Blessée au genou gauche le 24 septembre contre Plan-de-Cuques, Méline Nocandy, la demi-centre de Paris 92 a été opérée et laisse un grand vide dans cette équipe de France. Sa bonne humeur, sa bienveillance, sa générosité, sa sensibilité manqueront autant que son goût naturel pour l’attaque de balle ou sa faculté à traverser les lignes adverses. Mais elle ne sera pas si absente que ça…

Quelles sont les nouvelles, un gros mois après ta blessure ?
Je suis déjà en avance ! J’ai été opérée le 17 octobre. J’ai une très belle cicatrice, ça me rassure, je suis très contente, le chirurgien a fait du bon travail. Avec seulement trois semaines de kiné, le résultat est spectaculaire. Je plie déjà 90° et je tends à 0°. Attention, je n’ai pas totalement récupéré, je marche encore avec une béquille, mais je n’ai pas de douleur, seulement 3/10° au maximum.

On sait ton caractère, ton sens de la compétition, mais on ne t’imaginait pas, déjà, avec ce moral-là, surtout avec l’imminence de l’Euro…
Je suis chouchoutée, mes parents sont arrivés, ils resteront avec moi jusqu’en décembre. Je mange comme chez moi, je suis entourée, par ma famille, mes amis. Et puis je ne suis pas du genre à nourrir une quelconque frustration. Cette blessure fait partie de mon histoire. Rien ne se fait par hasard et tout ça n’est pas arrivé pour rien. Cette période va m’apprendre beaucoup de choses sur moi. Chez le kiné, j’ai vu des patients sans jambes ou sans bras et tu relativises assez naturellement ce qui t’arrives.

Relativiser est aussi l’une de vos forces ?
Au début, je me disais : soit je nie totalement ce qui m’arrive, ça ne va pas éclater sur moi, soit j’assume. Je préfère assumer. Pour être honnête, je n’ai pas eu de bad mood. J’étais bien sûr déçue parce que la saison venait à peine de commencer. Mais avec tout ce qui se passe dans le monde, je me dis : ça va quoi, je suis qui pour me plaindre. C’est ma première grosse blessure. Je me suis beaucoup informée. Dès que je me suis fait ça, je me suis dit : c’est fini, je passe à autre chose, j’ai tout de suite accepté la parenthèse. Peut-être qu’après deux mois à faire la même chose chez le kiné, je penserai différemment, mais pour l’instant, tout va bien, sans doute parce que je suis dans un entourage incroyable et bienveillant.

Comment vas-tu suivre cet Euro ?
Par tous les moyens. À la télé, bien sûr, et ça va être cool. Astride (N’gouan), Jannela (Blonbou) ou Laura (Kanor) viendront parfois me tenir compagnie. On va beaucoup rigoler. Je me connais, je suis capable de stresser aussi. J’aurai froid alors qu’il fait 27° dans l’appartement, et je suis capable d’éteindre la télé si ça se passe mal. Comme si c’était à cause de moi, simplement parce que je regarde…

Tes copines, tes coéquipières, celles de l’équipe de France notamment constituent-elles un soutien essentiel ?
J’échange beaucoup avec elles, avec le médecin aussi. J’envoie des messages, on s’appelle en visio. Si je pense à quelque chose qui me semble essentiel et que je trouve nécessaire de le partager, alors je n’hésiterai pas à le faire. Ce sont d’abord mes amies.

Méline Nocandy s’extirpe de la défense danoise, en demi-finale du Mondial IHF 2021. (Photo FFHandball / Iconsport).

Avec ton extrême détermination, on imagine que tu t’es déjà projetée sur la suite ?
Les médecins m’ont dit qu’il faut prendre le temps. Ils aimeraient que je revienne pour la préparation de la saison prochaine. Je trouve ça super loin. Je reprendrai quand mon corps me dira : OK, tu peux y aller. J’ai appris à écouter mon corps. Mon objectif, clairement, c’est de reprendre avec Paris dès que possible, et de retrouver l’équipe de France pour la préparation aux Jeux Olympiques.

On dit parfois qu’une telle blessure rend plus fort. Qu’elle permet de se régénérer. Penses-tu revenir plus forte encore ?
De 0 à 24 ans, mon corps m’a laissée tranquille. Puis il a saturé. Peut-être était-il un peu fatigué. Je vais le consolider pour être meilleure. Mieux me préparer. à l’échauffement, en muscu. Je suis un peu frêle. Dans ma tête, j’ai envie de peser 100 kg et de mesurer 2 m !  

Olivier Krumbholz dit que tu es irremplaçable. Quel message souhaite-t-il faire passer selon toi ?
J’ai du mal avec ça. Je pense au contraire que chacun est remplaçable. Je m’entends bien avec tout le monde, je fais des trucs bizarres sur un terrain, je ne parle pas beaucoup, mais si je parle, c’est qu’il y a une bonne raison, et c’est peut-être ces traits de caractère qu’il a souhaité souligner.

Pour finir avec cet Euro, le chemin vers les demi-finales semble accessible. Penses-tu que les filles soient en mesure de disputer une quatrième finale d’affilée ?
Un Championnat d’Europe, c’est dur. Je sais que dans leurs têtes, elles vont aborder chaque match comme un véritable combat, une finale. Elles sont super pro et carrées, je sais qu’elles savent que ça va être compliqué mais qu’il y a la place.

As-tu, pour finir, un message à leur transmettre ?
Je leur envoie toute la force que je peux. Il y a dans cette équipe des mamans, des filles qui ne sont pas rentrées chez elles depuis un moment. Ce sont des guerrières. Moi, je ne suis qu’un simple petit soldat qui marche sur une jambe, mais qui va leur transmettre toute son énergie.

Propos recueillis par Philippe Pailhoriès