Reconduite à la présidence de la Ligue féminine de handball (LFH) suite aux élections fédérales, Nodjialem Myaro s’exprime à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes.

Que t’inspire cette date du 8 mars, la journée internationale des droits des femmes ?
Je pense au parcours de toutes ces femmes qui se battent, depuis fort longtemps, pour être reconnues et considérées. Ce combat continue et j’aime l’idée de cette transmission transgénérationnelle.

Dans le cadre de cette journée, tu as été sollicitée par le ministère chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances pour une mise en avant de messages de femmes qui incarnent chacune un combat, une avancée, un possible qui s’ouvre…
Oui, ils m’ont demandé d’écrire une lettre à une enfant qui naît ce lundi 8 mars 2021. Ce n’est pas rien, c’est une responsabilité de m’adresser à une petite fille. Cela m’a émue et a touché ma corde sensible. J’ai trouvé que c’était une belle idée, là aussi sur la notion de transmission entre les générations. Je l’ai écrite en me projetant sur ce que je pourrais dire à ma propre fille. Je n’ai pas forcément parlé de handball mais plutôt de la notion de parcours de vie qui va bien au-delà du sport.

Ce 8 mars 2021 est aussi marqué par l’hommage rendue à une pionnière, Alice Milliat*, avec l’installation d’une sculpture à son effigie à la Maison du sport français à Paris…
J’en profite pour féliciter et remercier sincèrement Béatrice Barbusse qui s’est battue depuis des années et beaucoup impliquée pour que cet hommage soit rendu à Alice Milliat. Ce combat de longue date, enfin concrétisé, apporte de la lumière à cette femme qui a beaucoup œuvré pour la reconnaissance du sport féminin.

Promue présidente de la LFH en 2013, cette fois tu as mené campagne aux côtés de Philippe Bana. Comment as-tu vécu cette période électorale ?
J’avais intégré l’équipe de Joël Delplanque, en cours de mandat, en 2013. Pour la récente élection, il y avait plusieurs listes et c’est la première fois, en effet, que je participais à une campagne. Cela a été un vrai travail d’équipe pendant plusieurs mois et cela fut riche en échanges et profitable et je suis heureuse de faire partie de cette équipe. Par contre, je n’ai pas apprécié les coups bas et les attaques, que ce soit dans les médias, lors des réunions ou via personnes interposées. Personnellement, j’ai eu le droit aussi à des jugements alors que la personne en question ne me connaissait pas et je me suis permis de lui dire. J’ai été déçue par ce genre de comportements car même dans une situation de concurrence, j’ai appris à avancer des valeurs plutôt positives et cela a montré une mauvaise image de notre sport.

Es-tu ressortie plus forte de cette campagne rude ?
Être ainsi attaquée, cela me renforce. Au-delà de mon parcours de sportive, c’est l’éducation que j’ai reçue de ma mère : on pourra toujours m’attaquer mais l’intégrité et les valeurs permettent de se relever. L’égalité n’est pas encore acquise ; alors il faut toujours être en capacité de se relever après avoir pris des coups. Et cela va justement dans le sens de la lettre écrite à la petite fille née ce 8 mars 2021 dont j’ai parlé ci-avant.

Quel regard portes-tu sur le contexte sanitaire très particulier qui implique notamment un arrêt de toutes les compétitions amateur.es ?
Nous essayons de trouver des solutions mais c’est très difficile alors que nos équipes de France féminine et masculine ont placé le handball français dans une dynamique. Le contexte sanitaire est insupportable et le temps s’étire au point de générer une immense impatience à sortir de cette crise sanitaire. Je dis cela naturellement, toutes proportions gardées, sans comparer avec l’état de santé des personnes touchées et des nombreux décès. On ne peut naturellement pas se satisfaire de la situation et cela reste difficile de ne pas répondre aux attentes des clubs. Avec le plan de soutien, nous visons de les accompagner du mieux possible.

Concernant plus précisément la LFH, quels sont les axes de travail pour le championnat professionnel féminin ?
Le projet fort, demandé par les clubs, demeure l’autonomie de la LFH. Avec l’aide de Sophie Palisse, vice-présidente de la LFH, nous construisons ensemble ce projet. L’autonomie de la LFH verra le jour lorsque les garanties seront suffisantes pour préserver la dynamique des clubs. Je sais que certains sont clubs sont impatients mais l’économie d’un championnat féminin demeure fragile. L’autonomie passera aussi par une visibilité accrue afin que ce championnat devienne plus populaire.

As-tu guidé les premiers pas de Bertrand Gille et de Jérôme Fernandez, tes nouveaux collègues du Bureau directeur de la FFHandball ?
Oh je crois que ces deux hommes expérimentés n’ont pas besoin de moi pour être guidé. C’est super de bosser ensemble sur notre sport et leur arrivée renforce la transversalité. Ils apportent un nouveau regard : ils ont compris tout le système à grande vitesse. Leur exigence et leur professionnalisme transpirent dans leur façon de faire. Avec Jérôme, et Bertrand sur les questions marketing, nous travaillons ensemble sur le dossier des J.O. de Paris 2024. Leur arrivée signifie aussi que la FFHandball s’appuie sur un maillage sociétal et intergénérationnel différent, où jeunes et anciens peuvent travailler ensemble.

Comment transformer positivement la frustration de la délocalisation dans la métropole lilloise des deux tournois de handball ?
Le COJO de Paris 2024 s’est rapproché de la fédération pour faire en sorte que cette délocalisation soit la mieux exploitée. Dans un premier temps, le ressenti a été négatif : comment le sport collectif le plus titré a-t-il pu être écarté de la carte parisienne des sites de compétition ? Je crois que c’était une réaction logique mais une fois mis devant le fait accompli, il ne fallait pas continuer à se plaindre et au contraire faire en sorte que ce projet-là soit bonifié. Loin du village, l’expérience des athlètes sera forcément différente mais nous allons nous attacher à ce que ces Jeux de 2024 soient vécus intensément en rassemblant toutes les forces vives autour du Stade Pierre Mauroy.

Psychologue libérale et en institutions à Toulouse, tu interviens notamment comme préparatrice mentale de l’équipe de football du Toulouse FC. Comment se déroule cette expérience qui te renvoie à tes années de handballeuse professionnelle ?
J’ai été contactée par le président du club, Damien Comolli, qui est venu chercher ma double expérience : de joueuse et de psychologue. Le TFC a connu une saison très difficile l’an passé et il se reconstruit actuellement. Dans le football, il existe un décalage énorme entre les enjeux et la préparation mentale. Quand on me propose un projet, je ne le vois ni sexué, ni ethnique, je m’attarde sur les compétences requises avec une visée sur comment progresser et m’épanouir. Me concernant, l’adrénaline des matches ravive des émotions un peu identiques à ce que je ressens lorsque je commente les matches de l’équipe de France féminine.

Propos recueillis par Hubert Guériau

*Alice Milliat était une nageuse, hockeyeuse et rameuse. Disparue en 1957 (à 73 ans), la Nantaise fut la cofondatrice et présidente de la fédération des sociétés féminines sportives de France. Alice Milliat est aussi reconnue comme l’une des plus grandes militantes du combat pour la reconnaissance du sport féminin au niveau international.