Elle a disputé son dernier match le dimanche 30 mai, en Ligue Butagaz Énergie, sous les couleurs du Nantes AHB avec lequel elle a remporté la European League quelques semaines plus tôt. Camille Ayglon-Saurina a mis fin à sa formidable carrière ponctuée notamment d’un titre mondial (2017), d’un titre européen à domicile (2018) et d’une médaille d’argent olympique aux J.O. de Rio 2016 sous le maillot de l’équipe de France qu’elle aura porté 270 fois.

Joueuse professionnelle jusqu’à hier soir, comment te définis-tu désormais ?
Je suis une vacancière (rire) au moins jusqu’au mois de septembre prochain.

Après cette période oisive, comment s’écrira ton avenir ?
Ce n’est pas secret. J’ai plein d’envies et maintenant il va maintenant les organiser. Depuis quelques années, j’ai pensé à plusieurs projets. Cette saison, j’ai effectué une formation d’entraîneur mais je n’ai pas encore validé le diplôme car je n’ai pas pu terminer la partie pédagogique en raison de l’arrêt des compétitions amateures.

Comment comptes-tu mettre à profit ton expérience ?
Pourquoi ne pas me situer dans la transmission sur l’aspect défensif qui m’aura passionné pendant toute ma carrière ? Je pense aussi à construire une intervention en entreprise afin de faire part de mon expérience sur le sport de haut niveau, le travail en équipe, le management même si j’ai été plus souvent managée que manager.
Aussi, en lien avec l’AJPH, j’ai suivi une formation spécifique avec la structure « Continentale finances », afin d’accompagner les athlètes pendant leur carrière, sur les aspects financiers et patrimoniaux. Cela consiste à mettre en place une stratégie afin d’aller vers une seconde vie professionnelle plus sereine. Ces aspects m’intéressent beaucoup car j’aurais aimé être accompagné tout au long de ma carrière comme je l’ai été sur la fin de ma carrière, par Gatien Dumard.

Te sens-tu accomplie avec ton palmarès et tous les souvenirs, les voyages, les rencontres accumulés ?
Au moment d’arrêter, je me sens sereine. C’était une décision claire depuis le début de la saison. Je suis très heureuse et je peux me permettre de regarder dans le rétroviseur désormais. Lorsque j‘ai commencé à jouer au handball, jamais je n’aurais jamais pu imaginer mener une carrière professionnelle et un tel parcours en bleu. Mon seul regret, c’est finalement ma fin de carrière avec l’équipe de France : ce n’était pas celle que j’attendais.

18 mois après ce Mondial au Japon, tu ne ranges donc pas cet épisode au rang des anecdotes ?
Non même un an et demi après, ce n’est pas anecdotique. J’ai trop vibré avec ce maillot pour ranger cette histoire de façon définitive. Ce moment a été très douloureux et cet arrêt en bleu a été difficile à digérer. J’ai même failli arrêter à la fin de la saison dernière finalement sans fin en raison de la crise sanitaire. Finalement, je me suis reprise à temps car j’avais besoin de faire une année de plus. J’ai eu le nez creux car j’ai fini sur un titre européen que j’ai pu partager avec mon coach de mari, avec Blandine (Dancette) aussi. Vraiment, je suis comblée de finir ma carrière ainsi.

Ton surnom de syndicaliste a rejailli ces dernières heures. Peux-tu l’expliquer ?
Disons que j’ai la main un peu négociatrice et que j’aime bien revendiquer. Philippe Bana a tweeté un mot très gentil et en effet il a fait allusion à mes années en bleu. Je suis contente qu’il ne m’en tienne pas rigueur. À certains moments, je faisais partie d’une délégation réduite, souvent avec Siraba (Dembélé-Pavlovic) pour monter au créneau, faire valoir nos résultats et faire avancer des choses. Je le faisais avec Philippe et c’était la même chose avec Olivier (Krumbholz). Je me sentais à l’aise.

