Nommée dans la catégorie « prix de l’engagement associatif » des Trophées Femix’Sport 2021 (Estelle Nze-Minko, Siraba Dembélé-Pavlovic et la FFHandball sont également en lice), Sophie Palisse est une actrice majeure dans le paysage du handball. Présidente du club de Saint-Amand handball Porte du Hainaut qui évolue en Ligue Butagaz Énergie, élue à la Ligue des Hauts-de-France, membre du Conseil d’Administration et de l’UCPHF, elle est également vice-présidente de la LFH.

Avant de devenir présidente, quel a été ton parcours dans le handball ?
J’ai débuté à l’âge de 13 ans et je me suis malheureusement blessée – une rupture des ligaments croisés au genou – à seulement 22 ans. J’ai repris plus tard la compétition mais à un niveau plus modeste. Je me suis alors orientée vers l’arbitrage où là aussi j’ai approché le niveau national. Ma binôme est devenue maman et je n’ai pas poursuivi sans elle. Je me suis dirigée vers l’entraînement et j’ai participé à l’ascension de l’équipe première féminine, du plus bas niveau départemental jusqu’à la Nationale 2. J’ai parallèlement suivi les formations dans le cadre de mon parcours d’entraîneure.

Comment s’est opérée la transition vers un rôle majeur à la tête du club, en tant que présidente ?
C’est en quelque sorte un concours de circonstances. Le club était confronté à des difficultés d’ordre financier et de gouvernance. J’ai été sollicitée par le Maire de Saint-Amand qui recherchait une personne de confiance incarnant aussi l’histoire du club. C’est ainsi que je suis devenue présidente en 2014. Le club se trouvait en Nationale 1 et au bord de la rupture. Le projet s’est ensuite mis en place avec la D2 puis le statut VAP avant l’accession à l’élite.

Tu es nommée pour le « prix de l’engagement associatif » des Trophées Femix’Sport 2021 mais n’est-ce pas un engagement très professionnel qui est salué ?
C’est en effet cela. Je pense sincèrement que l’aspect professionnel n’est pas lié à un contrat de travail, à la rémunération. Certains bénévoles sont aussi compétents, parfois plus investis et plus impliqués que certains salariés avec un degré d’expertise parfois supérieur. J’ai pu le constater et je crois que cela dépend beaucoup de l’animation du projet.

Comment as-tu accueilli cette nomination ?
Avec surprise car je ne m’y attendais pas. Puis on m’a expliqué le principe de ces trophées. Pour ma part, je ne vois pas de clivage avec mes homologues masculins qui ont le même investissement. En revanche, je veux bien porter cette nomination par rapport aux femmes qui sont minoritaires dans le monde associatif sportif, qui plus est dans le secteur professionnel. Il faut que les femmes prennent la place en s’investissant davantage. Il faut y consacrer du temps, se bagarrer, collaborer et s’engager. Il faut être prête à y aller car parfois on traverse des moments durs.

Tu mènes déjà plusieurs missions à responsabilité, as-tu des ambitions supérieures ?
Je n’ai pas d’autre ambition que la présidence de mon club. Ce qui m’anime, ce sont les projets, les voir avoir avancer et aboutir. Parfois des personnes me disent de lever un peu le pied. Chacun a son plafond de verre et je pense avoir assez de recul pour refuser quand cela ne rentre pas dans mon champ de compétences. Je ne souhaite pas m’assommer de fonctions : je ne suis pas une cumularde ! Je suis animée par la philosophie du bien collectif et je me suis bien entourée.

Tes collaboratrices au sein du club évoquent un management participatif. Peux-tu expliquer ta méthode ?
Inspirer les collaborateurs pour faire émerger les bonnes idées, c’est un peu mon fonds de commerce. De par ma profession de manager, j’ai testé plusieurs modes de management. Si parfois être directive est nécessaire dans des situations d’urgence, quand il s’agit de construire sur du moyen ou du long terme, je crois beaucoup au management participatif et situationnel. C’est important pour les collaborateurs, salariés, partenaires, élus, de se sentir reconnus. La force d’un projet, c’est de le mettre en mouvement dans un éco-système. Sinon, un projet peut mourir avant même d’être né.

