ces femmes de tous les défis

Depuis sa pause de 30 mois et son retour en janvier 2016, Olivier Krumbholz n’en finit plus d’accumuler les médailles avec ses femmes de défis. Après la finale des J.O. 2016, la médaille de bronze à l’EHF EURO 2016 et le titre mondial de 2017, il a une nouvelle fois conduit son équipe sur un podium et une deuxième fois consécutive sur la première marche. Double champion du monde, désormais champion d’Europe, le Lorrain n’est jamais rassasié. Avec son staff, dans un Euro à domicile et toute la pression qui l’accompagne, il a permis aux joueuses d’exprimer leur talent dans un contexte concurrentiel très fort. Siraba Dembélé-Pavlovic et ses coéquipières se sont emparées de la scène installée par la FFHandball. Avec leur talent, leur énergie, leur force et leur ambition démontrées, ces femmes doublement drapées d’or ont amplement mérité le plein soutien populaire et la couverture médiatique inédite habituellement réservée à la gent sportive masculine. Par Hubert Guériau.

À 60 ans, le coach confie aussi n’avoir jamais vécu autant d’émotions depuis le bord de la touche. « Le titre ? Le bonheur ne tient pas qu’à cela. J’ai dit aux filles, que dans la vie, il fallait savoir apprécier les petits bonheurs de la vie de tous les jours et qu’il fallait essayer d’attraper les grands bonheurs des grands moments. On se félicite, on se congratule. On se regarde aussi dans les yeux car parfois les paroles ne sont pas nécessaires. » Un grand moment fut cette finale avec la Russie qui invita « Bercy » à chavirer au moment où la doublette danoise jugeait bon d’exclure la plus Parisienne des Tricolores, Allison Pineau. Une femme des défis de la première heure qui pourrait, avec notamment les anciennes de 2007 (Siraba, Alexandra, Amandine et Camille), mener encore d’autres batailles. « Les anciennes ont montré qu’elles ont encore leur place. Il faudra personnaliser les parcours afin de réussir à les retenir. Nous pourrions soulager certaines joueuses en les dispensant de certains stages où on n’aura pas besoin d’elles, pour les sortir du chapeau au bon moment. »

De Nancy, à Paris, ne passant pas Nantes, les Bleues ont construit étape par étape leur premier titre continental. Du match d’ouverture France – Russie, à la finale Russie – France, revivez les huit temps forts du parcours des Bleues achevées en apothéose.

L’ouverture de cet Euro n’était sans doute pas celui rêvé pour Olivier Krumbholz et ses joueuses. Pourtant, la défaite faisait partie des scénarios envisageables, tant la Russie paraissait puissante et sûre de sa force. Pourtant jamais très loin, les Françaises ont couru après le score en première période avant de revenir sur une inspiration de Siraba Dembélé-Pavlovic au buzzer, au moment de rentrer au vestiaire (11-11). Mais l’attaque, pointée du doigt quelques jours plus tôt en Golden League, était plus efficace et les Bleues avaient progressé, mais perdaient encore trop de ballons pour espérer un résultat face aux Russes (23-26). Un premier arrêt dans cette route vers le titre qui pouvait contraindre les Françaises à remporter tous leurs matches pour accéder aux demi-finales. Rien d’inquiétant pour autant à en croire les sourires retrouvés ce soir-là malgré la défaite finale. « C’est comme d’hab j’ai envie de dire ! » souriait Alexandra Lacrabère. « Je n’ai pas d’inquiétude, je sais qu’il va y avoir une grosse mobilisation contre la Slovénie et contre le Monténégro pour aller chercher cette deuxième place. »

Aux oubliettes la première défaite ! Les Bleues ont complètement changeaient de visage, remettant les points sur les « i » et les barres sur les « T ». Après un début de match parfait, les Françaises marchaient sur la Slovénie. Seulement trois pertes de balle en 45’, Olivier Krumbholz l’avait certainement imaginé dans ses plus beaux rêves et ses joueuses lui démontraient dès le 2e match dans le Palais des Sports Jean Weille de Nancy. « C’était certainement la plus belle mi-temps que j’aie eu à manager, on n’a quasiment pas perdu de ballons, il y a eu de la fluidité, la balle a voyagé », reconnaissait le sélectionneur. Une mi-temps parfaite (8-17) qui avait permis aux Françaises de s’offrir une fin de match tranquille, où Pauletta Foppa avait marqué ses trois premiers buts en sélection. « Elles m’ont bluffé, je m’attendais à une montée en charge progressive. Je pensais qu’on allait passer la Slovénie avec un peu de peine alors que la première mi-temps permet de gagner assez facilement », admettait le technicien quelques jours après. Une victoire (21-30) convaincante avant de retrouver le Monténégro deux jours plus tard.

