Première invitée de la nouvelle rubrique « Le fil d’Ariane », Béatrice Edwige inaugure cette série où l’athlète se confie sur les liens forts qui l’unissent à son mentor. Celle qui fêtera le 3 octobre prochain ses 32 ans, a choisi de raconter la relation intense entretenue avec sa maman.

Évoquer son mentor, c’est forcément dévoiler un pan de son intimité. Pourtant Béatrice Edwige ne manque pas de pudeur. Au contraire même, la Guyanaise en impose et elle explique d’emblée pourquoi elle a accepté de se raconter au travers de sa mère, Patricia. « Je trouve l’approche très intéressante car lorsqu’on parle de mentor, c’est d’habitude à un entraîneur que l’on pense. Au bout du compte, avant d’être mon mentor dans le hand, ma mère est vraiment un mentor de vie. » Et la Guyanaise d’ajouter : « J’ai l’impression que depuis que je suis jeune, ma mère m’a inculqué des valeurs qui m’ont donné un super cadre pour que je puisse avancer de manière sereine dans ma vie. » Les proportions du cadre n’ont pas contrarié les désirs de la fillette Béatrice. « Lors de repas de famille, je disais que je voulais faire du sport de haut niveau. Ma tante rétorquait qu’on ne pouvait pas faire ça, que l’on ne vivait pas du sport. Ma mère n’a jamais été négative. Elle souhaitait simplement que je concilie cette ambition avec les études. Je l’en remercie beaucoup, car sans son soutien, je n’en serais sûrement pas arrivée là aujourd’hui. »

Une filière féminine
La championne du monde 2017 et d‘Europe 2018 ne tarit pas d’éloges sur sa maman assistante sociale dans le collège Ma Aiyé d’Apatou, en Guyane. « Avec ma sœur aînée, nous avons eu une très belle enfance qui nous permet aujourd’hui d’être bien dans nos têtes et dans nos vies. Nous n’avons manqué de rien et je tire un coup de chapeau à toutes ces mères célibataires. Elle a repris ses études à ma naissance, elle a tenu le rôle de mère et de père, et elle a toujours travaillé. Il y a un beau-père depuis très longtemps et mon père a lui aussi été présent mais j’admire le parcours de nôtre mère qui a été parfaite. » Nul besoin de chercher très loin la force de caractère de Béatrice, sur le terrain, et en mère-fouettarde au sein des Bleues où elle fait respecter les règles de vie. « Oui, il y a des points communs. Ce caractère, je l’ai pris de ma mère qui, elle-même, l’a hérité de sa mère. Des femmes fortes qui expriment leurs opinions. Ma grand-mère nous a toujours appris à ne pas avoir peur de nos positions. Si quelque chose te tient à cœur, il faut te battre pour défendre ton point de vue. C’est ancré en nous. »

Béatrice Edwige et sa maman, Patricia. (Photo DR).

Toujours connectées
Le décalage horaire n’est manifestement pas une contrainte. « Ma mère fait entièrement partie de ma vie. Et malgré la distance, nous échangeons presque tous les jours. La relation est fusionnelle : je partage tout avec ma mère et c’est en cela qu’elle est mon mentor de vie. » Dès qu’il s’agit de handball, la relation prend parfois un autre relief. « C’est vrai qu’elle n’est pas toujours objective pour juger mes performances d’autant qu’elle n’a pas forcément la compétence. En revanche, elle est objective sur mon comportement. Elle trouvera toujours un point positif dans une mauvaise prestation. Lorsque je ne vais pas bien, elle n’est pas une personne qui va me pousser encore plus bas avec des mauvaises critiques. Au contraire, elle me tempère et au bout du compte, elle a souvent raison. » Et même après 15000 kilomètres pour rallier la Guyane au Japon et suivre l’équipe de France au Mondial 2019 au Japon. L’association Béatrice Seynabou Edwige (BSE) avait permis d’emmener huit jeunes filles du collège de la commune d’Apatou, au terme d’un projet au long cours. Sauf qu’à l’arrivée à Tokyo, les Bleues abandonnaient leur titre mondial dès le premier tour. « Elles venaient suivre le second tour. Leur arrivée a rendu la défaite encore plus amère. » Tombées du piédestal où depuis 2016 les Bleues enchaînaient les podiums, Béatrice a, comme toutes ses partenaires, accusé le coup. « Forcément ce n’était pas un moment simple pour moi et ma mère a pris sur elle car elle a bien vu que j’étais triste. Elle a rempli son rôle de maman et au bout du compte sans sa venue, j’aurais été seule. Les activités hors handball que nous avons effectuées à Tokyo, m’ont vidé la tête. » Depuis, la crise sanitaire de la Covid-19 n’a pas ralenti le rythme des communication entre la Hongrie et la Guyane. « Au contraire, sourit Béatrice. Disons que nous sommes toutes les deux un peu paranos au regard de la pandémie et nous avions besoin d’en parler ensemble. » Histoire sans doute de ne jamais perdre le fil…

HGu