Responsable du Parcours de Performance Fédéral (PPF) de la FFHandball, Éric Baradat est le premier invité de la saison. L’entraîneur de l’équipe de France féminine U19/U20 effectue le bilan de l’été.

Amandine Leynaud a intégré le staff de l’équipe de France U19/U20. Quel était l’objectif de cette collaboration prestigieuse ?
La direction Technique Nationale prend soin d’accompagner les joueuses de l’équipe de France A dans leur désir de reconversion. Après un bilan de ses compétences cumulées, nous avons affiné ce que pouvait être son projet. Amandine Leynaud a émis le souhait de se tourner vers l’entraînement à la fin de sa carrière. Si un lien d’amitié existe, il ne s’agit pas de copinage ni d’un one-shot de communication. C’était une opportunité à saisir et je n’ai pas hésité une seconde.

Comment s’est-elle intégrée au staff et à l’équipe ?
Elle nous a rejoints à la Maison du Handball au moment des deux matches d’entraînement face aux États-Uniennes puis elle est venue sur le tournoi des 4 nations au Portugal et elle nous a accompagnés à Györ pendant tout l’Euro. Son approche novatrice me plaît, notamment sa relation au duel tireur-gardien et réciproquement. Amandine a travaillé avec chacune des trois gardiennes et elle est intervenue aussi sur le reste du groupe.

Possède t’elle les qualités propices à devenir entraîneuse ?
Dire que c’est une personne de qualité, c’est un lieu commun. Par son vécu de sportive de haut niveau, elle possède dix ans d’avance. Conseiller, entraîner, elle le fait avec plaisir, avec humilité et ambition. Doudou garde sa douceur et sa capacité à être ferme. Elle n’est pas arrivée pour dire la « méthode Leynaud ». Elle a évoqué son expérience sans l’imposer, cet aspect m’a beaucoup marqué. C’est un signe d’une forme de maturité et elle a déjà compris cela. Je lui prédis le plus bel avenir dans le métier. Elle dispose d’un charisme naturel de par son statut de meilleure gardienne du monde. Je n’étais pas dans la pièce à ce moment-là mais, après la large défaite face à la Roumanie, elle a remis les idées au clair des filles sur ce que devait être l’attitude d’une équipe qui porte le maillot de l’équipe de France.

Évoquons le poste décisif, s’il en est, de gardienne. Il semble que les équipes jeunes soient actuellement bien loties, non ?
La filière progresse dans ce domaine-là avec des gardiennes plus grandes et plus performantes qu’auparavant, plus joueuses aussi. Quelques-unes participeront au renouvellement de la filière professionnelle. Structurellement la génération 2002-2003 présente un groupe de gardiennes intéressantes, notamment Mélanie Halter et Camille Plante, auquel manquait Jemina Kabeya, blessée au doigt avant l’été. Je dis structurellement car si c’était systémique, nous aurions la même chose derrière, ce qui n’est, à priori, pas le cas. Camille Plante qui débute au centre de formation de Bourg de péage, est probablement appelée à un grand avenir. Ses prédispositions sont très intéressantes. Elle est grande et sa lecture des trajectoires est naturelle. Sur la génération 2000-2001, Floriane André possède les caractéristiques mentales mais sans une meilleure athlétisation, elle n’optimisera pas ses ressources. Laura Portes est stable et solide. Quant à Tifenn Le Cloarec, elle progresse et elle avance.

Cette saison, les matches de la Ligue Butagaz Énergie ne seront pas retransmis par beIN SPORTS. Quel est ton sentiment et quel sera l’impact sur la pratique féminine, et sur les joueuses de la filière de haut niveau privée de références ?
La saison passée, la qualité de la production des matches de n’a pas toujours été égale. Cette absence de diffusion est regrettable pour l’éclairage médiatique et le retour pour les partenaires des clubs. Avec la montée en puissance et la concurrence des féminines du football, c’est un sujet d’inquiétude. Ce n’est pas un coup d’arrêt, c’est un rebond dans l’histoire. La Ligue des champions, avec Metz et Brest, sera diffusée ainsi que les compétitions de l’équipe de France, cela démontre la volonté de diffuser du spectacle. Grâce au système mis en place sur Dartfish, les joueuses des pôles ont déjà accès aux vidéos des matches de LFH, D2 et cette année les matches de N1 seront aussi disponibles.

