Vice-président délégué de la FFHandball pendant les trois mandats de Joël Delplanque, Jacky Bettenfeld porte un dernier dossier : le bizutage. Il revient aussi sur son parcours fédéral qui s’achèvera le 28 novembre prochain.

En quoi le bizutage est-il redevenu une priorité fédérale ?
Depuis très longtemps, la FFHandball lutte contre le bizutage sous toutes ses formes. Récemment, la déléguée interministérielle, Fabienne Bourdais, nous a fait remonter une étude qui démontre que dans nos pôles, 60 % de nos filles et de nos garçons auraient été victimes de bizutage, plus ou moins graves, avec parfois des faits qui peuvent être qualifiés de crimes. Avec Joël Delplanque, nous avons été surpris de l’ampleur du phénomène qui subsiste dans le monde du handball.

Quelles mesures la FFHandball compte-telle prendre ?
C’est alarmant et dès que nous avons eu connaissance des résultats de cette étude menée avec l’association Colosses aux pieds d’argiles, avec laquelle la FFHandball a signé une convention, nous avons décidé de mettre en place une conférence d’ampleur le mercredi 18 novembre (18h), avec les responsables des pôles, les CTS et les présidents de Ligues pour faire de la pédagogie. Aussi pour leur dire que les faits sont inacceptables et qu’ils ne peuvent se rendre complices de ces actes inqualifiables qui leur vaudront des poursuites disciplinaires systématiques par la fédération et au pénal. Toutes les sanctions existantes seront prises contre les auteurs et les complices. Je rappelle que tout acte doit toujours faire l’objet d’un signalement afin que la fédération soit toujours tenue informée.

Le bizutage est parfois assimilé à une forme d’intégration, un passage nécessaire…
Le bizutage est une forme d’humiliation qui est le contraire des valeurs que le handball doit soutenir. Considérer qu’il s’agit d’un mode d’intégration est stupide. Il existe de nombreux moyens d’avoir des modes d’intégration qui ne constituent pas des atteintes à la dignité humaine et sans avoir à endommager le corps. C’est faire preuve d’absurdité que prétendre que ces pratiques-là seraient dues un effet de groupe. Tant que ces pratiques subsisteront, nous serons déterminés à éradiquer le bizutage qui est une infraction pénale.

Comment va s’effectuer la passation de pouvoirs avec ton successeur ?
De façon extrêmement simple car je suis légaliste et mon mandat expire le 28 novembre. Donc le dimanche 29 novembre, je ne serai plus élu et je me tiendrai à la disposition du nouveau président pour répondre à toutes les questions qu’il se pose. Ensuite, il lui appartiendra de désigner les personnes qui reprendront le flambeau de mes activités. L’équipe de France entrera en compétition au mois de janvier et mon mandat de chef de délégation tombera aussi au moment de l’élection. Je serai aux ordres du prochain président pour, en fonction de son choix, effectuer aussi la transition.

Quel regard portes-tu sur la campagne électorale ?
Avec Joël Delplanque, nous avons la volonté commune que l’élection se déroule le plus normalement du monde. La présence de trois candidats prouve que notre discipline est bien vivante. Je n’ai pas à juger les trois projets différents car ce sont les électeurs qui décident. Je souhaite simplement que la campagne soit menée dans le respect réciproque et s’inscrire dans le cadre des valeurs du handball, ce socle commun qui existe depuis la présidence de Nelson Paillou. Nous avons toujours su nous positionner derrière un seul homme et, ce sera la mission du nouvel élu, il faudra perpétuer le flambeau pour se rassembler.

Comment vis-tu cette crise sanitaire qui impacte tant l’activité et qui te prive d’une fin de mandat plus joyeuse ?
Je le vis bien car l’essentiel est de ne pas être malade et de rester en vie dans cette situation sanitaire, il faut donc être raisonnable. J’imagine qu’il sera possible en mai-juin prochains de nous rassembler à Pau pour la prochaine AG car les trois candidats en lice pour l’élection ont validé sa tenue. Pour Joël, pour Claude Perruchet, pour moi-même, ce sera un peu plus qu’une AG, de véritables assises festives. J’attends ce moment-là pour revoir tous mes amis.

Pendant ces 22 années à la FFHandball, tu auras côtoyé de près deux présidents, André Amiel puis Joël Delplanque. Quelle était la nature de vos relations ?
J’ai entretenu des rapports très privilégiés avec André puis avec Joël. Ces deux hommes étaient très différents mais le plus important c’était la confiance et l’estime réciproque. Nous avons vécu ensemble les grandes victoires et des moments difficiles, peu nombreux, mais qui ont nécessité de prendre des décisions graves à l’égard de personnes. À chaque fois, nous avons pris nos responsabilités et nous avons assumé nos décisions. Je ne compte même pas sur les doigts d’une demi-main, les fois où je me suis opposé à André ou à Joël.

Que retiens-tu en particulier des trois mandats du président Delplanque ?
Deux choses majeures. La poursuite des résultats des équipes de France et la construction de la Maison du Handball. Cette maison, à tous points de vue, est une réussite absolue. Elle est le marqueur du savoir-faire du handball et elle la fierté de tous les handballeurs. Elle est unique en son genre dans le paysage du sport français, du handball européen et mondial. Le futur président disposera d’un outil de développement performant, avec des conditions de travail exceptionnelles pour nos équipes de France. Sans Joël Delplanque, je suis persuadé que nous n’aurions pas pu réaliser cette maison. C’est d’autant plus marquant que le projet initial de Colombes n’a pas abouti mais, si Joël en avait été affecté, il n’a pas lâché et il a transformé cet échec en une réussite permise aussi par l’investissement considérable de Michel Jacquet transformé en véritable chef de chantier. La postérité ne retiendra qu’une seule chose de la présidence de Joël : ce sera la Maison du Handball.

Quel sera ton avenir dans le handball ?
Je dispose de plusieurs opportunités mais je vais m’accorder un temps sabbatique, à durée indéterminée. J’ai besoin de souffler et de prendre un peu de recul pour savoir ce que je vais faire. J’ai seulement 63 ans et j’aurais donc pu continuer encore un ou deux mandats mais, après 22 années à la FFHandball, je pense qu’il est plus sain de ne pas poursuivre, en quelque sorte de ne pas faire le combat de trop. Entre ma famille, mon activité professionnelle et mes diverses responsabilités à la FFHandball, auprès de l’équipe de France masculine, du CNOSF et de l’EHF, la charge est lourde pour un seul homme.

Quel aura été ton meilleur souvenir pendant ces 22 ans au service de la FFHandball ?
Je retiens en premier lieu la solidarité entre les membres des bureaux directeurs d’André Amiel et de Joël Delplanque. Également ma collaboration avec les services fédéraux, je pense en particulier à Cécile Mantel avec laquelle nous avons formé un véritable duo. Le summum restera le titre décroché à Zagreb lors du Mondial 2009, face à la Croatie. Sur le plan sportif, c’est au-delà du reste. Pour les puristes, il y a eu la leçon en finale de l’Euro 2014 à Herning face au Danemark ; un match parfait. En tant que chef de délégation, je pense aussi au titre olympique à Londres lors des plus beaux Jeux olympiques que j’ai eu la chance de vivre. Au-delà des résultats sportifs, je retiendrai la solidarité qui existait entre les joueurs et le staff, à l‘exception du moment pénible lors du dernier Euro. De grandes choses ont été réalisées de la façon la plus simple possible, sans remous, avec des garçons qui ne se prenaient pas pour d’autres. Ils ont réussi à cumuler des performances extraordinaires et inédites dans le paysage sportif français.

Propos recueillis par HGu