À l’initiative de la Ligue Féminine de Handball et le partenaire Lidl, une conférence s’est tenue ce mercredi sur le thème des cycles menstruels. L’occasion pour la LFH d’ouvrir le débat avec des experts engagés, des sportives, des entraîneurs, avant le déploiement d’un plan de sensibilisation dans les 14 clubs LFH au cours de la saison.

Au sein du handball français, plusieurs joueuses ont individuellement pris la parole sur le sujet des cycles menstruels, à l’instar de Melvine Deba venue témoigner aujourd’hui lors de ce talk novateur. Les structures s’y intéressent, la parole des sportives se libère mais les études manquent pour mieux comprendre l’étendue des conséquences du cycle sur les performances des sportives. « Notre objectif est d’être à l’initiative et de soulever des sujets importants, au-delà d’un simple partenariat financier. Nous avons initié ce débat dans le cadre de notre engagement auprès du handball, explique Léa Rubinsztajn (responsable sponsoring sportif Lidl France). C’est une activation en trois phases puisque nous organiserons avec les clubs LFH en 2023 des ateliers de sensibilisation auprès de jeunes joueuses dans les centres de formation, portés par une joueuse de club LFH. Lidl mettra ensuite à disposition des protections périodiques dans les clubs LFH. Cette première saison 2022-2023 en appellera d’autres et nous espérons que ces initiatives permettront de faire avancer le débat sur ce sujet. » C’est pourquoi Nodjialem Myaro, présidente de la LFH, apprécie cette initiative : « Il y a vingt ans nous ne parlions pas du sujet des cycles menstruels avec le staff médical et très peu entre joueuses. La parole se libère de façon intergénérationnelle et je suis heureuse de voir qu’un sponsor engagé comme Lidl accompagne la ligue et la fédération pour s’emparer du sujet. »

Camille Comte, l’entraîneur de Bourg de Péage Drôme HB. (Photo Lidl France)

Carole Maitre : « les sportives ont une forte acceptation de la tolérance à la douleur »
L’entraîneur de Bourg de Péage Drôme Handball, Camille Comte, pose le constat suivant : « à ce jour, nous ne distinguons pas la pratique féminine et masculine dans nos entraînements. Nous manquons cruellement de données quantifiables, nous devrions être plus informés dans les formations d’entraîneurs et développer un climat de confiance avec les joueuses pour qu’elles osent en parler avec le staff. » Le technicien est rejoint par Melvine Deba (Chambray Touraine Handball) : « J’ai découvert ce qu’était le cycle à 20 ans dans le cadre d’une formation. J’avais conscience d’avoir des règles mais pas que cela s’inscrivait dans un cycle avec toutes les fluctuations qu’il implique notamment sur l’esprit d’équipe où l’on peut se sentir moins sociable. J’ai désormais conscience d’avoir un lanceur d’alerte en moi et j’ai appris à m’écouter. » Les interventions remarquées de Carole Maître (gynécologue-médecin du sport à l’INSEP) et de Juliana Antero (chercheure à l’INSEP) ont apporté un éclairage précieux. « Il y a un déficit énergétique lié au sport durant certaines phases qui sont bien visibles : fatigues chroniques inhabituelles, contreperformances, blessures plus fréquentes, difficulté à prendre de la masse musculaire et à terminer les entraînements, rapporte Juliana Antero tandis que Carole Maitre souligne que « les sportives ont une forte acceptation de la tolérance à la douleur et ne veulent pas que cela soit perçu comme une faiblesse. »

Melvine Deba et Manon Loquay, actrices de la Ligue Butagaz Énergie, ont porté la parole collective. (Photo Lidl France)

Estelle Nze-Minko : « un grand manque de connaissances sur le sujet. »
Outre les prises de parole des joueuses de Ligue Butagaz Énergie telles que Melvine Deba (Chambray Touraine HB), Maëlys Kouaya (HB Plan-de-Cuques) et Manon Loquay (Les Neptunes de Nantes), Estelle Nze-Minko s’est aussi exprimée sur ce sujet qu’elle porte depuis quelques années auprès des médias. Naturellement présente en Macédoine-du-Nord pour l’EHF EURO 2022, elle témoigne de la nécessité de briser un tabou : « bien sûr, cela prend du temps et c’est pourquoi il est nécessaire de continuer à en parler afin de prendre le sujet à bras le corps. Depuis 2018, je prends la parole sur ce sujet en direction des jeunes joueuses afin qu’elles ne se sentent pas gênées d’en parler à leur tour. » Et pas seulement pour libérer la parole, aussi parce qu’il s’agit d’un facteur déterminant de la performance. « Dans le sport on essaie de tout optimiser. Lors des entrainements, nous portons des systèmes qui permettent en temps réel de regarder les pulsations, la distance, le rythme, la vitesse maximum… Bref de recueillir des paramètres. Depuis toute jeune, nous sommes aussi plus ou moins sensibilisées à la diététique, à la récupération, au sommeil, poursuit la capitaine des Bleues. Mais on omet de parler des cycles menstruels alors que c’est un phénomène naturel que l’on ne sait pas gérer. » Pour l’arrière gauche, il ne s’agit pas d’une de pointer l’encadrement très majoritairement masculin dans la filière féminine. « Je ne pense pas que ce soit lié à un encadrement masculin, car je ne suis pas convaincue que si l’encadrement était 100 % féminin, ce ne serait au cœur des discussions. Ce n’est pas lié à un manque de volonté mais il y a un côté tabou et un grand manque de connaissances sur le sujet. »

Estelle Nze-Minko a exprimé ses doutes depuis la Macédoine-du-Nord. (Photo FFHandball / J.Schlosser).

Estelle Nze-Minko s’appuie sur l’exemple de ce championnat d’Europe pour évoquer des progrès dans la prise en charge du cycle menstruel et en particulier de la période des règles. « Avec 10 jours de préparation plus la compétition, autant dire que toutes les filles vont y passer, sourit la championne olympique. Nos kinésithérapeutes ont suivi une formation spécifique afin de poser des « tapes » (« une espèce de strap ») sur nos ventres pour nous soulager. » Et la capitaine des Bleues de poursuivre : Lorsque j’ai mes règles je me sens faible et fragile. J’ai plein de questionnements et plein de doutes qui sont dues à mon manque d’informations et c’est pour ça que j’en parle beaucoup. Je demande des réponses car je suis convaincue qu’on est fragilisé notamment sur les premiers jours de la période des règles. Tout ce que je lis expose indéniablement que les ligaments sont plus distendus et potentiellement c’est un risque accru de blessure. En revanche, à d’autres périodes, j’ai une énergie de malade, et j’ai envie de travailler encore plus certaines choses sur ces épisodes. Si demain une étude me dit que 10 jours après mes règles, je peux y aller à fond alors je vais optimiser cette période. »

Hubert Guériau (avec A.T.)

Nodjialem Myaro a témoigné aux côtés de Carole Maitre et de Juliana Antero. (Photo Lidl France)

Quelques chiffres clefs : 

  • Les troubles du cycle sont source d’inquiétude pour 1/3 des sportives de haut niveau.
  • 84% des sportives de haut niveau vivent leur période de règles comme une difficulté : douleurs, fatigue, crampes…
  • Seulement 23% des sportives de haut niveau déclarent avoir pu échanger sur les problèmes de cycle avec leur entourage sportif : médecin fédéral, de pôle, entraîneur, autres sportives
  • 37% des sportives n’ont jamais entendu parler des menstruations dans le domaine du sport, 50% « parfois », 13% « souvent ».