Septième invité de la rubrique « Le fil d’Ariane », Nedim Remili évoque les liens forts qui l’unissent à son mentor : son père, Kamel, qui raconte de multiples anecdotes sur l’arrière droit de l’équipe de France.

Dans l’intimité de l’ascenseur
« Les garçons terminaient tard leur entraînement et lorsque nous rentrions, autour de 21h, je leur faisais la leçon dans l’ascenseur. Je leur disais : écoutez-moi bien, je ne veux plus vous entendre maintenant. Vous mangez et vous irez vous coucher. Sinon je serais devenu fou avec Meyane et Nedim qui m’ont repeint la maison », rit Kamel chargé de gérer le quotidien dans le foyer Remili. « Mon épouse, Patricia, a plus de caractère que nous. Alors quand elle a quelque chose à dire, on l’écoute et si besoin, elle sait taper du poing sur la table. Et c’est toujours cash. » Avant de faire l’éloge de son père, Nedim coupe : « Ma mère ? Je n’ai pas de mots pour décrire notre relation. Elle apporte de la douceur dans la famille avec un autre regard et une fonction de médiatrice. Elle a beaucoup de tempérament et elle très dure mais mon père l’est encore plus ! Elle sait si je doute ou pas, en un seul regard. » Le décor est posé. Si Kamel est incontestablement le mentor sportif de Nedim, son frère Meyane et sa mère Patricia font partie intégrante de ce quatuor très soudé. « Mon père et ma mère m’ont appris à faire face à la vie. Mon père a fait de moi un humain à part entière pour le civisme, le respect et les valeurs, apprécie Nedim. J’aurais apprécié de voir mon père jouer mais j’ai seulement vu des images. J’aime l’intensité et la hargne qu’il mettait. Il est un modèle et un exemple pour moi. » Chacun a trouvé son rôle dans la famille. « Mon grand-frère, je l’idolâtrais lorsque j’étais gamin. Nous avons seulement 18 mois d’écart et nous avons fait beaucoup de choses ensemble. Il est mon frère et mon meilleur ami, glisse, non sans émotion, Nedim. Si je ne vais pas bien, je l’appelle tout de suite, et où qu’il soit, il viendra à mes côtés si c’est nécessaire. Il est plus démonstratif que moi. Aujourd’hui j’ai autant de fierté à jouer que de le voir s’épanouir dans sa vie de famille avec ses deux enfants. Pour ma part, c’est quelque chose que je rêve aussi d’avoir un jour. Il est une espèce de pilier pour moi. Il me connait par cœur, il y a parfois de la friction car c’est de l’amour passionnel entre nous. »

Nedim et sa maman Patricia. (Photo DR).

L’œil de Stéphane Cordinier
Ancien arrière gauche et solide défenseur de l’US Créteil, champion de France et double vainqueur de la coupe de France, Kamel a aussi disputé la première finale européenne d’un club français, en 1989. Directeur général de l’US Créteil depuis 2003, il a donc veillé à la formation du fiston. « Mon père a toujours bien géré la relation avec moi, il ne s’est jamais intercalé entre les entraîneurs et son fils. » Une distance qui a pourtant bien failli mettre en péril la carrière du champion du monde 2017. « Il devait effectuer son premier entraînement de hand et je suis arrivé en retard, tout à la fin de l’entrainement. Nedim était resté avec son sac en tribune à attendre que l’entraîneur lui demande de participer. Quand je suis arrivé, Nedim m’a dit : plus jamais je ne viendrai au hand. » Après le taekwondo, la natation et le football dans les pas du grand-frère (qui jouera en national à Romorantin), Nedim est finalement revenu au handball. « Gaucher et assez grand, Nedim a été rapidement surclassé. Mais à ce moment-là, l’objectif était de participer et de jouer, il n’y avait pas de notion de haut niveau. Avec Stéphane Cordinier, nous avions assisté à un match à Vitry-sur-Seine et Stéphane m’avait dit : « Il a des qualités ». Au fond, Kamel le savait aussi mais « je me refusais à lui dire. Il faisait gagner l’équipe et quand ça allait mal, il était le fils du directeur. C’était parfois difficile pour Nedim car chacun pensait qu’il était privilégié, alors que pas du tout. » Le père ne manquera pas un match de son fils cadet et encore aujourd’hui, il suit toutes ses prestations. « Il a toujours besoin de cette présence, ça le rassure. Avant chaque match à domicile, on déjeune ensemble. » Nedim confirme ce rendez-vous précieux intégré dans sa routine d’avant match. « Le rapport est toujours fort et en effet papa regarde tous mes matches. Papa est toujours à l’écoute de tout. Depuis peu, nous parlons d’égal à égal car je me suis enrichi des idées et des principes de mes différents entraîneurs. Nous avons un rapport fusionnel avec une passion qui nous rassemble. Il livre toujours un avis intéressant sur le pourquoi du comment. Cela m’aide à avoir une meilleure analyse. Il est très objectif et très rigoureux sur sa manière de juger mes performances, il n’est pas là pour me passer de la crème, pas là pour m’adouber. Et si mon comportement lui déplait, il n’hésite jamais à me le dire. Je sais aussi qu’il est très fier mais il est très pudique. J’adore la relation que l’on a car elle m’aide tous les jours à faire une introspection sur et en dehors du terrain. » Kamel prolonge son rôle d’éducateur. « Notre relation est basée sur de l’honnêteté de la sincérité. J’attache beaucoup de valeurs et de ne pas tricher avec soi-même et avec les autres. C’est ce que j’ai essayé d’inculquer à mes enfants. Nedim a beaucoup appris mentalement et il a progressé dans la science du jeu. Mais je ne suis pas son agent, pas son entraineur, pas son chargé de communication, ni son conseiller. Je suis son père. »