Leur première victoire face à la Slovénie avait permis aux Françaises de se qualifier au tour principal. Celle du Monténégro de l’aborder avec deux points et donc, de garder leur destin en main. Outre ce soulagement, les Bleues confirmaient avec autorité leur excellent état de forme. Un deuxième début de rencontre tonitruant, face à des Monténégrines réputées agressives et accrocheuses. Loin de ce début de match parfait (13-6 à la pause), les Bleues redonnaient du suspens à la rencontre quand pendant 10 minutes elles ne parvenaient pas à trouver les filets de l’ancienne Messine, Marina Rajcic. Un coup d’éclat d’Estelle Nze-Minko (à 7/7 ce soir-là, élue MVP) pour que l’écart redevienne conséquent. De quoi enflammer un Palais des Sports Jean Weille à guichets fermés, le contre « pastis » de Grâce Zaadi à quatre minutes du terme, aussi improbable que symbolique d’une merveilleuse soirée nancéienne. « On ne fait pas de calculs, on n’aime pas les maths ! Maintenant il faut gagner tous les matches pour être assurées du disputer une demi-finale, on garde notre destin en mains », rigolait la demi-centre des Bleues à l’issue de cette belle dernière à Nancy (25-20).

Avec deux victoires à Nancy, les Bleues découvraient Nantes et le Hall XXL avec deux points en poche. Face à elles, les Danoises étaient dans la même situation. La victoire était alors importante pour continuer dans la compétition, sans faire de calculs. Cette fois, les Françaises atteindaient cinq minutes avant de lancer le rouleau compresseur (11-17 à la pause). Amandine Leynaud avait décidé de faire de son but un temple bien gardé avec 12 arrêts au total et une défense, compacte et réactive,qui se montrait toujours aussi puissante. « Une gardienne n’est rien sans sa défense et elles ne sont rien sans moi aussi, c’est tellement plaisant de les voir se battre comme ça que je suis obligée d’avoir les ballons. On montre plus de stabilité aujourd’hui on le fait et ça fait du bien », reconnaissait la gardienne des Bleues (élue meilleure gardienne de la compétition). Olivier Krumbholz usait des rotations pour maintenir tout son groupe et accessoirement faire participer tout le monde à la fête dans une enceinte que l’équipe de France féminine découvrait pour la première fois (23-29).

Après trois matches maîtrisés avec une aisance déconcertante, les Bleues voyaient leurs plans quelque peu contrariés par une Suède, qui elle aussi jouait avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête. C’est d’ailleurs sur ce match-là, qu’Isabelle Gullden (pensionnaire de Brest), retrouvait son niveau exceptionnel, capable de mettre à mal n’importe quelle défense, sur un changement de rythme ou une passe. Les Françaises avaient bien du mal à s’adapter à leur adversaire qui prenait le large (14-11 à la pause). « En première mi-temps on était trop basses et on n’a pas su s’adapter à ce que proposait Bella et nos erreurs défensives nous ont mis tout de suite dans le jus », regrettait Estelle Nze-Minko. En deuxième période, après dix longues minutes sans but de part et d’autre, les Bleues ont tout de même fait l’effort de revenir et d’égaliser sur un coup de canon d’Orlane Kanor à deux minutes du terme (21-21). Une petite frayeur mais un point obtenu ô combien important pour la qualification en demi-finale. « On peut être satisfaites d’être allées chercher ce point. Si on n’avait pas réagi, on aurait été dans des dispositions bien différentes après ce match », admettait Allison Pineau.

