Conséquence de la mise en disponibilité de Philippe Bana qui va se consacrer à la campagne électorale à partir du 1er octobre, Joël Delplanque a souhaité que Thierry Gaillard assure l’intérim de Directeur Technique National. Il est l’invité de l’entretien du lundi.

Comment as-tu accueilli la sollicitation de Joël Delplanque ?
Je ne peux pas traduire autre chose qu’un vrai sentiment de surprise. Je suis, à dire vrai, un peu tombé de l’armoire ! Je ne m’étais pas vraiment préparé à cette situation. Mais bien sûr une telle proposition paraissait difficile à refuser car, pour moi, elle traduisait un motif de fierté autant qu’une marque de confiance difficile à décevoir au sein d’une fédération à qui je dois tant. Alors si j’ai demandé à Joël Delplanque, un délai de réflexion le temps d’un week-end, j’en connaissais, sans doute, inconsciemment déjà l’issue. Cela dit, conscient que bon nombre de collègues de la DTN auraient pu être tout aussi légitimes pour endosser cette fonction, j’avais besoin, au préalable, de recueillir leur avis, leur adhésion avant de prendre une décision. Après bien sûr une fois que tu as dit oui, c’est le poids de la responsabilité qui t’envahit et très vite tu te mets au boulot…

Était-ce une fonction que tu avais imaginé occuper un jour ?
Bien sûr que non et cela me renvoie à mon parcours. En 1979, j’étais infirmier en milieu hospitalier mais j’avais, depuis longtemps, une passion forte avec le handball dans lequel j’étais déjà très investi. J’ai endossé plusieurs fonctions : joueur, arbitre, président de club à 18 ans, élu à la Ligue. Et tout cela sous l’œil de mon mentor, Michel Barbot. Car Mimi a jalonné ma carrière, à la Ligue du Centre, puis à la Direction Technique Nationale. C’est lui qui m’a sollicité lorsque j’étais encore infirmier et que je visais une reconversion. Grâce au congé formation, j’ai obtenu mon BE2 en 1997, en alternance au sein de la Ligue. À l’issue du BE2, j’avais les prérequis pour passer le concours de professeur de sport que j’ai eu du premier coup. J’ai eu le privilège de choisir un poste à la direction départementale Jeunesse et Sports du Cher. Cela m’a permis d’être aussi détaché sur la Ligue du Centre. Et lorsqu’un certain Laurent Bezeau a mis fin à sa mission de CTS en région Centre. Mimi m’a alors sollicité pour prendre la suite.

Comment s’est opérée ton arrivée à la Direction Technique Nationale ?
Cette fois-là, ce n’était pas un coup de fil mais un sms de Philippe Bana pendant la période des fêtes de Noël. Un message laconique : « Je compte sur toi », mais je comprends tout de suite que c’est une sollicitation pour intégrer la DTN, en 2012. Débuter CTS et aujourd’hui me projeter sur ce poste de DTN, à deux ans de la retraite, et même s’il s’agit d’un intérim, c’est pour moi une reconnaissance. Je n’ai pas la prétention de prendre le costume de Philippe, derrière quelqu’un qui a tracé une route et balisé le handball. Car derrière, tu prends le poids de la responsabilité sur les épaules.

Comment va s’articuler la passation, si ce n’est de pouvoir, de dossiers ?
Depuis deux semaines, nous avons beaucoup échangé avec Philippe, sur l’ensemble des dossiers : la crise sanitaire, l’international, la difficulté à faire en sorte que nos équipes de France continuent à s’entraîner et à jouer. Aussi, tout ce qui relève des dossiers à l’interne qui doivent se poursuivre. Car la mission principale c’est bien la continuité de l’activité dans cette période qui doit nous mener jusqu’à la nomination d’un nouvel exécutif.

Trois missions principales te sont confiées. La première : comment gérer la crise sanitaire et le dispositif d’accompagnement de tous les clubs ?
La priorité est de jouer, jouer, jouer ! Il faut sans cesse surfer entre les protocoles qui changent très régulièrement. La grande priorité est de redonner de la confiance, de faire revenir les adhérents et d’aider les clubs. Pour ce faire, nous avons, entre autres, mis en place un réseau référents Covid-19 dans les Ligues et les Comités qui marche du feu de dieu avec qui nous sommes en contact permanent pour répondre aux questions, conseiller, accompagner mais aussi sur lequel s’appuyer pour appréhender la réalité des situations locales.

La seconde : accompagner le dispositif d’honorabilité des cadres techniques, des éducateurs et des entraîneurs. Quel est le process ?
Le 20 octobre prochain, nous lancerons le plan de lutte contre les violences dans le handball. La FFHandball actera des partenariats avec les associations « Colosse aux pieds d’argile » pour les violences à caractère sexuel, bizutage, harcèlement et « France victimes » pour prévenir et traiter toutes les autres formes de violence : discrimination, racisme, homophobie, incivilités…. La FFHandball va se doter d’un arsenal qui doit lui permettre de se regarder objectivement et de pouvoir agir. Ce plan comporte plusieurs volets dont l’honorabilité : faire en sorte, au côté de l’État, que l’on puisse se doter d’outils qui nous permettent de vérifier l’honorabilité de l’ensemble des acteurs qui évoluent, de près ou de loin, à proximité des enfants et des jeunes.

