Autrefois associé au regretté Thierry Dentz, décédé en janvier 2020, Denis Reibel a troqué sa tenue d’arbitre pour celle de délégué et de formateur notamment auprès du groupe des arbitres pré-élite. Une mission parmi d’autres…

Depuis que tu n’officies plus en tant qu’arbitre du groupe 1, quelles sont tes activités dans le handball ?
Depuis maintenant deux saisons, je suis chargé du suivi du groupe pré-élite avec François Garcia et Hervé Vigor. L’objectif est de détecter les binômes à fort potentiel (moins de 35 ans). C’est un groupe de transition dans lequel les binômes disposent de trois ans pour accéder à l’élite ou retourner dans les divisions inférieures. La saison prochaine, nous aurons 8 binômes à parité totale. Le suivi intègre le contrôle, le conseil, la formation, le travail vidéo et, sur un point qui me tient beaucoup à cœur, le savoir-être. Je suis également délégué sur des matches de Lidl StarLigue, de Proligue et de Ligue Butagaz Énergie.

Le savoir-être ?
C’est le langage du corps, la communication, l’attitude, la coopération, la complémentarité entre les arbitres et le délégué. Tous ces éléments du savoir-être doivent être inculqués aux arbitres. Ils ne doivent pas se plier seulement à la règle. L’arbitrage de haut niveau implique en effet une prise de risque maximum. Pour passer au niveau supérieur, il faut laisser jouer et retenir son sifflet avec toujours le respect du maître-mot : la cohérence. J’ai observé le duo Carmaux-Mursch qui, il y a trois semaines entre Paris et Nantes, a arbitré dans cet esprit-là.

Revenons sur tes missions complémentaires…
Je fais partie de la cellule d’analyse des matches, via Dartfish, afin de faire des retours et de faire progresser le groupe 1 et pré-élite. Par ailleurs, j’anime l’école d’arbitrage dans mon club de l’US Altkirch, dans le Haut-Rhin. Enfin, la FFHandball a présenté ma candidature à l’EHF pour devenir délégué européen.

Ressens-tu un manque dans le fait de ne plus arbitrer ?
Franchement, cela ne me manque pas du tout. Lorsque Thierry est tombé malade, je savais que c’était terminé. Nous étions presque au bout de notre carrière et c’était impossible de repartir avec quelqu’un d’autre. Nous avions fait tellement de choses ensemble que j’ai préféré rester là-dessus.

Te sens-tu épanoui dans le rôle de délégué ?
Après l’arrêt brutal de l’arbitrage, je voulais absolument rester près du terrain. Je suis totalement sorti de mon habit d’arbitre pour officier comme délégué, pas pour arbitrer à la place des arbitres. Je suis là pour les conseiller après le match et seulement s’ils sont demandeurs.

Te déplacer seul sur les matches n’est-il pas un peu pesant ?
C’est terrible ! C’est vraiment pénible de faire la route tout seul, d’autant plus que je pense à tous ces moments de complicité lorsque nous étions deux. Alors parfois, sur certains déplacements, j’emmène un pote avec moi. Mes déplacements sont toutefois plus simples car effectués seulement dans le Grand Est et la Bourgogne – Franche-Comté, pour des matches de Ligue Butagaz Énergie (Besançon, Dijon, Metz) et du secteur professionnel masculin (Besançon, Dijon, Nancy, Sarrebourg, Sélestat et Strasbourg).

Depuis que tu n’es plus arbitre, regardes-tu les matches d’un autre œil, en simple spectateur ?
Même s’il s’agit d’un super match, je me concentre seulement sur l’arbitrage. Je ne sais pas faire autrement (sourire).

Les arbitres souffrent aussi des conséquences de la pandémie ce la Covid-19…
Eux aussi vivent une année terrible rythmée par les tests PCR, les reports de matches parfois seulement quelques heures avant le coup d’envoi. Il faut tous les remercier pour leur implication. Et même si on se fait hurler dessus, on préfère cela au silence des salles. Je pense aussi aux arbitres dans le monde amateur qui sont frustrés. Quelque part, nous sommes privilégiés.