La dernière journée pour valider la qualification était aussi dense que longue. Trois matches dont le fameux Serbie – France à 21 heures. En début d’après-midi, le Danemark remportait son duel face au Monténégro (24-23), mettant la France dans de bonnes dispositions avant que la Russie ne lâche totalement l’affaire face à la Suède (39-30), éliminant la France avant de jouer. Pas de quoi impressionner les Françaises qui de toute manière, ne souhaitaient pas se voir offrir qualification sur un plateau. Malgré une bonne Marija Colic, les Serbes ne pouvaient pas résister, laissant filer les Bleues, portées par l’ambiance du Hall XXL bien rempli (7 046 personnes), qui s’envolaient vers Paris et les demi-finales. Elles remplissaient leur part du contrat en se qualifiant pour le dernier carré en battant leur record de buts marqués dans Euro qui était précédemment de 31 (28-38). « J’ai hâte de partir de Nantes, on est prêtes pour ces deux matches que l’on doit encore jouer, on est toutes pleine d’énergie », souriait Pauline Coatanéa.

L’objectif était atteint. Les Bleues rallaient Paris et l’AccorHotels Arena pour disputer une demi-finale. Elles y retrouvaient les Pays-Bas, qui ne comptaient qu’une défaite jusque-là, face à la Norvège (16-29). Après une première mi-temps accrochée dans une arène qui peinait à s’enflammer, les Françaises ne possédaient qu’une petite longueur d’avance au moment de rentrer au vestiaire (11-12). Sans s’affoler, elles poursuivaient leur travail de sape, usant de toute leur profondeur de banc, pour s’offrir le bonheur de jouer une finale face aux Russes, pour une revanche. « On avait plus de rotations qu’elles et ça nous a fait beaucoup de bien. On a fait une grosse défense en deuxième avec une grosse gardienne. On a bien monté les ballons. C’était beau de se voir jouer comme ça »souriait Gnonsiane Niombla (21-27). Les Bleues n’avaient alors plus qu’une pensée en tête : l’or et rien d’autre. « Le but, c’est l’or. C’est là qu’on aura des émotions. Il nous reste encore beaucoup de travail pour aller chercher la première place et on en est toutes conscientes. On sera comme des mortes de faim dimanche », avouait Alexandra Lacrabère.

Avec 14 040 spectateurs, l’AccorHotels Aréna battait le record du nombre de spectateurs pour une finale de l’EHF EURO féminin. Dès midi, les supporters tricolores déambulaient dans les parages de la mythique salle qui n’avait jusqu’alors, jamais sacrée l’équipe de France féminine. Tranquillement la température grimpait pour accueillir les Bleues dans une véritable fournaise. Une arène qui s’enflammait encore un peu plus lorsqu’Allison Pineau était victime d’une injustice à la 35e ; un carton rouge pour un ballon qui avait frôlé les oreilles de Seydokina. Les spectateurs exultaient sur chacune des actions défensives de l’équipe de France : les Russes rebondissaient sur le rideau de fer tendu par les championnes du monde. Une formation tricolore si solide et sûre de sa force qu’elle mettait à genoux la grande Russie (21-24). « Je suis émue et tellement frustrée… J’espère que les arbitres vont s’excuser, après avoir revu l’action. Elles m’ont volé quelque chose, devant ma famille, mes proches, dans ma ville… », regrettait Allison Pineau. Mais qu’importe, ses coéquipières s’étaient aussi battues pour elle qui avait regardé le match derrière le but d’Amandine Leynaud et de Laura Glauser. « Je n’ai pas de mots… Une fois que ça s’est terminé, je me suis assise sur le banc et je me suis dit : “merde, mais on l’a vraiment fait !”. Je suis tellement fière de cette équipe. Faire championne du monde – championne d’Europe, on rentre dans l’Histoire ! » racontait Amandine Leynaud. Troisième nation à réaliser cet impensable doublé, avec aussi un quatrième podium consécutif en deux ans, l’équipe de France n’a sûrement pas fini d’affoler les records.

résultats

Tour préliminaire : France – Russie : 23-26 / Slovénie – France : 21-30 / France – Monténégro : 25-20
Tour principal : Danemark – France : 23-30 / Suède – France : 21-21 / Serbie – France : 28-38
Demi-finales à 17h30 : Russie – Roumanie : 28-22 / Pays-Bas – France : 21-27
Places 3-4 : Roumanie – Pays-Bas : 20-24
Finale : Russie – France : 21-24