Quatre mois après son opération des ligaments croisés du genou droit, Nikola Karabatic fait le point sur son protocole de reprise. Le quadruple champion du monde évoque aussi l’actualité de l’équipe de France.

Tu as subi une opération le 28 octobre 2020. Quel bulletin de santé peux-tu nous délivrer aujourd’hui ?
Lorsque je me suis fait opérer, j’ai évité de trop me projeter sur la date de reprise. Deux semaines après l’opération, je marchais déjà sans béquilles et tout évoluait positivement. Puis j’ai eu une thrombose avec embolie pulmonaire qui m’a envoyé 10 jours à l’hôpital où j’étais alité. Forcément je me demandais alors à quel moment j‘allais reprendre. Depuis, tout est allé très vite et je crois que nous avons rattrapé le temps perdu. Le médecin et le kinésithérapeute considèrent que tout se déroule bien désormais.

Et précisément, du côté de la blessure, comment se porte ce genou meurtri ?
Le chirurgien m’a confié que le cartilage et le ménisque de mon genou étaient nickel. Après 20 ans de compétition, c’est une bonne base pour la récupération. Quand la blessure n’est pas trop grave, cela fait partie du métier de jouer avec des douleurs et c’est en quelque sorte ma valeur ajoutée. Mais concernant cette blessure, je ne prendrai aucun risque. Je rejouerai seulement lorsque tous les feux seront au vert et que je me sentirai bien. Je ne prendrai aucun risque.

Navré de poser une question obsédante : une date de retour sur le terrain a-t-elle été fixée ?
Avec le médecin et le kinésithérapeute du club, on ne raisonne pas en dates mais en étapes. Pour une telle blessure, il faut compter entre 7 et 9 mois, soit entre mai et juillet. Je me situe actuellement au milieu de cette période et j’ai donc l’espoir de reprendre avant la fin de saison. Depuis trois semaines, j’ai repris la course en extérieur. Tous les matins, je cours dans le bois de Boulogne. Parallèlement, le travail de renforcement musculaire se poursuit avec, petit à petit, les mouvements que l’on effectue en situation de match. Mon genou n’a pas gonflé une seule fois. Voilà, on fait plein de trucs, on bosse bien. Je ne me mine pas le cerveau, je vois ça comme un défi.

Comment as-tu vécu le Mondial 2021 : la première compétition majeure que tu as manqué depuis tes débuts lors du Mondial 2003 ?
Bien sûr, j’étais triste de ne pas être avec l’équipe de France mais j’avais fait mon deuil de ne pas vivre cette aventure. Alors j’ai suivi le Mondial en mode spectateur et en supporter. Comme tout le monde, j’ai eu des doutes après les matches face à la Serbie mais j’ai été vite rassuré après le premier match du Mondial, face à la Norvège. J’ai vibré et j’étais content que l’équipe de France fasse un bon parcours. Avec cette 4e place, l’équipe a repris confiance même s’il reste du boulot pour raccrocher le wagon de tête et remporter des médailles.

Comment as-tu vécu la blessure de ton frère Luka, en quarts de finale face à la Hongrie ?
Je n’ai pas vu le moment où il s’est blessé. J’ai bien évidemment remarqué qu’il ne rentrait plus en attaque et qu’il n’avait pas repris en défense, en seconde période. C’était bizarre et j’avais l’impression que sa main était touchée car je savais que Luka souffrait des doigts. Finalement, après le match, il m’a expliqué qu’il était touché aux abdominaux, que c’était certainement une déchirure. J’étais triste car il jouait super bien en défense. Avant cela, il y avait eu les blessures de Wesley et de Timothey. C’est toujours difficile de voir des copains se blesser en compétition.

La blessure de Luka a clairement pesé sur la suite des événements…
Un déséquilibre s’est produit. Se passer de Luka, l’un des meilleurs défenseurs au monde, crée forcément un problème et oblige à trouver d’autres solutions. Gino (NDLR Guillaume Gille) a par exemple essayé de mettre Dika au poste 3. Bref, cela obligeait à bricoler alors que la défense était bien en place, l’une des forces de l’équipe de France alors que d’autres secteurs, la montée de balle et l’attaque, sont encore perfectibles. La blessure de Timothey a aussi enlevé une rotation.

