Seconde invitée de la nouvelle rubrique « Le fil d’Ariane », Alexandra Lacrabère se confie à son tour sur les liens forts qui l’unissent à son mentor. Alex a choisi de raconter la relation historique qui la lie à Éric Baradat qui témoigne aussi.

La rencontre à Gan
Éric Baradat, jeune CTF du comité des Pyrénées Atlantiques, est en route pour le club de Gan afin d’animer une séance. À son arrivée, une gamine de 11 ans lance le ballon contre un mur : Alexandra Lacrabère demande aussitôt à Éric de se mettre dans les cages. La discussion s’engage. « C’était cocasse car Alexandra me dit : « aujourd’hui ce n’est pas notre entraîneur mais un sélectionneur qui nous entraînera ». Et elle me précise qu’elle n’aime pas le principe de la sélection, se souvient Éric Baradat. Il ne m’a pas fallu bien longtemps pour voir ses qualités : une gauchère, avec de la motricité et des qualités physiques. » Le début d’une longue histoire car les deux Béarnais ne vont plus se quitter. « De ses 11 jusqu’à ses 17 ans, nous avons travaillé presque quotidiennement ensemble au centre de perfectionnement du comité. Je suis ensuite devenu CTS et au moment où j’ai été nommé responsable du pôle de Talence, elle y a fait son entrée. » Les premiers souvenirs d’Alexandra remontent à Talence. « J’avais 14 ans et j’étais excitée à l’idée de rejoindre l’internat, pas du tout craintive à l’idée de quitter mes parents. Je me souviens des filles plus grandes qui avaient peur d’Éric. Quand il y avait un truc à lui demander, elles me disaient : « vas-y toi, tu n’as pas peur de lui. » Et c’est vrai qu’il ne m’a jamais impressionné. » Car selon Alex, Éric Baradat en impose. « Il impressionne avec sa grosse voix, son look et surtout son charisme. »

L’amour du jeu
« Lorsque j’étais adjoint d’Olivier Krumbholz, je me souviens lui avoir dit : je crois que j’ai la future arrière droite de l’équipe de France dans mon pôle. Elle était identifiée mais Alex est pourtant passée à côté du cursus des sélections de jeunes… Un message intéressant pour celles qui n’ont pas la chance d’être prise »,
sourit celui qui est aujourd’hui le responsable du PPF féminin. « Je pense qu’il a vu juste dans mes qualités. Il m’a beaucoup fait travailler et il a été dur parfois avec moi, estime Alexandra. Je me souviens bien des conseils répétés : le bras en haut, la jambe gauche devant, l’équilibre dans le saut pour toujours garder ma vision et une bonne orientation en l’air pour faire de bonnes passes fluides. Il fallait que ce soit l’image d’une liane : épaule, coude, bras poignet… » Et Éric Baradat de ne pas éluder : « Je sais qu’elle m’a parfois trouvé dur et exigeant. C’est certainement parce que j’avais conscience d’avoir entre les mains un potentiel important. Ce qui l’a toujours poussé, c’est l’amour du jeu. Elle l’a démontré tout au long de sa carrière. Notre lien ? c’est l’amour du jeu. » Un lien indéfectible qui fait dire à Alexandra : « Éric est un père spirituel. Depuis que j’étais loin de chez mes parents et c’est resté. Je peux me confier à lui, il n’y a pas de jugement sur la femme ou la joueuse. Nous avons évolué ensemble. » La relation s’est patinée de sagesse et de maturité mais la pudeur demeure. Lorsqu’Alexandra est devenue championne du monde en 2017, forcément Éric Baradat a vibré. « Je mentirai en disant que je ne ressens pas une vibration particulière à la voir évoluer. Par exemple lorsqu’elle va chercher ce dernier but, hors secteur, en finale du Mondial 2017. Je repense à toutes les séances réalisées dans sa prime jeunesse, sur des choses précises, que je vois bonifiées et réalisées au plus haut niveau. » Alexandra réagit au témoignage de son mentor : « Je ne suis pas consciente de la fierté, il ne le montre pas. Et de poursuivre, émue : J’aurais aimé vivre le titre Mondial avec lui. »

Alexandra Lacrabère et Éric Baradat réunis à la Maison du Handball. (Photo FFHandball / J.Schlosser).

Trois olympiades ensemble.
« Nous avons eu l’occasion de faire trois fois les J.O. ensemble. Venus de notre fin fond du Béarn, c’est un lien fort entre nous »,
estime Éric Baradat. Des premiers Jeux olympiques à Pékin où Alex, à seulement 20 ans, navigue entre les jeunes et les anciennes de l’équipe, sans conflit mais sans trouver sa place, jusqu’à l’accomplissement à Rio où elle décroche la médaille d’argent non sans avoir été brutalisée par les Russes en finale. « 2016, c’est le tournant de ma carrière, au moins dans les yeux d’Olivier. Cela faisait longtemps que j’avais confiance en moi mais sur cette compétition, j’ai explosé et il y a eu une progressivité. J’ai aussi pris conscience de mon niveau international et j’ai arrêté de mettre les autres joueuses sur un piédestal. » Un changement de paradigme fructifié lors du Mondial 2017 et de l’Euro 2018 conclus par deux médailles d’or. Éric Baradat n’est pas seulement le confident, il contribue aussi à la deuxième carrière d’Alex avec « l’accompagnement dans sa reconversion, dont je suis extrêmement fier. Elle et moi connaissons le début du parcours. Elle n’est pas très loin de poser une plaque de psychomotricienne. De petite fille, elle est aussi devenue une femme épanouie. » Et Alexandra d’évoquer un pari passé entre les deux Éric (Baradat et Mastrotto), ses entraîneurs, le jour où elle aura son diplôme, en 2022. « Je ne peux pas dévoiler la nature du pari mais Éric sera mon premier patient. »

HGu