Troisième invitée de la rubrique « Le fil d’Ariane », Laura Flippes se confie à son tour sur les liens forts qui l’unissent à son mentor. L’Alsacienne a choisi d’évoquer son actuel entraîneur au Paris 92, Yacine Messaoudi.

Plusieurs fois « non »
Les aller-retours de Yacine Messaoudi entre Metz et Strasbourg n’auront pas été vains. « Je ne me souviens pas de ses venues au pôle », sourit pourtant Laura Flippes qui quittera le giron familial, seulement une fois le bac en poche, à l’orée de ses 19 ans. « La première fois que je l’ai vue jouer, elle ressortait du lot, se souvient celui qui était, jusqu’en 2019, le responsable du Centre de Formation de Metz HB. Récupérer les meilleurs potentiels, avec une identité territoriale, faisait partie des objectifs. De plus, nous avions un déficit de gauchères et Laura est apparue comme une évidence. »

Une histoire de mentors
« Laura semblait timide. Il fallait gagner sa confiance et celle de la famille, très impliquée. Elle s’amusait en pratiquant l’activité et elle ne s’était pas encore interrogée sur son métier »,
rapporte Yacine Messaoudi. « Je savais qu’il contactait mes parents et je leur faisais dire non. À ce moment-là, le handball, c’était cool et je ne me projetais pas au-delà, souligne Laura. En plus, je dois dire que Metz HB jouait en jupe et que cela me bloquait beaucoup. » La persévérance du formateur finira par payer auprès de la future championne du monde et de ses parents. Yacine Messaoudi disserte sur les liens qu’il a fallu tisser pour attirer une « pépite » dans le giron de Metz HB.  « C’était la première fois dans mon activité que j’étais confronté à des questions précises. Daniel, son papa, m’interrogeait sur la façon dont je comptais l’utiliser. J’avais eu l’impression de passer un entretien d’embauche. Daniel avait joué à Strasbourg avec Philippe Blin, mon mentor. J’ai appris ainsi qu’il avait ainsi pu se renseigner auprès de Philippe qui est mon meilleur ami. »

Metz, terre de championnes
« Dès lors où j’ai dit oui, je me souviens bien de mon arrivée à Metz. »
Et alors ? « Bah c’était super quoi ! » Deux joueuses arrivaient aussi de Strasbourg, des Messines étaient ses partenaires en équipe de France U18-U20F, ainsi Laura n’était pas été totalement dépaysée dans le meilleur club de l’hexagone. « Je n’étais pas tout à fait en terrain inconnu. Je pouvais rentrer régulièrement chez moi ou mes parents venaient aussi. Ensuite, c’est allé très vite avec mon intégration de l’équipe professionnelle, tout en continuant à travailler avec Yacine. » Car la collaboration entre l’entraîneur et l’entraînée a tout de suite fonctionné. « Son passage au centre de formation lui a permis de devenir consciemment compétente, souligne Yacine Messaoudi. Un travail de formation complexe et individualisé demande beaucoup d’échanges dans une relation de proximité à l’intérieur des séances. Avec Laura, c’était un régal, elle mettait de l’engagement, ne trichait pas. J’ai pris beaucoup de plaisir et surtout lors des moments pour la convaincre, car elle effectuait tout de suite le transfert dans l’activité, c’est plaisant pour un entraineur de voir la bascule de la théorie à la pratique. » Des qualités de pédagogue relayées par Laura : « ce que j’aime, chez Yacine, c’est sa plus grande qualité, il apprend vraiment à connaître les caractères des filles et il sait ainsi comment réagir et tirer le meilleur de chacune. »

Yacine Messaoudi et Laura Flippes réunis sous la bannière de Paris 92. (Photo DR).

Le tournant de 2016
Laura participe à la préparation des Jeux olympiques de Rio 2016 mais ne passe pas le cut final. « Mon passage dans le monde professionnel a changé notre relation car Yacine ne m’entraînait plus mais j’étais demandeuse de spécifiques avec lui. Surtout, après la déception de ne pas aller aux JO, je suis rentrée le jour même je lui ai dit : « je ne fais pas les J.O. mais promets-moi de me pousser pour faire les prochaines compétitions. » J’avais une carte à jouer à l’aile en équipe de France et avec Alexandre Bailly, ils m’ont beaucoup fait travailler. » Un travail payant puisque la Strasbourgeoise n’est plus ressortie ensuite de l’équipe d’Olivier Krumbholz avec trois médailles d’affilée : bronze à l’Euro 2016, titre mondial (2017) et européen (2018). « J’ai des convictions. Avec Laura, c’était une forme d’évidence qu’elle avait ce que j’appelle, la polycompétence. Elle peut alterner entre l’arrière, l’aile et même demi-centre. Surtout, avec ses qualités du train inférieur, c’était inconcevable qu’elle ne défende pas du tout », assène Yacine Messaoudi. « Il m’a beaucoup protégé puis après 18 mois environ, il a commencé à me rentrer dedans en appuyant là où ça fait mail, pour que je réagisse. Pour l’égo, je voulais lui prouver de quoi j’étais capable. C’est devenu un jeu entre nous avant que s’installe durablement une relation de confiance. Car Yacine est la personne qui a toujours cru en moi et encore aujourd’hui. Je lui dois tout ou presque, formule Laura. Je lui ai dédicacé le titre mondial car c’est grâce à lui que je suis arrivée là, afin qu’il comprenne tout ce qu’il m’avait apporté. Je suis consciente qu’il peut être fier mais il ne me le dira jamais, il n’assumera pas devant moi qu’il fait partie de ma réussite. C’est Yacine ! » Et le coach de tout de même lâcher : « ce sont à chaque fois des joies très fortes de voir le parcours de Laura, Grace Zaadi, Laura Glauser ou encore Orlane Kanor. J’accueille leur réussite avec fierté et bonheur, cela donne des ancrages. Et de conclure sur sa protégée qui l’a rejoint à Paris à l’intersaison. Avec Laura, nous avons toujours gardé du lien. J’apprécie sa capacité de résilience et à ne pas ruminer. Elle n’est pas encore arrivée au sommet car elle a encore des paliers à franchir. »

HGu