L’entraîneur de l’équipe de France U18 féminine est l’invité de l’entretien du lundi. Olivier De Lafuente revient sur son parcours auprès des sélections jeunes et évoque le jeu de l’équipe de France qui inspire pour toute la filière.

Peux-tu revenir sur ton parcours de technicien ?
J’ai débuté en tant que CTR, en Bretagne, sur la filière masculine au pôle de Cesson. Puis, en rejoignant les Hauts-de-France, je me suis rapproché de la filière féminine. C’est auprès de Paul Landuré, en charge alors de l’équipe de France U20, avec la génération 88-89, que je suis venu donner un coup de main afin de suppléer Franck Cadei.

Et finalement l’intérim a duré…
J’ai rejoint le staff de Paul l’année suivante (2008) avec un rôle d’adjoint en charge de la vidéo. J’ai travaillé plusieurs saisons avec les générations 90-91 et 92-93. Cette dernière a terminé vice-championne du monde U20 (alors dénommée junior). C’est une chance d’avoir travaillé avec cette génération qui comprenait notamment Laura Glauser, Coralie Lassource, Grace Zaadi Deuna, Manon Houette et Pauline Coatanea.

Quand as-tu pris la direction des U16 ?
Dans le cadre d’une réorganisation de la filière féminine, j’ai été amené à encadrer l’équipe de France féminine U16 (alors dénommée cadette) de 2014 à 2016. Puis, après une nouvelle réorganisation, Laurent Puigségur a intégré la filière et il a pris la responsabilité des U18F. Pendant deux saisons, j’ai été son adjoint sur les générations 1998-99 et 2000-2001.

Pourquoi as-tu quitté la filière en 2018 ?
Ma compagne s’est vue proposer un poste intéressant en Roumanie, je l’ai donc suivie. La première année, j’ai gravité autour du club de Bucarest où évoluaient Gnonsiane Niombla et Camille Ayglon-Saurina pour assister à des entraînements et bien sûr aux matches. Je me suis aussi rapproché de Gabriel Toacsen, l’ancien gardien de Dunkerque, qui travaille pour la fédération roumaine. La 2e année, j’ai enseigné l’EPS au lycée français de Bucarest.

Comment s’est opéré ton retour et ton arrivée à la tête des U18F ?
Les circonstances des affectations de poste ont fait que j’ai pu revenir au sein de la FFHandball sur un poste des Hauts-de-France. Dans un premier temps, Éric Baradat m’avait contacté pour encadrer les RIG (Rassemblement Inter Générationnel) puis l’opportunité des U18F s’est présentée. Après l’Euro de l’été dernier, j’enchaîne sur une deuxième saison avec la génération 2004-2005.

En tant que handballeur, comment as-tu apprécié le succès des deux équipes de France à Tokyo ?
Nous sommes tous fiers de ces résultats qui appartiennent à tout le monde, du club de la première licence jusqu’au coach de la A. Pendant les J.O., nous étions en plein championnat d’Europe et ce n’était pas toujours simple de voir tous les matches. Les représentants des autres nations nous félicitaient en nous disant que c’était incroyable. Après les médailles d’argent de Rio, ces équipes nous ont habitués à réaliser l’impossible.

Et ton regard de technicien sur le jeu déployé par l’équipe de France féminine ?
La défense a toujours été le socle de base des médailles françaises. L’équipe de France est restée très performante dans le secteur défensif avec en plus des gardiennes de très haut niveau. Et lorsque qu’Amandine Leynaud a eu un petit coup de moins bien, Cléopatre a largement contribué aux victoires. J’ai aussi apprécié la continuité dans le travail du jeu offensif alors qu’il était parfois un peu poussif. J’ai l’impression qu’à chacune de leur sortie, les joueuses progressent en attaque. Globalement, lorsqu’on regarde la qualité du jeu, les stratégies collectives et les savoir-faire, les joueuses se donnent des arguments pour faire basculer le résultat.

Les profils des joueuses sont différents et contribuent à cette variété, non ?
Elles possèdent des qualités variées qui offrent des solutions différentes et posent des problèmes différents à l’adversaire. Méline Nocandy et Tamara Horacek, au poste de demi-centre, jouent d’une manière distincte : elle pose des problèmes à la défense avec des solutions offensives nuancées. Le volume de rotations ne pèse pas sur le rendement de l’équipe, car les joueuses sont interchangeables. Hormis l’accident de parcours au Japon en 2019, j’observe une progression constante. Quelle équipe pourrait se passer aujourd’hui du départ de deux monuments tels qu’Amandine Leynaud et Alexandra Lacrabère ?

Après le match face à l’Angola Olivier Krumbholz évoquait le rôle prépondérant dans le jeu pris par les pivots. Qu’en penses-tu ?
Pendant longtemps, la formation du poste de pivot a été déficitaire. Aujourd’hui, comme toutes les autres joueuses, elles ont progressé et peut-être même plus rapidement, en différentiel. Quand on présente un enclenchement, on précise immédiatement où se trouve le pivot pour s’en servir afin de mettre de la densité offensive, dans un rôle de fixation ou de leurre. Nous avons des joueuses très complètes et capables de s’imposer à ce poste-là et notamment une pépite : Pauletta Foppa. Je n’ai pas souvenir d’une joueuse de 20 ans qui se soit imposée au pivot à ce niveau d’excellence.

En quoi ces résultats sont-ils inspirants pour les jeunes ?
Ce sont des repères et des inspirations liées à l’exposition médiatique. Auparavant, le handball était porté par la médiatisation bons résultats des garçons. Aujourd’hui, les matches des Bleues sont très régulièrement diffusés et je pense que cela qui inspire les plus jeunes, autant les filles que les garçons.

Comment le jeu de l’équipe de France A peut-il se décliner dans les autres sélections ?
Les RIG sont des moments de développement qui prolongent le travail effectué dans les clubs et dans les pôles avec l’apport d’un petit complément, en matière de travail physique, de suivi socio-pro et de handball.
La sélection U18 permet de vivre une expérience dans le contexte international. C’est une occasion pour les joueuses de s’évaluer dans un rythme différent avec des matches tous les deux jours, voire tous jours comme la semaine prochaine en Hongrie pour le tournoi des quatre nations avec aussi le Danemark et la Russie. Notre objectif, en fonction des profils des joueuses, est de décliner le projet de jeu en essayant de poser les bases défensives du jeu de l’équipe de France. Aussi d’avoir des mouvements communs entre les U18 et les U20 qui elles sont plus proches encore de la sélection A.

Propos recueillis par Hubert Guériau