Comment continuer à mener à bien des projets dans le contexte compliqué de la crise sanitaire ?
Les difficultés sont connues de tous et c’est une situation qui est posée d’emblée. Lorsqu’on me renvoie de l’essoufflement, on se le dit une fois et on avance, sinon on tourne en boucle. Il faut faire des contraintes des opportunités. Cette période, si elle est difficile, nous ouvre de nouvelles perspectives. Nous avons franchi des caps, notamment sur l’aspect digital en utilisant d’autres canaux de communication. Même si tout n’est pas parfait, on retire du positif de cette situation où chacun s’est réinventé.

Comment se réinventer lorsque le périmètre est contraint ?
Cela nous a permis de travailler des projets que nous n’avions pas eu l’opportunité de travailler. En raison du huis-clos, nous consacrons moins de temps à la préparation des matches. Cela nous donne de la latitude pour nous mettre en mode projet et développer de nouvelles compétences. Nous avons optimisé la visibilité pour nos partenaires. Tout ce qui a été développé s’ajoutera à ce qui était acquis, ce sera un plus. Alors oui, c’est parfois difficile et on ressent une formule de morosité mais il faut regarder vers l’avenir.

Concrètement, quelles sont les actions que vous avez pu mener ?
Nous travaillons sur trois axes : le sociétal, l’éco-responsabilité et la formation. Sur ce troisième axe, nous sommes extrêmement attentifs et impliqués sur la reconversion et l’accompagnement des joueuses. Cela se traduit par des actes quotidiens avec une équipe qui travaille sur les aspects pédagogiques dans la continuité du centre de formation
Nous avons mis en place une action innovante avec l’installation de ruches pour favoriser et participer à la biodiversité avec des ruches. Auprès des jeunes licenciés, de nos partenaires, ce type d’actions a de l’impact y compris auprès des élus attachés aux projets RSE. Cette production de miel pourra être vendue et des actions pourront y être rattachées.

Comment vis-tu la fin de la saison de l’équipe engagée dans les play-downs ?
Notre dernier résultat nous met dans le dur. Je ne suis pas totalement sereine mais je reste confiante car les joueuses ont les atouts et les cartes en mains. Globalement le club se porte bien et se trouve sur la bonne voie avec des joueuses qui font face et un staff solidaire. C’est plutôt confort de pouvoir s’appuyer sur des acteurs pleinement investis sur le projet.

Les deux tournois de handball, féminin et masculin, des J.O. de Paris 2024 se tiendront au Stade Pierre Mauroy de Villeneuve d’Ascq. Comment as-tu accueilli ce transfert entre Paris et la métropole lilloise ?
Cela a tété une très bonne nouvelle que nous avons accueillie avec plaisir. Les perspectives sont très intéressantes pour le club, pour le Territoire de la Porte du Hainaut. Cela devrait nous aider à mieux vendre le handball et à compter sur un afflux de licenciés. La région des Hauts-de-France et la Ligue sont à fond derrière ce projet. Franchement, je ne sais pas quoi répondre ou argumenter à des gens qui se posent encore la question de la présence du hand au stade Pierre Mauroy avec ses milliers de supporters.

Tu fais allusion aux grincheux qui regrettent de ne pas vivre les Jeux au village olympique ?
Notre Territoire est accueillant et ce n’est parce nous avons affaire à des gens simples qu’ils ne sont pas sujets à la réflexion. Ce n’est jamais plaisant d’entendre des remarques qui me paraissent déplacées par rapport aux enjeux. Cela ne renvoie pas une belle image et il ne faut jamais oublier l’impact que cela peut avoir sur les élus, au plus haut niveau. Réjouissons-nous, nous tous handballeuses et handballeurs, de cette opportunité pour en faire une grande réussite. On prend ce dossier à bras-le-corps et au regard de l’implication des instances régionales et de la Ligue, ça va matcher ! Nous aurons des marges de manœuvre pour la promotion du handball, dans le respect du cahier des charges.

Propos recueillis par Hubert Guériau