À l’instar des joueurs, tu dois détenir une sacrée collection de maillots ?
Je n’en ai pas gardé beaucoup. Je ne suis pas collectionneur. J’ai conservé un maillot de la Ligue des Champions, celui de l’Euro 2014 au Danemark et celui du dernier match avec Thierry, le Montpellier – Nîmes de Lidl StarLigue, en décembre 2018.

Le 12 juin prochain, un espace dédié sera baptisé au nom de Thierry Dentz. Forcément, cela doit te toucher particulièrement…
Il y avait déjà la rue Daniel Costantini et l’auditorium Nelson Paillou, il y aura désormais un espace Thierry Dentz. Je suis heureux car j’avais promis à Thierry de tout faire afin que son nom soit gravé quelque part à la Maison du handball. Une maison dans laquelle il n’a jamais pu venir, j’avais seulement pu lui montrer des photos. Lors d’une réunion avec Joël Delplanque, avant la fin de son mandat, l’idée de dédier un espace à Thierry a fait son chemin mais elle a été ralentie en raison de la crise de la Covid-19. Une fois élu, Philippe Bana a mené le projet à son terme. Cet hommage est une fierté pour la corporation des arbitres.

Quel est ton regard sur la règle très discutée qui facilite le jeu à sept ? Requiert-elle plus de vigilance pour les arbitres ?
Je ne suis pas du tout friand. Trop souvent des buts sont marqués facilement suite à une perte de balle de l’attaque. Si ce jeu à sept est bien pratiqué, cela peut faire éventuellement sens mais globalement j’estime que c’est ennuyeux, notamment pour les spectateurs. Aujourd’hui, lors des matches du secteur professionnel, les OTM (Officiels de la Table de Marque) vérifient la validité des changements.

Que penses-tu des nouvelles règles qui verront le jour à partir de 2022 ?
Nous voulons tous un handball attrayant avec du spectacle et de la vitesse. L’introduction de quatre passes contre six actuellement (jeu passif) accélérera le jeu. Ce sera vrai aussi avec l’engagement rapide depuis un grand cercle au centre du terrain. Quel que soit l’endroit du déclenchement, le tir dans la tête du gardien sera sanctionné de 2 minutes.

La France possède trois paires bien distinctes qui sont reconnus par l’IHF. En quoi sont-ils des modèles ?
Ces trois paires (Bonaventura-Bonaventura, Gasmi-Gasmi, Carmaux-Mursch) ne sont pas du tout stéréotypées et ce sont de bons exemples pour la fédération qui vise à ouvrir l’arbitrage au plus grand nombre. Il n’y a pas véritablement de profils de poste. Les garçons sont plus concentrés sur la technique. Avec les sœurs Bonaventura nous disposons du meilleur binôme féminin au monde. Ce sont nos ambassadrices pour donner envie aux jeunes filles d’arbitrer.

Outre le code de l’arbitrage et la maîtrise de la langue anglaise, comment abordez-vous l’aspect mental qui est certainement important au plus haut niveau ?
Nous avons fait le choix de nous attacher les services d’un préparateur mental lors de notre prochain rassemblement (11-13 juin). Ce praticien français qui vit à Prague nous a proposé ses services. Il mettra en place des exercices et des ateliers de concentration utiles notamment avant les matches. Il propose cette formation après avoir notamment observé des matches de NBA en se demandant comment des arbitres pouvaient, dans un tel contexte, conserver leur lucidité. Un bon arbitre, c’est sa capacité à repartir sur le terrain et à performer 48h après une prestation difficile. Lire des commentaires élogieux sur les réseaux sociaux fait plaisir mais en prendre plein la tronche peut rendre malade. Il faut être costaud pour officier au haut niveau.

Propos recueillis par Hubert Guériau