. Une accointance qui ne se réduit pas aux duels fratricides qui ont marqué l’histoire des deux nations mais se déclinent bien au-delà. Depuis Eric Cailleaux, international tricolore dans les années 1980, qui fut le premier à passer la frontière en 1983 pour rejoindre le club de Granollers, ils sont nombreux chez les Bleus à avoir suivi le même chemin. Sémir Zuzo, Olivier Girault, Bruno Martini, Patrick Cazal entre autres ont suivi le même chemin. Tout comme Jackson Richardson. Après une escale en Allemagne, le génial demi-centre de la sélection pose ses valises à Pampelune, en 2000. « Jouer en Allemagne ou en Espagne, c’était déjà à l’époque pouvoir prétendre remporter une Coupe d’Europe, explique le champion du Monde (1995 et 2001) depuis son île chérie de la Réunion où il est en plein tournage d’un documentaire qui retracera sa vie et sa carrière. Et puis, c’était aussi une culture qui me ressemblait. Un jeu davantage créatif, fantaisiste« .

Il y restera cinq années durant et remportera deux titres nationaux, une Coupe des Coupes et, en 2001, la prestigieuse Ligue des Champions. Témoin privilégié de la relation intime que nouent les deux pays, « Jack » se souvient aussi que, déjà, les oppositions entre les deux sélections relevaient du combat d’hommes. « Je crois que l’histoire du handball français, oui, est étroitement liée à l’Espagne. Parce que la première médaille, celle des JO de 1992, a été conquise là-bas, à Barcelone. Et que nous avons joué le premier match du tournoi face à des Espagnols qui voulaient nous manger tout crus ! Malheureusement pour eux, ça nous a surmotivés et c’est nous qui les avons croqués !« « Une lutte fratricide »
Depuis, les bras de fer se sont multipliés et se sont souvent tenus dans le théâtre des grands rendez-vous internationaux. En parallèle, les Bleus ont continué à trouver de l’autre côté des Pyrénées une terre propice à leur essor. Neuf années durant à Madrid pour le désormais responsable de la défense au sein du staff français Didier Dinart et quatre, sous le même maillot madrilène pour Luc Abalo. « L’Espagne est toujours présente dans ma vie, J’y ai joué plusieurs années à Ciudad Real et aujourd’hui, j’ai deux espagnols dans mon équipe au Paris Saint-Germain Handball. Donc je parle couramment la langue parce qu’il faut les aider un peu !, raconte l’ailier des Bleus. Et puis, je suis toujours en contact avec d’anciens coéquipiers comme Viran Morros, Julen Aguinagalde, Arpat Sterbik? » Le capitaine des Experts Jérôme Fernandez a également fait un long séjour chez le voisin de la France. Un voyage de huit ans. Il y a retrouvé ses racines, y a aussi récolté pléthore de titres et vécu des instants fondateurs de sa vie d’homme à l’image de la naissance de son fils, en 2007, pendant ses années barcelonaises. « Oui, j’ai un lien particulier avec l’Espagne. Et je suis triste de constater que le championnat dans lequel j’ai si longtemps évolué va si mal« . En effet, si les flux migratoires franco-hispaniques ont longtemps été à sens unique, la tendance s’est aujourd’hui inversée. « Cela fait désormais trois ou quatre ans que beaucoup de joueurs espagnols ont bien compris que s’ils voulaient exister et tenir un rôle en sélection, ils ne pouvaient plus faire carrière chez eux. Alors que, naturellement, culturellement, avant, ils restaient au pays, reprend « Fernand ». La crise a durement touché les clubs, à l’exception de Barcelone qui ne peut pas accueillir tout le monde. Et c’est ce qui explique aussi que nombreux sont actuellement les grands joueurs espagnols à évoluer en France« . Cédric Sorhaindo et Nikola Karabatic sont désormais les deux derniers représentants de la sélection nationale en Espagne, sous le maillot de Barcelone. Et alors que les Ibères ont toujours préféré ne pas quitter leur terre, la crise économique traversée par la Liga Asobal les a poussés à s’expatrier. Et, à l’image du nantais Valero Rivera (voir ici) pour beaucoup, c’est naturellement que le choix s’est tourné vers la France. « C’est un peuple qui nous ressemble de près« , ajoute Claude Onesta. Motif supplémentaire pour justifier le trait d’union qui lie les deux pays. Pourtant, vendredi soir, l’affection partagée, les amitiés nouées, seront mises entre parenthèses pour laisser place à « une lutte fratricide« . Un énième combat qui pourrait, une fois encore, marquer l’Histoire du Handball.LES HANDBALLEURS FRANCAIS EN ESPAGNE DANS L’HISTOIRE
ERIC CAILLEAUX (1983-1984 – Granollers)
BRUNO MARTINI (1996-1997 – Pontevedra puis 1998-1999 – Cangas)
OLIVIER GIRAULT (1998-1999 – Irun)
STEPHANE RAPHANEL (Février à juin 1999 – Irun)
SEMIR ZUZO (1998-1999 – Irun)
CHRISTOPHE KEMPE (1999-2001 – Irun)
PATRICK CAZAL (1999-2002 – Irun)
ARNAUD CALBRY (2002-2003 – Pampelune)
STEPHANE JOULIN (2003-2004 – Ciudad Real)
JACKSON RICHARDSON (2000-2005 – Pampelune)
ANTHONY PISTOLESI (2003-2004 – Leon)
CYRIL VIUDES (2005-2007 – Irun)
ARNAUD TABARAND (2005-2007 – Irun)
SEUFYANN SAYAD (2006-2007 – Cangas puis 2007-2008 – Almeria puis 2008-2009 – Teucro)
JEROME FERNANDEZ (2002-2008 – Barcelone puis 2008-2010 – Ciudad Real)
LUC ABALO (2008-2012 – Ciudad Real)
GUILLAUME JOLI (2010-2012 – Valladolid)
DIDIER DINART (2003-2012 – Ciudad Real)
XAVIER BARACHET (2012-2013 – Ciudad Real)
CEDRIC SORHAINDO (Depuis 2010 – Barcelone)
NIKOLA KARABATIC (Depuis 2013 – Barcelone)
(Source : L’Equipe Mag’)