Tout récemment tu étais près de Montpellier, pour une petite semaine de vacances… Il n’y a qu’un pas pour penser au TQO qui se profile du 12 au 14 mars…
Le moment de vérité de la saison, c’est clairement le TQO, pas le Mondial. J’ai aussi fait le deuil de participer à ce tournoi. Je suis triste de ne pas le disputer mais je n’aurai aucune influence là-dessus. Si je peux avoir une chance de faire la préparation et de me battre pour une place aux J.O., il faut que les copains se qualifient.

L’équipe de France affrontera le Portugal, lors du 3e match. Que t’inspire la disparation dramatique d’Alfredo Quintana survenue vendredi passé ?
Lorsqu’un tel drame se produit, on se sent tout petit. Cela relativise tout : tu te prends la tête car tu ne peux pas participer à un Mondial et Alfredo, lui, décède sur le terrain. C’est terrible et je n’ai pas de mots assez grands pour imaginer la tristesse de ses proches et de ses amis. Franchement, c’est très dur et je ne peux que compatir.

As-tu profité de ce temps sans compétition pour t’impliquer plus encore dans les projets qui te tiennent à cœur ?
Paradoxalement, je suis plus occupé qu’en étant joueur. J’ai « seulement » les week-ends de libre car je suis le protocole de réathlétisation du lundi ou vendredi. En tant que citoyen, j’ai des préoccupations que j’essaie de partager en mettant à profit ma notoriété. La préservation de notre environnement n’est pas un engagement mais une conviction permanente. Je reçois beaucoup de sollicitations auxquelles je ne peux pas donner suite à toutes positivement mais j’essaie, malgré le peu de temps libre, de jongler pour porter mes convictions.

Des convictions que tu t’appliques aussi à développer avec tes partenaires ?
Oui, je suis par exemple très heureux de faire partie du Conseil d’administration de la fondation Butagaz. Prochainement, je serai membre du jury « Portez haut les couleurs », un concours d’écriture national organisé par Butagaz, la Ligue féminine de handball et Short Edition pour la 2e année consécutive. Aussi, avec LIDL, je soutiens les actions (distribution de produits et de repas) en faveur des Restos du cœur et du secours populaire. Récemment, je me suis impliqué avec les Étoiles du Sport pour la tombola du cœur en faveur aussi des Restos du cœur.

En 2018, tu avais évoqué la consommation de viande, lors de l’opération « on est prêts ». Peux-tu re-préciser l’objectif de cette campagne ?
Je souhaitais sensibiliser à la cause environnementale, en alertant notamment sur la nécessité de réduire sa consommation de viande. J’avais ainsi, au moment où j’étais blessé, participé à l’opération « un mois sans viande ». Clairement, l’élevage intensif n’est pas bon pour l’environnement et je suis vigilant à acheter de la viande issue de l’agriculture française. Je me suis rendu compte que je prenais plus de plaisir à consommer de la viande seulement une à deux fois par semaine. Et pour un athlète de haut niveau, c’est bien suffisant.

Pardon de te poser à nouveau cette question récurrente mais quels contours prendra ton avenir sur et en dehors du terrain ?
Forcément, j’y réfléchis de plus en plus. Mon contrat avec le Paris SG HB arrivera à son terme, à la fin de la saison 2021-22. Les discussions ont débuté mais cela dépendra de la façon dont je vais revenir puis de mon état de forme, année après année. Si le club a besoin de moi, mon souhait est de terminer ma carrière à Paris sinon il faudra que je me projette là où je pourrai la poursuivre. Concernant ma reconversion, je souhaite passer des diplômes supplémentaires, je pense notamment au CDES de Limoges. Tout est encore ouvert et j’attends d’étudier diverses options.

Propos recueillis par Hubert Guériau