Son retour a été scruté et forcément remarqué au sein de l’équipe de France durant cette semaine internationale. Allison Pineau a endossé de nouveau la tunique bleue après son absence pour blessure lors du dernier Euro. Avec la ferme intention de faire sa place dans l’optique des JO de l’été à venir.

Tu as renoué avec l’équipe de France à l’occasion de ce dernier rassemblement. Comment cela s’est passé pour toi ?
C’était une bonne semaine de travail, cela nous a permis de reposer les bases et débriefer un peu sur l’Euro. Je n’y étais pas mais j’avais eu des échos et gardé le contact. Nous avons reparlé des points qu’il fallait améliorer et certaines choses qu’il fallait peut-être changer. Je parle bien sûr du chantier offensif, au travers d’une semaine quand même dense avec deux matches contre le Danemark. Nous avons sans doute un peu marqué le pas samedi sur la seconde période, il y a eu du déchet, mais nous avons fait preuve de caractère pour aller chercher cette seconde victoire, car c’était aussi important pour nous.

Dans quel état d’esprit étais-tu après cette absence de quelques mois ?
Je n’avais pas d’appréhension particulière et plutôt un grand plaisir à retrouver ce groupe dont j’ai vécu par procuration sa belle épopée de décembre. De mon côté, je suis repartie de plus belle en 2021 avec mon club de Podgorica au Monténégro. J’ai retrouvé la même équipe, avec juste une médaille de plus autour du cou. J’étais contente de retrouver les filles et l’atmosphère de cette sélection, et me relancer tout simplement dans ce groupe.

À ce propos justement, comment Olivier t’a présenté ses attentes vis-à-vis de toi ? Tu as conscience d’être attendu dans ton rendement offensif désormais ?
Oui j’en ai pleinement conscience, du fait aussi de ma saison et mon rôle avec Buducnost en Ligue des champions. Je me sens bien, je me suis détachée de certaines choses, et cela me permet d’entrevoir de nouvelles perspectives. Je sais que je suis attendue dans ce secteur-là et ce que j’ai à faire. Ce n’est pas que je n’ai plus besoin de faire mes preuves en défense, mais Olivier connaît ma polyvalence, mes aptitudes et mon expérience dans ce domaine. Il veut donc que j’apporte de nouvelles choses vers l’avant et que je me montre différemment.

Est-ce que c’est facile pour toi de changer un peu de registre en quelque sorte à ce stade de ta carrière ?
Non, ce n’est pas simple de changer son jeu et je pense que la vérité se trouve entre les deux finalement. J’ai 32 ans et je ne vais pas révolutionner ma manière de jouer aujourd’hui. Le plus important est de réussir à mettre mes qualités au service du groupe. Je ne me projette pas à 10 000 à l’heure comme les jeunes, il faut que j’en fasse une force sur les différents temps d’attaque. C’est là que je dois faire la différence avec mon vécu et mes caractéristiques, entre stabilité et changement de rythme. Au gré de la confiance accumulée cette saison au quotidien, je pense avoir connu un déclic, mieux comprendre les attentes et comment je devais moi amener ces choses-là.

Est-ce que l’on ne te demande pas finalement d’être plus dans la transition que dans la finition ?
Oui sans doute. J’ai forcément un regard et des responsabilités différentes par rapport à avant. Mais c’est aussi un peu le piège, car je dois être proactive avant tout sur le terrain. Je dois trouver le juste milieu entre les moments où je vais poser le jeu et ceux où je vais accélérer sans monopoliser le ballon. Je dois faire la part des choses entre le rôle qui m’incombe en club et ce dont l’équipe de France a besoin de moi. Ce qui est sûr, c’est ce que ce passage au Monténégro m’a totalement relancée mentalement. Et que j’ai envie d’arriver en pleine possession de mes moyens en cette fin de saison. Contrairement à 2012 et 2016 par exemple.


Je ne vais pas révolutionner ma manière de jouer aujourd’hui

As-tu changé des choses en ce sens dans ta préparation au quotidien ?
Je suis plus minutieuse et j’ai changé ma façon de travailler auprès des préparateurs physiques à Podgorica, qui m’ont aidé à reprendre confiance. Même si leur collaboration s’est achevée avec le club, j’ai continué à travailler avec ces deux personnes-là de ma propre initiative. Le choix de partir à l’étranger également était important et assumé. Je voulais que l’on me laisse un peu tranquille dans mon coin, et puis j’avais besoin de retrouver la gnac et une certaine mentalité.

Tout cela dans la perspective des Jeux olympiques. En quoi cette quête de médaille d’or est une obsession ?
Lorsque l’on a déjà gagné l’argent, c’est difficile de parler d’une autre couleur. Cela représente pour moi le Graal, ce petit truc en plus qui viendrait ancrer un peu plus l’histoire de cette équipe de France. Nous avons tout à gagner cet été à Tokyo, mais l’on sait aussi que l’équilibre est fragile et que rien n’est écrit à l’avance. Nous avons eu la chance d’être qualifiées depuis longtemps et de pouvoir se préparer sereinement en amont, contrairement aux autres fois. A nous d’en faire le meilleur usage jusqu’au bout.

L’actualité du handball féminin, c’est aussi la récente signature d’une inédite convention collective dans une discipline. Quel regard tu portes sur cette autre avancée de votre microcosme ?
Je pense que le handball en général a toujours été précurseur dans de nombreux domaines ou débats, comme sur la parité par exemple. Oui le handball féminin avance aussi en dehors, et j’ai bien suivi l’évolution depuis mes premiers pas dans la discipline. C’est plaisant de voir tous les gens qui sont engagés et surtout que nous sommes actrices de notre développement. Ce qui se passe c’est aussi par rapport à la place de la femme dans la société, dans les institutions, dans les entreprises, il faut forcément qu’il soit retranscrit dans le sport. La maternité était un sujet qui faisait débat depuis très longtemps, c’est marquant que l’on est réussi à obtenir un consensus dans le domaine. Ce n’est qu’un début car il y a encore plein de choses à révolutionner, et cela va bien au-delà de la sphère du sport et du handball. Le chemin est encore long, la professionnalisation des clubs n’est en qu’à ses prémices, mais de tels progrès, il y a une réelle volonté de nous tirer vers le haut.

Est-ce du coup une fierté supplémentaire de faire partie de cette famille ?
Bien sûr ! Un pays comme la France se doit d’être à la hauteur de ces attentes. Cela me paraît aberrant aujourd’hui que l’on en soit encore de là. Mais il suffit de regarder trente, quarante ans en arrière pour mesurer l’évolution. Alors tant mieux si mon sport aujourd’hui fait bouger les lignes et que nous avons acquis quelque part cette légitimité de faire avance le débat !

Propos recueillis par AGC