neuf étapes sur le chemin des sommets
Les suiveurs de l’équipe de France avaient levé les sourcils quand Olivier Krumbholz, à l’occasion de la première semaine internationale de la saison, avait lancé que « le championnat du monde n’est pas l’objectif de cette saison. Ce sera une étape vers les Jeux olympiques, une bonne occasion de travailler. »Le sélectionneur tricolore était-il déjà en train d’ouvrir le parapluie, de préparer les esprits à un éventuel échec ? Non, sans doute pas, au vu de la suite des événements. Par Kévin Domas.
Arrivées en Norvège après un tournoi de préparation réussi à Caen, les Bleues entament leur Mondial crescendo. Elles sont habituées à patauger lors de leur premier match d’une grande compétition, et dans la patinoire vide de Stavanger, elles ne changent pas un scénario qui gagne. Face à l’Angola, elles se compliquent la vie, ratent des tirs simples et ne se sauvent qu’avec l’aide de leur poteau. Mais la victoire d’un but (30-29) n’inquiète pas grand-monde, et surtout pas Olivier Krumbholz. « Il faut qu’on continue à monter en charge », répète à l’envi le sélectionneur.
Celui-ci sera entendu. Contre l’Islande (31-22) et la Slovénie (31-27), les Tricolores se montrent bien plus appliquées à la finition, alors que leur défense offre déjà quelques garanties. Seule ombre au tableau, la blessure à la cuisse de Laura Flippes contre l’Islande. Le staff rappelle immédiatement Océane Sercien-Ugolin pour prêter main-forte à Léna Grandveau.
« On est déjà bien dans le rythme, on passe au tour principal invaincues et avec tous les points, c’est très intéressant », résume Tamara Horacek, une des Françaises les plus en vue au premier tour.
Direction Trondheim et son climat polaire. Dans le Nord de la Norvège, le soleil ne laisse voir ses rayons que de neuf heures à quinze heures, il fait nuit noire à l’heure du gouter et le mercure atteint les -10 degrés. L’endroit est bien connu du handball français, puisque c’est là que l’équipe de France masculine a été éliminée de l’EHF EURO 2020 il y a trois ans.
Mais là où les garçons avaient enterré leurs rêves de titre européen à l’époque, les filles vont construire les bases de leur titre mondial. Dans le magnifique Spektrum, elles domptent facilement l’Autriche (41-27) puis la Corée du Sud (32-22). Le ticket pour les quarts de finale presque en poche, Olivier Krumbholz profite de l’occasion pour faire tourner, offrant quelques minutes à Oriane Ondono et Camille Depuiset avant le choc face à la Norvège.
Dans une salle remplie, les deux équipes vont offrir un spectacle de toute beauté. Une heure de bataille rangée, dans laquelle les défenses prennent le dessus. Un match nul aurait pu être logique, mais Laura Glauser en a décidé autrement. La gardienne tricolore détourne la tentative de Skogrand et offre les points aux Bleues (24-23). Mais aussi un parcours bien plus abordable vers le carré final.
« Les quarts de finale, c’est là où tout se joue. Si tu perds, tu rates ta compét’, si tu gagnes, tu as une chance d’aller chercher une médaille », résume Olivier Krumbholz, la veille de la rencontre face à la République tchèque. Le message semble avoir troublé ses filles, qui peinent à trouver leur rythme face à des Tchèques accrocheuses. A la pause, elles ne mènent que 18-16 et dans les vestiaires, les discussions vont bon train. « On s’est dit qu’il fallait retrouver notre défense, qu’on ne devait pas avoir peur », explique la capitaine Estelle Nze Minko.
C’est elle qui va monter la voie, avec trois buts de suite au retour des vestiaires pour libérer tout le monde. « Je me suis dit qu’il ne fallait pas les laisser espérer plus longtemps », sourit celle qui libère les Bleues. Trente minutes plus tard, l’équipe de France a composté son billet pour le carré final. 33-22, l’écart est flatteur, mais a permis au staff de faire tourner l’effectif avant de s’envoler vers Herning.
Les Bleues retrouvent au Danemark un hotel qu’elles connaissent bien, le Scandic, où elles ont vécu enfermées pendant un mois lors de l’EHF EURO 2020. A l’époque, la Jyske Bank Boxen était déserte, Covid-19 oblige, mais cette fois, la salle de 15 000 sièges sera bien pleine. « J’ai des bons souvenirs ici, on avait passé un super mois. On n’avait pas remporté le titre mais on avait créé quelque chose de grand », se souvient Grâce Zaadi Deuna.
Ce n’est pas le Covid, mais un sale rhume qui touche les Bleues à leur arrivée au Danemark. La veille de la demi-finale face à la Suède, le préparateur physique Pierre Terzi fait le nombre à l’entrainement, alors que Méline Nocandy est allongée devant un banc de touche sous trois doudounes et que la plupart de l’effectif est toussotant.
« À ce moment-là, on s’est un peu demandé où ça allait finir », se souvient Alicia Toublanc après coup. Mais la gauchère n’aurait pas dû douter. Les Suédoises sont concassées, laissées sans réaction, incapables de tenir le rythme d’une équipe de France qui mène de huit buts à la pause (19-11) et de neuf au coup de sifflet final (37-28).
C’est l’heure de la grande finale, face à la Norvège. Un match chargé de symboles, puisque c’est la revanche de la finale de l’EURO 2020 dans la même salle, celle aussi du championnat du monde 2021 et un remake de celle de 2003, qui avait fait monter les Bleues sur le toit du monde pour la première fois. « Je ne suis pas superstitieuse, mais j’aime bien ce clin d’oeil de l’histoire », sourit Estelle Nze Minko la veille de la finale, tandis que Chloé Valentini n’y va pas par quatre chemins quand on lui demande son avis sur les Norvégiennes : « Je les respecte mais je ne les aime pas. Pourquoi ? Elles m’ont fait perdre trop de médailles d’or. »
Mais cette fois, ce sont les Bleues qui ne vont pas faire de quartiers. Dans un match à la physionomie opposée à celui du tour principal, elles font la course en tête, avec vingt buts inscrits à la pause. Le deuxième acte est haletant. Les Norvégiennes poussent mais Lena Grandveau prend les choses en main. Du haut de ses vingt ans, elle tient la baraque, avec que Hatadou Sako ne sorte un dernier arrêt décisif face à, ironie de l’histoire, Stine Skogrand.
Les Françaises peuvent exulter, elles sont de nouveau championnes du monde, six ans après.
résultats
Tour Préliminaire : France – Angola : 30-29 / Islande – France : 22-31 / France – Slovénie : 31-27
Tour Principal : France – Autriche : 41-27 / Corée du Sud – France : 22-32 / France – Norvège : 24-23
Quarts de finale : France – République Tchèque : 33-22
Demi-finales : France – Suède : 37-28
Finale : France – Norvège : 31-28