Concrètement comment va s’opérer ce contrôle ?
Le dispositif contient deux volets : tout d’abord la FFHandball s’est portée candidate pour expérimenter le contrôle automatique d’honorabilité qu’a souhaité mettre en place la ministre des sports vis-à-vis des encadrants sportifs. En deuxième lieu, nous, fédération, pensons qu’il faut élargir ce contrôle aux staffs médicaux, aux arbitres, aux bénévoles et aux stagiaires. Dans l’architecture des formations, nous avons créé un certificat pour développer le vivre ensemble et la citoyenneté, avec un module spécifique sur la prévention et les conduites à tenir devant de toutes formes de violence.
Avec l’association « Colosse aux pieds d’argile », nous irons dans les Territoires pour des sessions d’information et de témoignages qui doivent permettre une libération de la parole. La fédération dispose aussi d’une cellule de crise spécifique pour traiter les situations qui lui remontent et bientôt d’un numéro unique, spécifique à la FFHandball, qui permettra aux victimes de parler, d’être entendu par des écoutant formés et bienveillants mais aussi de bénéficier, si besoin, d’une prise en charge par un réseau de professionnels de recueillir les témoignages et d’agir. Une grande campagne de communication, avec des outils pédagogiques, sera lancée le 20 octobre.

Enfin la troisième : veiller, en tant que chef de service, à la neutralité des cadres techniques dans cette période de campagne électorale. Cela passera par une note interne ?
Même si cela coule de source, il faut en effet le rappeler aux collègues. Les agents de l’État sont dépositaires de la mission de service public confiée pat l’État aux fédérations et notre rôle c’est bien de garantir cette neutralité et assurer la continuité de service dans cette période un peu particulière, sans doute agitée, avec trois listes candidates annoncées dont l’une sera conduite par, bientôt, l’ex DTN. Cela invite au devoir de réserve essentiel pour préserver la crédibilité de l’action et l’intégrité de chacun.

Jusqu’à présent tu étais notamment missionné sur le développement de l’application MyCoach by FFHandball. Pourras-tu continuer à t’impliquer sur ce dossier chronophage ?
C’est en effet l’un des chantiers qui nous occupe beaucoup. L’objectif ne changera pas, à savoir assurer la poursuite du plan de digitalisation fédéral. L’application classique pour les clubs et leurs coaches ainsi que MyCoach Pro pour le suivi des élites ont été livrés et même si quelques difficultés techniques sont en cours de résolution sur la synchronisation des licences, le produit sera un formidable accélérateur de modernité. Ensuite nous livrerons l’application mobile à destination des joueurs, les outils d’administration pour les Ligues et les Comités ainsi que l’application mobile pour les coaches le tout d’ici la fin de l’année. Enfin nous imaginons déjà pour 2021 une application à destination du grand public, avec l’enjeu fort d’élargir la communauté handball au-delà des licenciés pour animer, séduire et offrir du service et de l’information.

Et les autres missions auxquelles tu es attaché : notamment le développement des handballs ?
Bien sûr il faut poursuivre le développement des handballs qui démontrent toute leur importance pendant la période que nous traversons. À la fois comme pratiques alternatives et potentielles pour attirer de nouveaux publics, pratiquer hors des gymnases qui s’ouvrent et se ferment au gré des protocoles sanitaires. Il y a aussi, le chantier stratégique de la formation au sein de l’IFFE, désormais dotée depuis cet été d’un Centre de Formation des Apprentis. Bref les dossiers ne manquent pas et si tu te permets de faire du surplace…. tu recules !

Le 1er octobre, premier jour de ta prise de fonction, l’équipe de France féminine affrontera le Monténégro. Comptes-tu te rendre au Danemark ? Vas-tu adresser un message aux joueuses et au staff ?
Elles sont arrivées hier (dimanche) à la Maison du Handball dans l’optique de la 1e étape de la Golden League qui se tiendra cette semaine au Danemark. Les athlètes et le staff vont se retrouver après une longue rupture pour préparer au mieux cette première échéance internationale, dans un environnement sécurisé. C’est évidemment un grand plaisir que de revoir l’équipe de France féminine. C’est important de revenir à la compétition et d’aller au Danemark qui présage de l’Euro féminin 2020 qui aura lieu en décembre. Cette semaine également, la Maison du Handball accueille l’ensemble des sélections féminines puisque les U18 et les U20F effectuent également un stage.

Comment te projettes-tu pour la suite ?
Pour l’instant, je me projette seulement à court terme. Cependant, j’assume et j’assumerai l’intérim le temps qu’il faudra. Après l’élection, il y aura un appel à candidatures puis la proposition au ministère des sports d’un candidat choisi par le nouveau président. À 63 ans, je n’ai pas d’ambition de ce côté-là et je n’envisage pas de poursuivre ma vie professionnelle au-delà de 2022.

Propos recueillis par HGu