Elle avait signé pour deux ans à Metz et notamment porté son équipe, à la découverte du Final Four de la ligue des champions à Budapest. Mais la crainte d’être cantonnée à droite et l’opportunité Siofok en Hongrie, l’ont poussée à bouleverser ses plans durant l’intersaison. On a retrouvé « Gnons » pleine d’entrain au cœur de l’équipe de France.

Revenons d’abord sur ce départ précipité de Metz en juin. Que s’est-il passé ?
En fait j’ai surtout eu la chance de trouver aussitôt cette possibilité de rebondir à Siofok en Hongrie, en quête en urgence d’une demi-centre. (Le vainqueur de la coupe EHF et ancien club d’Estelle Nze Minko cherchait dans le même temps à compenser l’arrêt surprise de la Russe Khmirova, ndlr). Nous étions début juin. Et on venait de me faire comprendre, qu’en restant en Lorraine, je ne jouerais pas beaucoup et surtout principalement au poste d’arrière droit, où j’avais seulement accepté de dépanner la saison dernière. Je ne pouvais pas prendre ce risque dans la perspective des échéances de l’équipe de France notamment.

Après Fleury, déjà par la force des choses à l’époque, et ton exil à Bucarest en Roumanie, tu ne pensais pas repartir à l’étranger ?
Clairement, on ne m’a pas trop laissé le choix. Je voulais malgré tout un club compétitif et au moins européen. Certes, après quatre ans de ligue des champions sans discontinuer, et trois Final Four, il faudra se contenter de la coupe EHF. Mais c’est un joli défi aussi de défendre ce trophée. Je ne vais pas dire que cela s’est fait de gaieté de cœur au départ, à la veille de mes vacances, de revoir tous mes plans et bouleverser encore ma vie professionnelle comme personnelle. Le temps a fait son œuvre depuis. J’ai malgré tout pleinement profité de mes proches, ma famille, mon copain, pour rassembler les énergies positives et me mettre en état de marche au 15 juillet. Il le fallait. Je suis heureuse et épanouie à Siofok aujourd’hui.

Du coup, dans ans quel état d’esprit es-tu à l’assaut de cette saison ?
Je suis conquérante et j’ai découvert un énorme challenge et de grosses ambitions aussi à Siofok. En parallèle, je sais plus que jamais que ma place en équipe de France n’est pas acquise. C’était le bon timing finalement. Je vais pouvoir pleinement exprimer mes qualités sur toute la base arrière. Ce n’est que du bonheur.

Voilà qui tranche peut-être avec ta situation à la même époque l’an dernier. Et cette non sélection au départ du championnat d’Europe à domicile. Qu’en retiens-tu ?
En effet, cela a été dur à encaisser de ne pas être dans la sélection dès le départ. Pour cet Euro en France, et ma famille, qui ne l’a pas vécu comme ils auraient dû, pu ou voulu y participer. J’ai pris sincèrement énormément de recul par rapport à cela. Cela m’a mis une petite claque, dans le bon sens du terme. Et à mon retour sur la fin de la compétition, par chance, j’ai pu pleinement démontrer que j’avais ma place. L’histoire se finit bien. J’ai joué les trois matchs les plus importants et je finis avec la médaille autour du cou. Ce fût un peu compliqué émotionnellement parlant. J’ai appris à relativiser ma passion du handball. J’ai aussi profité en parallèle de la vraie vie.

Est-ce que ton rapport à l’équipe de France a changé depuis cette période ?
Oui certainement. Je prends désormais chaque sélection comme une cerise sur le gâteau de ma carrière professionnelle. Je grandis aussi. Je ne suis plus la petite jeune qui est arrivée en 2013. Je pense que si je mérite d’y être j’y suis. Sinon, c’est qu’il y a plus utile que moi.

Ton rôle a changé également. Peut-on parler de joker des Bleues ?
Je ne me vois pas du tout ainsi. Je me considère heureusement comme une joueuse à part entière du collectif, et j’apporte mes qualités lorsque je rentre sur le terrain. Pour moi, un joker, c’est celui qui rentre à quitte ou double. Ce n’est pas mon cas. Je ne pense pas avoir ce rôle-là. En sélection, nous avons toutes nos spécificités. Chacune est là pour les mettre au service du collectif à un moment donné. C’est vrai que la plupart de nous avons un rôle différent au quotidien en club. C’est aussi la force de cette équipe de France, de réussir à multiplier les dangers et diversifier ses forces. C’est peut-être ce que j’ai mis plus de temps à intégrer finalement.

Paradoxalement, on te demande d’être plus individualiste quelque part ?
Exactement ! Auparavant, comme à Fleury, je devais plus faire jouer les autres. Je n’avais pas forcément compris aussi, demi-centre ou arrière gauche, que je devais jouer pour moi, être dangereuse et libérer des espaces aux autres. Si on ne fait que des passes, l’adversaire va rapidement s’adapter. Je dois porter le danger et être plus égoïste. Mais pour permettre à notre collectif d’être plus performant.

Tel est l’équilibre trouvé par l’équipe de France actuellement ?
Tant mieux si c’est le sentiment que l’on donne aujourd’hui. Car nous sommes encore en progression, même s’il y a une bonne base. J’ai connu plusieurs périodes et c’est vrai que l’on a désormais un standard qui nous permet de ne pas dérailler. Comme ce dimanche en Islande. Malgré notre frustration dans le contenu forcément. Nous aimerions tout le temps être au top.

Mais en cette année charnière, vous avez priorisé vos objectifs. Ce qui ne varie pas en revanche c’est cette ambiance et cette solidarité ?
Avant d’être une équipe, on le dit tout le temps, nous sommes avant tout une bande de copines. C’est ce que je disais à Cholé (Bouquet) qui vient d’arriver : tu peux t’asseoir à côté de tout le monde au repas, tu peux partager ta chambre avec n’importe quelle fille. Cela n’a pas de prix. Bien sûr qu’il y a des affinités et des filles qui s’entendent mieux, plus ou moins. Mais sur le terrain, nous sommes prêtes à se dépouiller les unes pour les autres.

À titre personnel, Olivier a beaucoup vanté ta semaine et tes performances. Tu te sens épanouie comme jamais actuellement ?
J’ai déjà connu d’autres périodes fastes par le passé. Là, c’est différent, je me sens bien, je suis moins à fleur de peau, que ce soit sur le handball ou les résultats. Je suis du coup plus relâchée et détachée. Je vis l’instant présent et j’essaie de mettre tout en œuvre pour performer. Mais c’est aussi la réussite de mes partenaires. Sans toute cette entraide, je ne serais pas ce que je suis aujourd’hui. Je suis contente de faire partie de ce collectif, qui me permet de m’exprimer pleinement.

Cette reprise passée, les regards sont désormais tournés vers le Japon. Les Jeux de l’été prochains évidemment. Mais le Mondial de la fin de l’année avant tout ?
Avec le collectif que l’on a, qui pourrait se permettre de faire la fine bouche et laisser filer une compétition. On veut jouer tous les coups à fond. On serait en grand danger si on se laissait griser par nos résultats et que l’on ne continuait pas à travailler. Et puis c’est le meilleur moyen de gagner les Jeux olympiques, notre objectif ultime. Mais ne brûlons pas les étapes. Si l’on veut rester au-dessus des autres. Cela ne se fait pas d’un claquement de doigt !

AGC