Ce petit trait de caractère, de râleuse, l’as-tu exercé à Nantes ces dernières mois ?
C’est un petit challenge qui fait partie de moi ! C’est aussi un trait de caractère du sud. À Nantes, le fait d’être l’épouse de Guillaume, je me suis petit un peu mordue les joues. Ce n’était pas à moi de gérer, j’ai délégué ce rôle. Bon voilà, mais je ne dis pas que j’ai parfois fait passer des messages en sous-marin. (sourire).

Au début de l’interview, tu as évoqué ton rôle de défenseuse. Alors, plutôt défenseuse ou arrière droite ?
Sur les dernières années en équipe de France, mon rôle était plus orienté sur la défense. Hormis une année à Bucarest où la coach m’avait estampillée défenseuse, sur l’ensemble de ma carrière j’ai joué en attaque et en défense. Si j’évoque ce rôle de défenseuse, c’est une question de la culture car j’ai appris le handball à Nîmes, avec Christophe Chagnard qui m’a inculqué beaucoup de choses. La défense fait partie de la culture de l’USAM, c’est la base de leur handball.

Quel regard portes-tu sur ton mari Guillaume, dans son rôle d’entraîneur ?
Il est bouillant. Il a ce côté fougueux du jeune entraîneur. Quand tu es joueur, tu peux changer de façon concrète le cours d’un match. Je sens que parfois il a cette envie de rentrer sur le terrain, tu sens qu’il vit le truc à fond mais il est certain qu’il ne pourra pas faire une « Tervel » (rires). Je pense qu’à la fin des matches il est aussi fatigué que les joueuses. Sur la deuxième partie de la saison, il a réussi à mettre le plaisir au centre du jeu. Avec une joueuse, telle que Bruna de Paula qui avait beaucoup de liberté dans ses initiatives, l’équipe s’est mise au diapason.

Avec Guillaume, aviez-vous fixé des règles pour ne pas parler handball 24/24 ?
L’enchaînement des matches a été énorme avec parfois des rdv tous les trois jours et des déplacements à ne plus en finir. De retour à la maison, nous avions besoin de breaker et notre petit bonhomme de 7 ans ½ savait nous le rappeler. Étonnamment lorsqu’il était adjoint, nous avons plus échangé. En fait cette saison nous avons plus abordé le mode de gestion d’une bande de nanas qui est, selon moi, plus difficile. On ne fonctionne pas pareil et j’avais parfois besoin de lui donner mon ressenti. La saison prochaine je vais sûrement plus échanger avec lui car j’aurai un regard plus neutre.

Es-tu fière d’avoir réalisé une telle carrière en conjuguant une maternité au beau milieu ?
J’ai vraiment eu la chance d’être bien accompagnée avec le président de l’époque au HBC Nîmes (2012-2013). Il avait bien compris ma démarche qui était rare. Il y avait seulement Véronique Pecqueux-Rolland, Nina Kanto et Myriam Borg-Korfanty qui avaient aussi fait ce choix. À titre personnel, j’ai été comblée car mon petit bonhomme a pu partager de nombreux souvenirs. Il a vibré pendant le Mondial 2017 puis l’Euro 2018. Ces choses l’ont marqué et du coup il est un peu devenu exigeant.

Cette aventure en Roumanie, qui n’était pas souhaitée dans un premier temps, a aussi marqué ta carrière, non ?
Le HBCM a coulé en 2016 alors que je devais resigner pour trois ans. Avec Guillaume, on se voyait finir nos carrières respectives à Nîmes. Quand on en parlait on se disait que seule une expérience à l’étranger nous aura manqué. Finalement ce vœu a été exaucé et nous avons vécu une folle expérience. Si je pouvais, je la referais à 100 %. Côté handball, j’ai joué dans un grand club avec des supers joueuses et nous avons disputé deux F4 de la Ligue des championnes. Humainement aussi, c’était formidable. Notre fils Milo parle roumain couramment et nous avons trouvé une nounou d’enfer qui fait désormais partie de notre famille. À tous les niveaux, c’était une super expérience.

Propos recueillis par Hubert Guériau