Nedim, Meyane, Patricia et Kamel Remili. (Photo DR).

Le choix technique de Paris
Un père qui raconte comment il a « remonté » son gamin avant la finale du Mondial 2017. « Sur ce Mondial, il était super serein et il avait confiance en lui. Mais avant la finale à Bercy, il était un peu en panique. Alors je lui ai rappelé sa première finale en -13 ans aux inter-comités à Orléans. Que le terrain faisait toujours 40×20 et le but 2×3. Vivre le Mondial – j’ai adoré le match face à la Suède à Lille – c’était magique. Pour nous parents, c’était beaucoup d’émotion et de joie de voir la réussite de notre enfant », raconte Kamel dont la passion pour le jeu est intacte. Et de citer les coaches qui l’ont inspiré : notamment Branislav Pokrajac, Sead Hasanefendic et Thierry Anti tous passés par l’US Créteil. En choisissant le Paris SG HB, Nedim a validé la volonté paternelle de le voir progresser au contact de Noka Serdarusic, de Staffan Olsson et de Nikola Karabatic. « Je le vois grandir. Il a moins besoin de moi : le cordon est coupé, il a pris son envol et son destin en mains. » Et de viser les Jeux olympiques pour refermer une plaie encore ouverte. « Je voulais que les J.O. soient le résultat de ma progression après les premières sélections et une première participation à l’Euro 2016. » Mais une blessure à l’épaule gauche, l’empêchera de poursuivre la préparation pour Rio. « Après le stage de la Toussuire, il est directement venu chez nous. Quand vous voyez votre fils pleurer, témoigne, toujours ému, Kamel. Il voulait tellement faire ces J.O. » L’échographie passée à l’Insep confirmera le diagnostic du médecin de l’équipe de France, Pierre Sébastien. « Quand l’info est sortie dans les médias, lorsque je l’ai vu écrite, ça m’a fait encore plus de mal, se souvient Nedim. Ma famille était là et tous m’ont remotivé pour me relancer. » Des moments d’union sacrée pour entourer d’amour celui qui a toujours cru en son destin. « Quand il était plus jeune, il nous a bluffés car il mettait tous les moyens pour y arriver », atteste Kamel. Au point de largement zapper la classe de terminale. « Nedim m’a beaucoup déçu car il était blessé cette année-là et eu lieu d’aller en cours, il se faisait soigner à l’Insep. Je suis directeur du centre de formation de l’US Créteil et cela été très difficile à vivre pour moi car les études sont très importantes. Je suis diplômé du CDES de Limoges et cela m’a beaucoup apporté, positive Kamel qui peine à en vouloir encore à son fiston. Par la formation continue, je suis certain que Nedim suivra le même parcours car il en a les capacités. » Pour continuer à marcher, à grandes enjambées, dans les pas de son père.

Hubert Guériau