Médaillé de bronze aux J.O. de Barcelone, puis vice-champion du monde (93) et champion du monde (95), Laurent Munier est un authentique barjot. L’ancien organisateur du jeu, – il était demi-centre – a logiquement endossé le costume de manager général du club de Chambéry Savoie Mont-Blanc HB.

Manager général depuis près de 20 ans, te vois-tu comme un précurseur dans une fonction qui était alors peu répandue ?
Deux éléments ont fait que j’ai endossé ce rôle. D’abord Alain Poncet et Philippe Gardent souhaitaient que quelqu’un prenne en charge la partie administrative du club. À mon arrivée au club en 1999, le poste de manager était une perspective. Pendant les quatre années où j’ai continué à jouer, je me suis formé au métier. J’étais titulaire d’un DEUG STAPS et j’ai complété ma formation avec une licence commercialisation de services et produits sportifs. Cela m’a remis le pied à l’étrier au niveau des études mais c’est au quotidien que l’on se forme le mieux. Puis j’ai fait une formation supplémentaire, en 2009, au centre de droit et d’économie du sport de Limoges, la formation de manager des clubs professionnels.

Au début des années 2000, les clubs n’étaient pas structurés comme aujourd’hui. Quelles ont été tes sources d’inspiration pour donner corps à tes missions ?
Je me suis beaucoup inspiré du modèle du football et en particulier de l’Olympique lyonnais. Je connais bien Jean-Michel Aulas qui a été handballeur, au poste de pivot, en première division. Mon père l’entraînait au club de l’Arbresle. La plupart des clubs de foot sont de bons exemples. J’ai regardé aussi du côté de l’ASVEL qui avait été reprise par Gilles Moretton puis par Canal +.

Es-tu fier d’avoir contribué à installer durablement le club comme un emblème de la Savoie et une place forte du handball en France ?
L’objectif était de faire de Chambéry le club de référence de la ville et des Savoyards. Aujourd’hui, c’est la référence sur toute la région Aura. Nous avons toujours été précurseurs. Dès 2002, le club est passé en société commerciale, selon moi un atout pour démarcher des partenaires. Puis nous avons créé un fonds de dotation qui nous a permis de développer des actions. L’arrivée du Phare en 2009 nous a offert un outil pour accueillir le public et les partenaires. Sans le Phare, nous aurions stagné car on ne peut pas fonctionner uniquement avec les subventions. Lorsque je suis arrivé au club, il y avait un commercial et une secrétaire à mi-temps. Aujourd’hui, nous comptons 10 salariés avec des commerciaux, des responsables de services et un directeur sportif, Bertrand Gille. L’aboutissement de cette structuration, c’est l’académie qui permet au club de franchir un nouveau palier.

Avec la crise du Covid-19 depuis mars dernier, manager général d’un club n’est sûrement plus le plus beau métier du monde. Comment traverses-tu, au sein du club, cette crise sanitaire et économique ?
Avec de nombreux partenaires privés, le club a des bases solides car il ne dépend pas d’un gros sponsor qui pourrait nous lâcher. Nous avons anticipé avec les joueurs et les salariés qui ont tous accepté des baisses de salaire. Cela démontre leur profond attachement au club. La saison passée, même sans les matches, les partenaires ont répondu présents : ils n’ont pas demandé le remboursement, preuve que nous sommes dans le vrai. L’absence de recettes de billetterie a été compensée par les différents dispositifs d’aide. Malgré toutes les précautions sanitaires, je crois que les spectateurs ont aujourd’hui des craintes. Nous avons anticipé le manque à gagner, notamment avec la commercialisation des salons privés, de l’ordre de 15 à 20 %.
Mon cheval de bataille a toujours été de dissocier la partie économique des résultats sportifs, afin que la qualité du réceptif, même en cas de défaite, ne soit pas impactée. Il faut réussir à animer la salle et les salons au travers d’autres aspects. Bien sûr, lorsqu’on gagne la coupe de France et que 2500 personnes nous attendent au retour, c’est appréciable !

Co-propriétaire de la brasserie « les Barjots », la crise a t’elle aussi impacté votre activité ?
Juste avant le confinement, nous avons vendu la brasserie à un groupe suisse. Si j’ose dire, nous avons eu du nez. Nous avons maintenant hâte que la brasserie puisse ouvrir, c’est prévu en décembre, afin que nous puissions organiser des réceptifs avec nos clients.

Lorsque que tu te retournes sur les années 90 qui ont marqué ta carrière, ressens-tu de la joie ou de la nostalgie ? Quels souvenirs conserves-tu ?
Cela me met la banane. J’ai vécu des choses extraordinaires avec l’apothéose du titre de champion du monde. Le début de tout cela, ce sont les Jeux olympiques, une fête interplanétaire où personne ne nous attendait. Nous avions conscience que nous pouvions réaliser quelque chose et nous étions menés par un homme qui avait tout compris. Je ne suis pas du tout nostalgique même si je regrette de ne pas avoir fini avec cette équipe aux J.O. d’Atlanta (1996).

Avec du recul et malgré une période compliquée pour toi après l’Euro 94, quel regard portes-tu sur Daniel Costantini ?
J’étais imbuvable sur le terrain et je pouvais péter les points : je me serais viré aussi !
J’ai un immense respect pour lui, l’homme et l’entraîneur. Si la France a remporté ses premières médailles, c’est parce qu’il avait compris qu’il fallait s’entraîner beaucoup, notamment physiquement. Avec du recul aujourd’hui, depuis mon poste de manager, je sais que ce job d’entraîneur n’est vraiment pas facile. Daniel a dû faire des choix, cela n’a pas marché en 1996 mais derrière il y a eu un second titre mondial en 2001.

Pourquoi n’as-tu pas envisagé une carrière de technicien ? Tu t’imaginais plus à ton aise dans un bureau que sur un banc ?
Cela ne m’attirait pas forcément. En fait, j’ai été tenté par le rôle de manager, un poste central en lien avec le sportif où il faut travailler en relation avec la direction, le Conseil d’Administration et le président. À Chambéry, dès le début, j’ai joui d’une bonne autonomie et de l’écoute des dirigeants.

Quel regard portes-tu sur l’évolution du jeu ? Pas seulement sur la vitesse, un aspect évident, aussi sur l’impact physique, la technicité des acteurs… ?
Lorsque je jouais il y avait beaucoup d’impact avec des mauvais coups, comme le rugby à l’ancienne. Cela partait parfois dans tous les sens. Aujourd’hui, j’ai impression que les gamins sont plus matures. Physiquement, ils sont costauds, ils sautent haut et ils tirent fort. Globalement, ils ont une meilleure préparation individuelle mais je remarque qu’ils ont moins de connaissance tactique.

Comment apprécies-tu la présence de Guillaume Gille, d’Érick Mathé, de Melvyn Richardson, de Timothey N’Guessan ou encore de Yann Genty dans le groupe France ?
Timothey et Melvyn ont été formés au club. Alors on les suivra toujours et c’est une fierté de les voir évoluer. Si Chambéry a obtenu dernièrement de bons résultats, c’est en grande partie grâce à Yann. C’est aussi une fierté de voir Gino et Érick, les deux entraîneurs à la tête des Bleus. Gino n’est pas licencié au club mais il fait partie de la famille.

Propos recueillis par HGu