Peux-tu évoquer l’équipe de France développement (U16) qui a disputé cet été le Trophée Corinne Chabannes ?
Ce collectif nous permet de mener une prospection assez large, au bout d’une succession de filtres comme les compétitions de détection notamment les interligues et parfois les intercomités. Les filles convoquées sont jeunes et à ce moment-là, le travail se situe dans l’expérimentation. L’objectif est de travailler au développement individuel des joueuses et de permettre l’émergence de profils. Il est aussi évident qu’un profil tel que Léna Granveau, n’importe qui la trouverait. Un noyau dur, incontournable, peut se dégager rapidement. L’idée serait d’étendre ce dispositif, cela touchera toutes les filles en pôles, afin de balayer avec plus de précision les 15 -17 ans, et essayer de commencer à travailler de façon plus pointue. Avec un accompagnement médical, mental, physique et estudiantin renforcé. Lors du Trophée Corinne Chabannes, notre équipe comportait des U16 et des U15 face à des équipes U17. Dominée par l’Égypte, l’équipe de France développement s’est imposée face à la Finlande et à la Tunisie.

Quelles ont les épreuves d’évaluation de la classe d’âge 15-16 ans ?
Cette catégorie d’âge (actuellement 2004 et 2005) ne dispose pas de de compétitions EHF ou IHF de référence. L’équipe de Pierre Taillé aurait pu participer au championnat méditerranéen mais le plateau initial nous a convaincu d’envoyer les U17 de Laurent Puigségur qui se sont imposées au Monténégro. Cette saison, les 2004-2005 ont disputé trophée Corinne Chabannes et l’année prochaine, elle participera à la Partille Cup organisée tous les deux ans qui constitue le premier marqueur d’une génération.

Cet été la Hongrie a remporté l’Euro U17 et l’Euro U19, l’an passé le Mondial U20 et la finale U18. Comment travaille cette nation sur la filière jeune ?
Les meilleurs jeunes du pays de 14 à 17 ans (70 filles, 70 garçons) sont rassemblés au centre NEKA, au bord du lac Baladon, 70 garçons et 70 filles de 14 à 17 ans. Incontestablement, cela confère un avantage réel et c’est un accélérateur de résultats à court terme. Ce système ne démontre pas aujourd’hui d’effet sur les sélections A, l’objectif principal, et il y a quelques effets pervers (blessures). De notre côté, nous n’avons pas retenu l’option du centre national et privilégié le maillage territorial. Notre système est mixte et plus plastique avec une relation entre les clubs, les pôles et l’environnement des joueuses. Cela nous permet notamment de conserver le capital enthousiasme et de préserver au mieux l’intégrité physique des jeunes engagés dans une carrière d’une vingtaine d’années.

Comment le style de jeu de l’équipe de France A, qui génère des résultats exceptionnels depuis les J.O. de 2016, est-il décliné dans la filière ?
Depuis le début de l’Olympiade, un travail collaboratif est mené avec un groupe de huit cadres qui regroupe des sensibilités différentes. Le premier jet de ce travail, les contenus d’accession pour les jeunes filles jusqu’à leurs 15 ans, a été présenté lors du colloque des responsables de pôles d’Accession et d’Excellence. Ces priorités dégagées ne sont pas à suivre au pied de la lettre, il s’agit du plus petit dénominateur commun, le socle commun à mettre en place. Les effets recherchés consistent en la mise en place des situations de référence développées permettant une évaluation, au travers d’entraînements animés librement. Ce long travail n’existait pas jusqu’à présent dans la filière féminine et il fera bientôt l’objet d’un DVD, à l’instar de ce que Daniel Costantini avait réalisé dans les années 90, avec une VHS mettant en exergue les fondamentaux destinées aux jeunes athlètes de pôles.

