Le sélectionneur national effectue le bilan de la semaine internationale qui s’est achevée dimanche soir par un succès face à l’Ukraine. Olivier Krumbholz se projette aussi sur la suite de la saison où les championnes olympiques seront attendues à chacune de leur sortie.

Deux matches, deux victoires : l’équipe de France est en tête de son groupe de qualification. Le bilan de cette semaine a de quoi te satisfaire, non ?
C’est l’essentiel et en effet, c’est ce qu’il faut retenir comme élément prioritaire. Les joueuses et le staff ont rempli leur mission. Nous avons réussi à préserver des joueuses et à gagner les matches. Naturellement, on préfère lorsque la qualité du jeu est aussi présente. Nous avions bien joué à domicile et heureusement parce que la salle était pleine. En revanche, en Ukraine, nous n’avons pas produit la même qualité.

Quelles en sont les raisons ?
Je pense que les jeunes joueuses ont pris la pression face à une équipe qui, elle, ne s’en met aucune. La jeune équipe ukrainienne joue à fond et joue bien, avec du culot en attaque, avec un jeu bien construit. Il nous aurait fallu un peu plus de sang-froid, je pense notamment à la fin de la première mi-temps. Face à ce genre d’équipe, quand elle arrive à revenir, elle se lâche encore plus. Mais nous sommes très contents de la semaine. Le gros point noir étant bien entendu la blessure d’Adja Ouattara.

En même temps, en faisant appel à un si grand nombre de nouvelles joueuses, tu devais bien t’attendre à des difficultés dans la maitrise du jeu avec si peu de séances collectives ?
On en effet nous avons eu peu de séances d’entraînement. Nous avons aussi effectué un très long voyage samedi pour jouer à Soumy. La salle était aussi particulière parce que le match s’est déroulé dans une halle d’athlétisme. Ce n’est pas très facile d’avoir des repères et de cadrer les tirs. Les filles ont tellement automatisé des choses, qu’il ne faut pas s’étonner que dans une salle qui n’en est pas une, ce soit un peu plus compliqué.

Mais n’est-ce pas aussi formateur de jouer dans l’inconfort ?
Je pense que les jeunes ont beaucoup appris sur elles, mercredi et dimanche. Elles ont vu l’extrême fragilité dans la performance quand on est un peu moins bien, quand on ne se libère pas. On a, je crois, espéré que les Ukrainiennes feraient des grosses fautes et nous donneraient des buts faciles. Mais en réalité, elles ne nous ont rien donné. Il a fallu que l’on reprenne l’ascendant avec la défense 1-5 pour les faire douter. Cela montre aux joueuses la dureté du contexte international. L’Ukraine n’est sûrement pas à son niveau. C’est une grande nation du handball qui a un peu disparu des radars depuis quelques années mais lorsqu’on voit un match comme celui-là, avec des jeunes joueuses qui, si elles ont envie de travailler, ont leur place dans le contexte international.

Sept filles ont connu leur première sélection cette semaine, ce qui n’était jamais arrivé dans l’histoire de l’équipe de France féminine. N’est-ce pas étonnant au lendemain d’un titre olympique ?
Je ne trouve pas cela étonnant parce qu’il y a la conjoncture de trois facteurs. Les blessures et les ennuis médicaux qui ont continué avec en plus les absences de Laura Flippes et de Pauline Coatanea, deux joueuses d’expérience qui apportent énormément. Aussi, la nécessité de mettre au repos quatre filles. Enfin le désir de lancer des nouvelles joueuses au début d’un nouveau cycle. Si cela avait été possible, il aurait fallu mettre au repos toutes les filles qui ont disputé les Jeux olympiques. Mais ça, c’est impossible car la fédération ne nous pardonnerait pas de manquer une compétition internationale. Cela parait inconcevable et pourtant cela arrive à d’autres nations. Il faut donc impérativement se qualifier.

