Double champion du monde (1995 et 2001) puis manager du Paris SG HB pendant une décennie, Bruno Martini est le nouveau président de la ligue nationale de handball. Parallèlement à son parcours professionnel notamment dans le Esport, l’ancien gardien de l’équipe de France revient donc dans le giron du handball. Élu par les représentants des clubs professionnels masculins et par les familles du handball, il succède à David Tebib pour un mandat de trois ans à la présidence de la LNH.

Qu’as-tu ressenti au moment où ton élection à la présidence a été rendue officielle ?
C’est une fierté, surtout au regard des responsabilités. Je ne veux pas surinvestir le titre de président de la LNH mais si je suis élu, c’est que des personnes m’ont sollicité et me font confiance. Certes, les dirigeants des clubs me connaissent mais c’est important de montrer qu’un ancien joueur peut aussi devenir un dirigeant investi. Ce qui a fait germer cette possibilité, c’est d’une part l’expérience acquise avec le Paris SG HB. D’autre part, mes responsabilités au sein de l’AJPH puisque j’ai fait partie des quelques-uns qui l’ont créée ainsi que la vice-présidence de l’UCPH. Dans ces missions, ma posture a toujours été la recherche du compromis.

Quelle ambition te guide pour prendre cette nouvelle responsabilité ?
Je suis persuadé que le meilleur moyen de rendre la confiance placée en moi, ce sera d’être collaboratif et de travailler en équipe, de façon œcuménique. Le handball ne peut pas faire l’impasse sur les synergies : ce sera mon leitmotiv.  J’ai évolué à un poste individuel dans un sport collectif (sourire) mais j’apprécie de travailler en équipe, de prendre en compte les besoins de tous, quel que soit leur statut.

Après le départ d’Olivier Girault au mois d’août 2020, David Tebib assurait l’intérim à la présidence. Que retiens-tu de son action pendant 16 mois dans une période agitée par la crise de la Covid-19 ?
La situation était très instable avec de nombreuses implications. Je tiens à souligner son engagement et son investissement incroyable lors de cette période compliquée en tant que président de la LNH, de l’Usam et en tant qu’entrepreneur. David a aussi fait preuve d’un dévouement exceptionnel et de beaucoup d’abnégation. Le handball doit lui en être reconnaissant.

Après l’arrivée de Liqui Moly et le réengagement de beIN SPORTS (les deux jusqu’en 2026), quels sont les objectifs de la LNH pour le développement économique ?
La ligue agit en complément du travail des clubs. Elle doit essayer de faire en sorte que l’attractivité du handball soit augmentée, ainsi les partenariats supplémentaires viendront plus facilement si la Liqui Moly Starligue et la Proligue sont plus visibles. Renforcer notre identité et gagner en visibilité sont des éléments essentiels, c’est vrai pour notre OTT, aussi pour Twitch et pour TikTok avec des formats courts afin de s’inscrire dans les habitudes de consommation des jeunes publics. Muscler nos canaux de diffusion est donc fondamental pour capter et fidéliser le public et le ramener dans les salles.

Quels sont les autres dossiers que tu entends porter particulièrement et qui te tiennent à cœur ?
Le deuxième point, ce sont les valeurs du handball. C’est bien de dire que notre milieu est sympa mais il ne faut pas penser que rien ne peut nous arriver. C’est mieux d’aller plus loin avec des actions concrètes pour lutter contre les discriminations de toutes sortes, aussi en direction de l’environnement. On aurait tout à gagner à affirmer plus encore ce que l’on est, à associer la marque du handball professionnel à ce sceau de valeurs.

C’est peu de dire que tu connais très bien le secteur professionnel après ta carrière de joueur puis de manager au Paris SG HB. Comment envisages-tu la collaboration avec la FFHandball et notamment avec les équipes de France masculine, des jeunes jusqu’au A ?
C’est un enjeu primordial. Il en va de notre capacité à nous unir sur des sujets structurants. Sur les valeurs aussi, bien sûr, c’est évident. Sur les enjeux économiques, Lidl et son partenariat croisé où tout le monde y trouve un intérêt est un bon exemple. Nous avons tous intérêt à multiplier les opérations dans ce sens-là. Travailler sur des opérations transversales, une compétition commune, le secteur de l’arbitrage avec des améliorations nécessaires, le premier contrat du joueur professionnel… Tous ces chantiers sont importants et le handball n’est pas assez fort pour s’y atteler un ordre dispersé. J’ai hâte de travailler avec la fédération et avec Philippe Bana.