Évoquons maintenant le tube de l’été, l’équipe de France U17 victorieuse du FOJE et médaillée de bronze de l’Euro… Ces résultats probants étaient-ils espérés ou sont-ils inattendus ?
Considérant que l’équipe actuelle de Laurent Puigségur avait disputé la finale la Partille Cup 2018 face à la Hongrie, c’était espéré. Sur les résultats de la saison, cette équipe n’était pas archi-dominatrice. Ce sont les vertus du travail de Laurent Puigségur et de Myriam Saïd-Mohamed qui ont permis de progresser. Sur le championnat méditerranéen, l’opposition n’était pas celle attendue mais cela lui a permis de se rôder dans un contexte positif, de gagner en confiance. Sur le FOJE, le plateau pouvait laisser un doute. Les U17 avaient perdu le match inaugural face aux Pays-Bas avant de les battre en finale. Cette équipe a terminé 15e de l’Euro. Cette expérience du FOJE a été extraordinaire et dynamisante et lui a permis de se rôder positivement. En même temps, cette accumulation de 15 matches lui a peut-être coûté la demi-finale. Cette équipe est très cohérente, bien organisée avec notamment Lena Granveau, attaquante et défenseuse. Il y aussi Lucie Modenel, Sarah Bouktik et Charlène Guerrier. Cette dernière, opérée de l’épaule en juin 2018, avait repris l’activité fin janvier. En plus de l’homogénéité dans le jeu, le collectif est constitué de filles de caractère, des dominatrices. Il y a des similitudes fortes avec France A.

Quelles sont-elles ?
Indéniablement la capacité à empêcher l’adversaire à développer son jeu. Aussi sa capacité à se projeter. Cette équipe joue offensivement en traversant. Aujourd’hui, il faut avoir un regard prospectif et deux questions essentielles se posent sur les aspects offensifs. L’équipe évolue avec une droitière à droite en permanence et lorsque le niveau s’élèvera, cela peut constituer une limite. Si l’idée n’est pas de fonder notre jeu sur les tirs de loin, il faudra avoir la capacité à mettre quelques buts de loin. Ce noyau dur, qui a obtenu ces résultats, sera élargi. Il faut avoir la lucidité et l’expérience pour comprendre que ce collectif-là possède une puncheuse, Léna Granveau, une joueuse très prometteuse qui semble incontournable. Des joueuses se sont plus ou moins mises en valeur dans ce contexte-là. Il faudra être vigilant et les accompagner au mieux. 7-8 filles pourront aussi apporter de la concurrence pour enrichir le panel de jeu.

L’équipe de France U19, dont tu as la charge, n’a pas dépassé ses limites et a terminé 8e de l’Euro…
Le facteur le plus prégnant de cette équipe U19 est incontestablement son absence de résultats et une forme d’immaturité. Sur cette tranche d’âge des U19/U20 (2000-2001), les meilleurs potentiels concernent les filles nées en 2001, soit dans la 2e année d’âge de la génération. Si on prend la génération précédente (championne d’Europe) des 98-99, 7 à 8 filles avaient déjà mis les pieds en D1. Ce noyau dur de joueuses majeures avait déjà basculé dans le secteur professionnel et bénéficié de son effet booster. Hormis Adja Ouattara (Paris 92), les autres filles évoluaient en N1 ou étaient élèves en pôle. Pauletta Foppa, la joueuse majeure de cette génération, a basculé chez les A, avec le succès que l’on sait, afin de préparer les Jeux olympiques. Si aujourd’hui le groupe ne rassemble pas de joueuses exceptionnelles, je pense que nous devons faire mieux joueuses et staff compris. J’ai bon espoir, après les bilans effectués à la sortie de l’Euro, qu’elles basculent. Je les en crois capables. Il faudra mieux optimiser et faire émerger des joueuses Suzanne Wajoka afin de ramener l’équipe à proximité du dernier carré.

HGu