Le médecin de l’équipe de France évoque la bulle sanitaire censée protéger les Bleus de la contagion à la Covid-19.

Il y a deux ans, à l’occasion d’un même entretien du lundi, tu menais le combat (avec également Philippe Bana et Vincent Gérard) contre les cadences infernales infligées aux joueurs lors des grands championnats internationaux. La programmation lors de ce Mondial IHF 2021 est-elle satisfaisante ?
Clairement, elle s’est un peu améliorée. Notre volonté était de dire halte à ces cadences infernales où les joueurs devaient assumer des charges de travail de plus en plus conséquentes avec parfois l’absence de jour de repos entre deux matches, voire des matches enchaînés en moins de 24h. C’était une aberration totale. Aujourd’hui, le rythme est plus acceptable avec au moins 24h de repos et de récupération entre chaque match. Ce n’est pas franchement idéal mais plus confortable que ce que nous avions connu précédemment.

Avec les quarts de finale et potentiellement avant les demi-finales, ce sont deux jours sans matches qui se présentent. Là aussi, est-ce un progrès ?
C’est nécessaire et même obligatoire, lorsqu’on rentre dans ces matches de très haut niveau à élimination directe qui mettent aux prises de grosses équipes. Auparavant, nous avions coutume de dire que ce n’était pas forcément le meilleur qui gagnait mais celui qui restait le plus fort. Au moment d’aborder les matches les plus difficiles, les équipes qui ont su garder un peu de fraicheur et qui disposent d’une profondeur de banc, sont celles qui seront primées à la fin.

Quels sont les bénéfices de cette nouvelle programmation ?
Elle permet de mieux récupérer et de se régénérer plus rapidement. Aussi, d’avoir une exploitation plus maximale des capacités musculaires. Dans ces moments-là, le temps est notre allié le plus précieux.

Après la belle prestation de Timothey N’Guessan face au Portugal, Guillaume Gille a loué le travail du staff médical. Quel protocole a été mis en place pour la prise en charge des blessures ?
Timothey a subi la blessure la plus difficile à gérer pendant un championnat. Élohim Prandi a dû nous quitter avant même le début du Mondial tandis que la malheureuse blessure de Wesley Pardin nous a contraints à le renvoyer en France afin qu’il se fasse soigner. La fédération nous a mis dans les mains un merveilleux outil : une échographie portable que nous avons apportée en Égypte. Habituellement nous utilisons les services de santé des pays hôtes mais au regard du contexte sanitaire et les contraintes immenses à sortir de la bulle, grâce à cet outil précieux, nous avons pu établir le diagnostic qui montrait bien une lésion musculaire, mais pas suffisamment importante pour le renvoyer dans son club. Ensuite, il faut louer le travail remarquable de nos trois kinés qui ont pris en charge Timothey jour et nuit. Pour une blessure qui aurait pu nécessiter 2 à 3 semaines d’arrêt, ils l’ont remis sur pied en dix jours.

Le préparateur physique, Olivier Maurelli, a rejoint le staff de l’équipe de France. Comment s’harmonise votre collaboration et quels en sont les bénéfices ?
La volonté de ce staff est que tout le monde travaille de concert. Olivier est un préparateur physique qui connait bien l’activité car il a été lui-même international. Il est en permanence à la recherche d’infos médicales et physiologiques sur les joueurs. C’est un vrai bonheur de travailler ensemble. Notre objectif est de moduler et de personnaliser au maximum la charge de travail des joueurs. Grace à ce travail, nous disposons aujourd’hui d’un groupe physiquement homogène, quel que soit le temps de jeu.

Jusqu’à présent la bulle sanitaire autour de l’équipe de France semble bien tenir non ?
Oui en effet mais on poussera un cri de joie seulement lorsqu’on en sortira. Cette bulle a été mise en place dès notre rassemblement, le 27 décembre dernier, en raison des contraintes fortes du paysage sanitaire national et international. Pour rappel, nous avons passé le jour de l’An tous ensemble, loin de nos familles et de nos amis. Depuis, nous avons effectué 18 tests naso-pharyngés qui ne sont pas agréables à réaliser. Malheureusement, nous avons dû repousser les gens qui gravitent autour de nous, d’abord les autres collectifs rassemblés à la Maison du Handball, aussi nos familles et amis, les élus de la fédération, les entraîneurs, les agents, les journalistes et les consultants afin de ne pas créer d’interférences. Ce protocole strict et rigoureux nous permet de continuer à vivre dans cette bulle.

Mais c’est tout de même près de sept semaines de vie collective en vase-clos…
C’est un paramètre assez important car maintenir 33 adultes, dans une bulle sanitaire, pendant 5 à 6 semaines, cela reste très compliqué. Voici désormais un mois que nous sommes rassemblés et une semaine supplémentaire si nous atteignons le carré final, je retiens cette volonté de vivre ensemble, ce qui n’est pas toujours très facile. Le groupe s’impose beaucoup de contraintes et de grosses charges de travail, des moments d’anxiété et de stress, cela se fait plutôt avec le sourire et la bonne humeur, je suis encore surpris par la capacité des gens à vivre ensemble.
L’équipe de France de handball n’a jamais connu des très gros clashes, je crois que cela fait partie de sa culture et de son histoire : le bien vivre ensemble et ne pas faire éclater d’histoires personnelles qui prendraient le pas sur les valeurs collectives que dégage ce groupe.

Justement, comment se déroule la vie sous cette bulle à Gizeh ?
Ici, le climat et la qualité du lieu rendent le contexte agréable. L’hôtel est situé au pied des pyramides, dans une bulle où tous les gens sont testés quotidiennement. C’est une contrainte de plus qu’on nous impose et que nous faisons avec grâce, faute de pouvoir faire autrement. Tout cela nous offre un cadre de vie bien plus agréable que ce qu’ont connu les filles lorsqu’elles étaient confinées pendant l’Euro au Danemark.

Tous ces tests effectués devraient simplifier le retour de la délégation, non ?
Nous attendons les prochaines déclarations du président de la République ou du premier ministre. En fonction de la date de notre retour en France, nous aurons effectué jusqu’à 25 tests naso-pharyngés. Si nous sommes toujours négatifs mais que nous sommes contraints de nous soumettre à cet isolement de sept jours, alors on sera légalistes… Mais nous serions un peu amers.

Quelques problèmes intestinaux ont semble-t-il touché des équipes logées dans un autre hôtel…
Nous portons des masques lors de tous nos déplacements dans et en dehors de l’hôtel. Nous consommons uniquement de l’eau en bouteille et en dehors de quelques cas de turista de quelques membres de la délégation à notre arrivée en Égypte, depuis tout va bien.  J’espère que la situation dans les autres hôtels va s’améliorer si nous devons nous y installer.

Propos recueillis par Hubert Guériau