Et la relation spécifique à l’équipe de France A ?
Tout en essayant de répondre à ses objectifs et à ses impératifs, Guillaume Gille a réussi à être dans le dialogue et dans le compromis, à ne pas adopter une position égoïste qui diffère des situations parfois rencontrées dans le passé. Guillaume a eu une position hyper intelligente et pragmatique lors de certains rassemblements qui ont conduit par exemple à l’aménagement du calendrier avant le TQO. Je suis assez confiant à notre capacité à avancer encore là-dessus.

Ton élection intervient quelques semaines seulement avant le Final Four de la Coupe de la Ligue aux Arènes de Metz. Le format de la compétition te convient-il ou envisages-tu une nouvelle formule dès la prochaine saison ?
Une réflexion profonde est à conduire sur le format de la coupe de la ligue. Pour ma part, je suis favorable à une fusion des deux coupes nationales. Cette vision n‘est pas partagée par tous mais on va devoir en parler pour trouver la meilleure solution. Je suis convaincu par l’opportunité de développer un format élargi qui permettrait plusieurs choses. D’abord de ménager les organismes, de faire participer les territoires et de les rapprocher des clubs professionnels, de permettre aux partenaires du handball de se rencontrer et de créer du réseau autour, organiser des tables rondes avec des spécialistes du sport en France. Bref, il y a plein de choses à imaginer et à organiser pour apporter une plus-value.

Quel regard portes-tu sur la performance des gardiens Vincent Gérard et Yann Genty lors des J.O. de Tokyo 2021, que tu avais associés au Paris SG HB ?
Initialement, on pouvait douter de la complémentarité de ces deux garçons, rapport à leur âge, leur gabarit, leur style de jeu. Mais ce sont deux garçons intelligents, comme souvent avec les gardiens (sourire) et j’avais la sensation que l’entente allait se faire. J’ai été très heureux de voir Vincent épanoui pendant les Jeux olympiques. Yann était plus en retrait, car Vincent a été très performant. Au TQO et aux J.O., Yann s’est montré décisif et il a pris une part importante dans le succès. Je ne suis pas surpris qu’il ait eu sa chance en équipe de France, il avait été précieux dès ses premières sélections.

Et plus généralement, en tant qu’ancien international, que t’inspire cette équipe de France à nouveau championne olympique ?
Ce titre a été remporté de façon beaucoup plus collective que lors des deux campagnes précédentes avec une ossature de 8-9 joueurs. Elle a fait preuve de beaucoup de caractère qui est la marque des équipes de France. Avant les Jeux, tout le monde se posait des questions et, au fond de moi, je me disais que terminer troisième ce serait bien. Mais non, ils sont allés plus loin avec leur capacité à être bons quand il fallait l’être. Je pense à tous ces matches maîtrisés, et ce dès le premier tour face à l’Espagne et à l’Allemagne. Bien sûr il y a toujours des joueurs qui sortent un peu du lot, mais ce succès est bien celui d’un collectif.

Comptes-tu te rendre à l’EHF EURO 2022 en Hongrie-Slovaquie, et éventuellement rencontrer les instances européennes ?
Bien sûr, j’espère encourager une équipe de France performante. Sincèrement, je ne m’attends pas à un bouleversement dans les relations avec l’EHF qui reconnaît les fédérations mais pas les ligues professionnelles. L’institution a ouvert des espaces de dialogue. C’est important d’être présent dans ces organes, je pense à Gaël Pelletier, Thierry Omeyer et Julien Deljarry qui en font partie, afin d’être en capacité de faire du lobbying. Mais les clubs ont besoin de l’appui de la fédération et, en ce sens aussi, la collaboration avec la FFHandball sera précieuse.

Propos recueillis par Hubert Guériau