Coach de l’équipe de France U16F de beach handball, Mezuela Servier a programmé un stage à Ajaccio du 18 au 23 octobre. L’ancienne capitaine de l’équipe de France revient sur son parcours et évoque aussi ses deux garçons qui évoluent sous le maillot tricolore : Élohim Prandi et Matteo Fadhuile.

Quel est l’objectif de ce premier rassemblement de la saison avant l’hiver ?
Nous souhaitons familiariser et sensibiliser les jeunes filles à cette discipline. Nous devions rassembler un groupe dès le mois d’avril pour débuter un cycle avec cette nouvelle génération. C’est pourquoi nous avons positionné un stage à ce moment de la saison.

Quels sont les critères de recrutement ?
Afin de pouvoir jouer sur le sable, il faut des qualités de base. La discipline est en phase de développement et, jusqu’à présent, nous passons par la filière fédérale, en partenariat avec Éric Baradat et les responsables de pôles. Pour promouvoir la discipline auprès des jeunes, il est nécessaire de travailler ensemble, c’est un travail d’équipe. Nous étions censés suivre les interligues mais qui n’ont malheureusement pas eu lieu. Avec Joëlle Demouge, nous avons assisté au stage national qui était organisé à la fin du mois d’août à la Maison du Handball. 70 jeunes filles étaient présentes et c’était une opportunité pour nous d’observer et de détecter la génération 2003.

Comment es-tu venue au beach handball ?
Le beach handball existait déjà mais c’est par le sandball, développé par les Barjots, que j’ai débuté sur le sable. C’est venu naturellement avec une bande de potes, notamment Éric Quintin, Bhakti Ong et Franck Maurice. C’était un rassemblement de passionnés où il n’y avait plus de strates avec même la participation des non licenciés. Le côté convivial, un peu caricaturé, ne m’empêchait pas de me donner à fond car je n’aime pas perdre. Aujourd’hui encore je vibre pour le handball, plus pour la pratique mais pour ce que l’on en fait. Par moments, j’ai envie de mettre le short car « on sait, on voit » mais le corps ne veut plus.

Quels sont les aspects techniques communs et différents entre le handball et le beach handball ?
Selon moi, la pratique du beach apporte à tous points de vue. Le fond est le même avec la notion de vision de distance, de timing, d’enchaînement de taches, de coordination et d’explosivité. Sur le sable, sans chaussures, il y a un vrai travail de pied, de propriation. En partant du pied, toute la chaîne musculaire travaille et se renforce : cela « athlétise » et favorise la prévention des blessures. Des tests ont été effectués chez les garçons avec la prise de détente, avant et après la pratique du beach, on observe un gain 5 à 20 % de prise de détente.

Qu’est-ce qui t’a convaincu d’endosser le rôle d’entraîneur de l’équipe de France U16F de beach handball ?
Ce sont Éric Quintin et Jean-Louis Guichard qui ont pensé à moi. S’il ne s’agit pas tout à fait de la même discipline que le sandball, c’est la même ligne conductrice et la compétition cela me connaît. En plus du handball, j’ai joué sur le sable, j’ai donc un vécu et un ressenti. Voilà, je m’inscris dans la transmission.

Élohim et Matteo ont-ils débuté par le sandball ?
Non mais ils aiment jouer sur le sable voire même déjouer. Ils ont tous les deux cet esprit de la gagne, de bien faire, tout en y mettant du plaisir.

Comment te positionnes-tu avec tes deux garçons handballeurs engagés dans le haut niveau ?
Si évidemment je les connais bien, je ne me suis jamais positionnée comme leur entraineur. Je me souviens du travail individuel réalisé avec Paul Landuré et mon premier formateur, Christian Mano. Il faut savoir se connaître pour se corriger : je travaillais dans la finesse et le détail qui font la différence. Alors j’accompagne mes garçons dans ce qu’ils sont, c’est-à-dire uniques : c’est l’individu qui fait le sportif et pas le contraire. Bien sûr je ne suis pas seulement leur maman car j’ai de l’expérience dans le domaine du haut niveau et je sais quels sont les ingrédients que l’on doit mettre pour l’atteindre. Je me suis surtout évertuée à leur inculquer l’état d’esprit.

Avant, après les matches, comment communiques-tu avec eux ?
Avant les matches, j’envoie un message pour leur souhaiter bon match, qu’ils soient eux-mêmes et qu’ils s’éclatent pour être bons. Après les matches, je ne fais pas un retour d’ensemble. Je me concentre plus sur des petites choses qui ont fait la différence. À un certain niveau, ce sont les détails qui comptent et eux-mêmes doivent le ressentir. Je veille aussi à leur attitude : quand ils étaient plus jeunes, ils jouaient parfois des rôles qui n’étaient pas à la hauteur des actes. Après les matches, je suis toujours « cash ».

As-tu vibré aux grandes performances récentes réalisées par l’équipe de France féminine ?
Plus que les victoires, c’est le visage qu’elles ont montré. Les filles m’ont fait vibrer et elles m’ont réconciliée avec le handball féminin. Je leur ai dit d’ailleurs. Je me souviens de la demi-finale face à la Suède, lors du Mondial 2017. Elles affichaient une telle détermination et une telle assurance que j’étais certaine qu’elles iraient au bout. Elles ont construit leur identité et elles assument d’être atypiques.

Pourquoi réconciliée ? Étais-tu fâchée avec l’équipe de France ?
Non pas avec l’entité équipe de France mais avec ce qu’était le handball féminin. Lorsque je jouais, j’avais cet esprit masculin, c’est-à-dire que je ne tergiversais pas. J’étais là pour gagner et je travaillais en ce sens. Je voulais être la meilleure et je n’avais pas d’états d’âme. Lorsque j’ai joué en Allemagne (à Lutzellinden), leur fonctionnement a résonné en moi et je me suis trouvée.

Malgré ton statut et un talent reconnu, ton palmarès en équipe de France est vierge. Est-ce un regret, un manque ?
Je suis avant tout une passionnée et une joueuse. J’ai appris tellement de choses au travers de ce que j’ai vécu : les rencontres, les entraîneurs, mes partenaires, le corps médical. Ces expériences m’ont permis de mieux me comprendre et de bien connaître mon corps. En cela, je me suis accomplie. Vivre un titre international, cela aurait été chouette bien sûr, mais je ne suis pas nostalgique. Si je reste profondément une joueuse, je ne courais pas à ce point à remplir mon CV.

Propos recueillis par HGu