Sans entrer dans le détail de tous les postes, des joueuses ont elles marqué des points ou pris date pour l’avenir, comme les deux gardiennes par exemple ?
On gagne les deux matches car nous avons deux gardiennes solides qui ont joué quatre belles mi-temps. Catherine Gabriel a été performante notamment dans les moments brûlants – c’est un peu normal puisqu’elle a joué les secondes périodes et a donc été confrontée à ces moments chauds – Adja Ouattara a marqué des points avec tout ce qu’elle a très bien fait sur les deux matches. Tamara Horacek effectuait son retour. Elle a été précieuse notamment avec sa grande polyvalence, sa solidité sur les deux matches. Pour les arrières, il y a du potentiel mais il y a encore beaucoup de travail. C’est la base arrière qui a été en difficulté face à l’Ukraine tandis que les ailières ont été courageuses. Elles ont eu des échecs mais elles ont tenté beaucoup de choses.

La prochaine liste pour préparer le Mondial 2021 en Espagne, sera très attendue avec autant de joueuses potentielles. À quel profil de liste faut-il s’attendre ?
Cela dépendra de l’état de forme des joueuses et malheureusement peut-être des blessures. Je l’ai toujours dit, on ira en Espagne avec la meilleure équipe possible pour faire le meilleur résultat possible. Je pense qu’on sera sur une liste proche des Jeux olympiques. Il y aura, comparé à la liste des J.O, et l’arrêt de carrière de deux championnes olympiques, des entrées de nouvelles joueuses. Sachant qu’on partira au Mondial très certainement avec dix-huit joueuses.

Les Jeux méditerranéens se dérouleront en juin prochain en Algérie. Envisages-tu d’aligner l’équipe de France ?
On travaille sur l’idée de faire durer nos grandes joueuses le plus longtemps possible, aussi de préparer des jeunes joueuses. À la fin de l’olympiade, la concurrence va jouer à fond pour les Jeux olympiques en France. On ne fera pas de sentiment, on alignera alors la meilleure équipe. Les Jeux méditerranéens sont une belle compétition pour de jeunes joueuses. D’abord, parce que cela ressemble aux Jeux olympiques, dans un village, sous la bannière olympique. Le niveau de jeu est certes inférieur au meilleur niveau mondial mais avec de très bonnes équipes et cela devrait nous permettre de faire travailler des joueuses et de les faire jouer avec un enjeu. Nous avons une richesse d’effectif, c’est pourquoi je suis convaincu de la nécessité d’y aller. On a vu cette semaine que des filles ont un vrai potentiel et qui ne rêvent que d’une chose : intégrer l’équipe de France.

Avant cette semaine internationale, avec le staff vous avez effectué le bilan des J.O…
J’ai toujours dit que nous avons un excellent staff. Il fallait débriefer les Jeux olympiques, un long moment, important et complexe. Nous avons tous tellement œuvré pour décrocher ce résultat que nous avions laissé de côté notre ressenti, nos émotions, que nous avions besoin de les partager. Ce fut un bon moment. Cela resserre les liens et cela nous permet d’être encore plus soudés et d’envisager l’avenir avec plus de sérénité pour qu’il n’y ait pas de parole rentrée.

Enfin, penses-tu encore beaucoup au tournoi olympique ?
Oui j’y pense beaucoup. Je repense à notre début de compétition difficile, même si nous l’avions anticipé, et à la période de travail en amont. On s’interroge tous sur notre savoir-faire pour essayer de le comprendre et une fois qu’on aura compris comme faire, il faudra le valider et continuer dans cette logique. Il y a un deuxième versant qui me travaille beaucoup : c’est pourquoi cette équipe réussit là où toutes générations avant elle, ont échoué. Une fois qu’on aura identifié tout ce qu’on a fait de supérieur avant 2016, on pourra le protéger. L’idée c’est vraiment de protéger ce savoir-faire, de l’analyse de nos joueuses, de leurs points forts et de leurs points exceptionnels, pour s’arcbouter dessus.

Propos recueillis par Hubert Guériau