Championne du monde et responsable du pôle espoir féminin de Bourgogne – Franche-Comté, Myriame Said-Mohamed se réjouit de la venue de l’équipe de France féminine à Besançon. Elle évoque la formation de la joueuse et en particulier des internationales sociétaires de l’ESBF ou passées récemment par le club.

Comment as-tu accueilli l’annonce de la venue de l’équipe de France à Besançon ?
Je l’ai su très tardivement mais c’est quelque chose de très positif. Le public aurait voulu célébrer toutes les médaillées olympiques mais certaines ont besoin de se soigner ou de récupérer. L’équipe de France sera remaniée mais avec du potentiel car des filles incarnent la relève.

Cela rend-il le match encore plus excitant ?
Les circonstances sont particulières avec un match important à gagner et d’un autre côté, la nécessité de protéger nos internationales qui sont hyper sollicitées. La chance arrive à celle qui saura la saisir. J’espère que toutes les nouvelles vont lâcher les chevaux car, le stress doit se transformer en envie positive de jouer. Au-delà de leur âge, toutes ces nouvelles joueuses sont impliquées dans leurs équipes respectives.

Comment as-tu vécu les matches des Bleues pendant le tournoi olympique : en supportrice ou avec le regard de la technicienne ?
Quels que soient les résultats, on ne peut pas avoir autant pratiqué le handball sans être toujours à fond derrière l’équipe de France. En tant que technicienne, j’ai un regard plus pointilleux et plus critique. J’ai la chance de connaître personnellement certaines joueuses et pendant le tour préliminaire des J.O., j’étais un peu frustrée de ne pas les voir se lâcher. Je sentais de la retenue et il y avait un manque d’agressivité sur les phases défensives. Sur la deuxième semaine, lorsqu’elles ont trouvé leur truc, c’était réjouissant. Je faisais des arrêts sur image avec ma télécommande pour sauvegarder des séquences et les partager aux filles du pôle, avec mes commentaires.

Cela veut-t-il dire que les jeunes du pôle auront un travail pratique à effectuer pendant France – République tchèque ?
Nous avons un groupe whatsApp qui vit beaucoup. L’équipe de France et la Ligue des Champions sont des références pour les jeunes filles. Il y a beaucoup de matière à en retirer pour la formation. Oui bien évidemment je souhaite qu’elles suivent le match pas comme de simples supportrices mais avec un œil attentif. Des petits groupes de travail seront constitués pour observer les séquences clefs du match : par exemple le jeu sur grand espace, la défense, l’attaque, les gestes techniques, la gestion des moments faibles…

Plusieurs joueuses de l’équipe de France sont passées par Besançon, des références opportunes pour les jeunes filles en formation, non ?
En effet, et je distinguerai trois groupes. Tout d’abord, il y a les joueuses issues de la Bourgogne – Franche-Comté, qui sont passées par le pôle espoir puis par le centre de formation de l’ESBF. Catherine Gabriel et Laura Glauser qui ont explosé ici avant de partir (elles ont été formées par Joëlle Demouge), Clarisse Mairot et Chloé Valentini. J’ai eu Clarisse pendant trois ans, de la seconde jusqu’à la terminale. Elle a mis plus de temps à se construire mais c’est aujourd’hui une très belle réussite. Elle a rapidement intégré l’équipe professionnelle. Quant à Chloé, que j’ai eu un an en classe de terminale, c’était aussi un régal de l’entraîner. Elle a un sacré caractère et elle m’a fait apprendre mon métier. Elle est pétrie de qualités.

Et les deux autres groupes ?
Dans le deuxième, je place Lucie Granier que j’ai côtoyée en équipe de France jeunes, sur quelques stages. Elle est arrivée directement au centre de formation de l’ESBF et comme il y a des entrainements communs avec le pôle, j’ai beaucoup apprécié son état d’esprit. Lucie est une fine technicienne, une joueuse qui respire le handball. Enfin, dans le troisième groupe, Claire Vautier, que j’ai aussi connue en France jeunes. Elle a effectué sa formation à Saint-Amand-les-Eaux et elle n’a rien lâché, jusqu’à signer professionnelle à Dijon.

