Après un périple qui l’a conduit de la Turquie jusqu’à la Maison du handball, via Istanbul et Amsterdam, Estelle Nze-Minko s’est confiée avant de retrouver ses partenaires à Créteil. La championne du monde, d’Europe et olympique n’est pas rassasiée : sa motivation est intacte pour enchaîner avec un nouveau titre Mondial en Espagne (1er au 19 décembre).

Comment te sens-tu au moment d’attaquer la préparation du Mondial ?
Ça va bien ! Je vis un début de saison hyper cool. Avec Györ, nous avons réalisé un 17 sur 17 en championnat et en ligue des champions. J’ai repris depuis un mois et demi, après tout le monde, et je me sens vraiment bien en ce moment.

Deux matches de préparation sont au programme cette semaine. Apprécies-tu de croiser la Hongrie, la nation où tu es installée depuis cinq ans déjà ?
La Hongrie a réalisé un très beau parcours aux J.O. C’est une très belle équipe nous a mises en difficulté puis elle est passée à deux doigts d’atteindre les demies. Je suis contente de retrouver des bouilles que je connais bien. Ce sont nos deux seuls matches amicaux, deux matches de travail pour les deux équipes. Surtout, cela me fait plaisir de rejouer en France avec notre public car j’ai l’impression que cela fait une éternité (NDLR : touchée à la cheville, Estelle n’avait pas disputé les deux France – Norvège à Bayonne devant les Jeux olympiques).

Les débuts de compétition ne sont pas le fort de l’équipe de France et le tirage au sort du Mondial vous a offert un premier tour compliqué avec l’Angola, le Monténégro et la Slovénie. Que faire pour éviter un démarrage poussif ?
La France est clairement dans la partie de tableau la plus difficile. C’est la poule de la mort et on sait que ce sera difficile. C’est donc le moment de faire mentir cette thorie sur nos soi-disant débuts de compétition difficiles. En réalité, nous avons démontré notre capacité à répondre présente au bon moment. Alors, au regard du contexte, on sera présentes dès le début.

As-tu réussi à prendre du recul sur le titre olympique ou apprécies-tu encore de planer ?
Sincèrement, le retour des Jeux, pendant un mois et demi environ, a été super difficile. Je me sentais seule, sans aucune énergie. J’ai eu un mal fou à me remettre à bosser, à me motiver pour les objectifs de mon club. En fait, j’avais tellement d’émotions et si peu d’énergie pour les gérer… L’équipe m’a beaucoup manqué. J’avais envie d’être avec les filles, de vivre ces émotions uniquement avec elles. Mais à Györ, je me suis retrouvée avec des filles qui avaient toutes perdu alors les J.O. n’étaient pas vraiment le sujet de conversation. C’est avec la reprise de l’entraînement, la reconnexion avec le hand et avec mon club, des choses simples que j’ai retrouvé le rythme et la confiance.

Tu as été laissée au repos par Olivier Krumbholz début octobre, la pause a-t-elle été salvatrice ?
C’était pour moi une semaine consacrée à l’entraînement avec mon club compte tenu de ma reprise tardive. Mais j’ai tout de même bénéficié de trois jours trois de vacances qui m’ont fait un bien fou. Je suis rentrée en France, j’ai fait des trucs cools. Et cette pause m’a épargné le long déplacement en Ukraine.

Est-ce difficile de repartir pour une campagne internationale, la troisième en moins de 12 mois ?
Je m’entraîne, je me repose… En réalité, nos vies de handballeuses ne sont pas folles. Alors je suis très heureuse à l’idée d’être entourée par les filles qui sont des potes. Je suis aussi impatiente de les retrouver, car je crois que nous pouvons reconstruire un contexte émotionnel très fort. Cela fait du bien aussi de penser que le Mondial se déroulera en Espagne, pas loin de chez nous. J’espère que les conditions sanitaires nous permettront de partager des moments avec nos supporters.

Après le titre olympique, sur quels ressorts t’appuies-tu pour te remotiver ?
J’ai ma théorie pour ça (sourire). Être en capacité, seulement trois mois après les J.O. de se remobiliser pour faire un grand truc, ce serait tout un symbole. Bien sûr que ce sera super hyper dur, mais ce serait tellement classe de réussir un tel défi, que tout le monde se dise « mais c’est fou comme ces meufs sont déters ». Cette perspective m’excite beaucoup.

En quoi le parcours des garçons, qui jouaient avec un jour d’avance à Tokyo, a-t-il été un moteur pour vous ?
On regardait les matches des mecs et cela nous donnait de la force et de la fierté. On avait envie de les rejoindre dans leur délire. On se disait que gagner, le faire ensemble, ce serait tellement fou. On nous bassine souvent à comparer les deux équipes, mais pour nous c’est l’équipe de France. Franchement, c’était trop beau de partager cela ensemble car nous n’en avons pas souvent l’occasion.

Siraba Dembélé-Pavlovic et Alexandra Lacrabère ont annoncé tout récemment leur retraite internationale…
Cela m’a trop ému de voir passer l’info sur les réseaux avec les photos souvenirs. J’ai envoyé un message à chacune d’elle. Pendant toutes ces années, Sira était ma coloc en chambre. Nous sommes liées et Sira fait partie de gens que je veux garder auprès de moi. Elle va beaucoup me manquer et j’espère que la distance nous rapprochera.

Et avec Alexandra ?
Avec Alex, nous n’avons pas la même proximité, mais nous avons passé beaucoup de bon temps ensemble. Alex, lors de ma première saison professionnelle à Toulouse, m’a aidé à me construire. J’avais seulement 17 ans et elle était déjà une joueuse cadre. Elle fait partie de filles qui m’ont guidée.

À 30 ans, penses-tu déjà à ce moment où tu raccrocheras aussi ?
J’y pense, bien sûr, mais je ne me dis pas quand je vais arrêter. Je suis plutôt sur la fin que sur le début alors je veux continuer à profiter et à kiffer à fond. Avec la maturité, je me sens d’autant plus chanceuse d’avoir tout gagné et je veux poursuivre avec cette énergie.

À l’approche des fêtes de fin d’année, justement quelle est l’actualité de The V Box ?
J’ai monté une box pour la période de Noël et elle à l’image de mon mood au retour des J.O. J’étais un peu déboussolée et il m’a fallu du temps pour décompresser. J’avais besoin de faire une pause mais très vite il a fallu repartir sur de nouveaux objectifs, retrouver le club et partir en déplacements. C’est le cas de plein de nanas de ma génération qui jonglent avec leur travail, leur projet perso, la popote, des enfants lorsqu’elles en ont… Avec si peu de moments de break à l’extérieur et l’impossibilité de partir tranquillement en week-end.

Finalement une période source d’inspiration pour confectionner une nouvelle Box…
Oui car pendant cette période post-J.O., j’ai essayé de trouver des activités pour me déconnecter à la maison, des trucs relaxants à faire au quotidien, liés aux loisirs récréatifs. J’ai créé une Box de 10 produits éditée à seulement 200 exemplaires exclusifs. Elle est imaginée autour des loisirs récréatifs pour te mettre dans un mode de création par la méditation, aussi des activités relaxantes (coloriage, broderie, puzzle) et des produits pour l’hiver (infusions).www.thevbox.fr

Au fait, que fais-tu de tes médailles et récompenses ?
Elles sont toutes chez moi en Hongrie. Je les regarde de temps en temps, lorsque par exemple quelqu’un me demande de les voir. Mais bon j’avoue, la médaille olympique se trouve sur une étagère, à portée de main. Tu ne peux pas la rater.

Propos recueillis par Hubert Guériau