Championne du monde en 2003, quelles observations formules-tu sur l’évolution du jeu et sur le profil des joueuses, en particulier en équipe de France ? Les comparaisons sont-elles possibles ?
Le handball continue à évoluer, c’est certain. Aujourd’hui les joueuses s’inscrivent dans un cadre plus professionnel. Dans les années 2000, nous avons commencé à ouvrir la voie. L’approche humaine avec Olivier Krumbholz n’était pas toujours simple mais depuis, il a beaucoup évolué. Les filles donnent aussi du sens à ce qu’elles font. Par exemple, j’observe que le travail défensif est participatif, ce qui démontre une prise en main des filles. Longtemps le mal français était incarné par des pertes de balle avec aussi un déficit dans le duel tireuse gardienne. L’écart se réduit et la vision est aujourd’hui très positive quand on regarde le palmarès.
Je me souviens qu’Olivier nous interdisait le jeu aérien, au-dessus de la zone. On ne réalisait pas de chabalas ou de roucoulettes : il nous engueulait car il prônait l’efficacité. Je considère que c’est le poste de gardienne qui a le plus évolué et désormais, ce sont les roucoulettes et les chabalas qui permettent de les piéger.

Comment décliner les savoir-faire de l’équipe de France dans les pôles ?
Les équipes professionnelles de Besançon et de Dijon évoluent en Ligue Butagaz Énergie, ce qui nous permet de voir aisément des matches. Les allers-retours avec le haut niveau, on les fait donc constamment. Nous avons des entraînements hebdomadaires en commun avec les centres de formations des deux clubs. Avec les deux responsables, nous n’avons de cesse de rappeler aux jeunes que « si vous êtes là, c’est que vous rêvez un jour de jouer pour l’équipe de France. » Clairement, il faut faire partie des meilleures pour accéder au secteur professionnel puis à l’équipe de France. Mais n’y a pas de place pour tout le monde.
En réalité, je crois que c’est l’autodétermination qui prime. Par exemple, je n’avais jamais vu une gamine aussi déterminée que Léna Granveau. Ce fut un régal de travailler avec elle pendant trois ans en équipe de France jeune. Élue meilleure demi-centre à plusieurs reprises sur les compétitions internationales, son parcours est clair.

Longtemps, les équipes scandinaves incarnaient un modèle envié. Crois-tu aujourd’hui que l’équipe de France, avec la mixité de ses profils, peut inspirer les autres nations ?
Les Nordiques excellent dans de nombreux aspects techniques. Mentalement aussi, les Scandinaves paraissent toujours inébranlables. Mais en effet je pense qu’il leur manque un truc : la mixité qui est une vraie richesse. Je me souviens d’un échange avec Marina Breïvit : elle nous reprochait notre indiscipline mais elle nous enviait notre mixité. Méline Nocandy me racontait qu’après sa formation à la Guadeloupe, le tir en suspension était sa priorité car Daniel Narcisse était la référence, l’arme secrète. C’est seulement en arrivant en métropole qu’elle a véritablement commencé à travailler le tir au sol. Voilà, c’est un exemple fort de l’identité de l’équipe de France. D’ailleurs, le cri de guerre « Fèmé boutik » en créole, ce n’est pas pour rien. Il ne faut pas perdre cela.

À chaque fois que l’équipe de France féminine triomphe, la référence au titre mondial de 2003 est tenace. Est-ce une fierté d’appartenir à l’équipe qui a ouvert la voie ?
On se réunit parfois avec les anciennes et nous sommes conscientes d’avoir vécu quelque chose d’unique. Nous sommes à jamais les premières championnes du monde. Ce qu’ont réalisé les filles sur ces cinq dernières années, c’est tout bonnement hallucinant pour le handball féminin. Je n’arrive pas en terrain conquis parce que je suis championne du monde. C’est une remise en question constante et j’essaie d’utiliser mon parcours pour montrer aux filles que rien ne s’acquiert facilement : je raconte mon parcours depuis l’ASUL Lyon et les efforts qu’il a fallu réaliser car, moi aussi je suis passée par un pôle. Transmettre des messages et transformer les filles, cela me passionne. Le discours sur le travail, la notion d’effort, le plaisir de partager. Personnellement, j’ai eu la chance d’évoluer avec de belles joueuses de handball, je pense notamment à Valérie Nicolas, une super gardienne, et à Véronique Pecqueux-Rolland, entre autres. À leurs côtés, j’ouvrais grands mes yeux et mes oreilles.

C’est extrêmement valorisant d’appartenir à une filière dont les représentantes trustent les titres et les podiums. Au quotidien, cela doit être motivant pour toi et ton équipe, non ?
J’ai la chance d’avoir un super staff, impliqué et compétent, à Besançon comme à Dijon. J’ai aussi un adjoint précieux et des entraîneurs sur la préparation physique très compétents. Nous allons tous dans le même sens pour faire avancer les filles. Je pense aussi à Marina Khatkova, entraîneure des gardiennes de but du pôle, depuis plus de 15 ans, elle a entraîné Cathy Gabriel et Laura Glauser quand elles étaient chez nous. Nous allons tous dans le même sens pour faire avancer les filles. Voilà, j’aime ce métier avec ce que les filles me renvoient.

Propos recueillis par Hubert Guériau