Sixième invitée de la rubrique « Le fil d’Ariane », Orlane Kanor se confie à son tour sur les liens forts qui l’unissent à son mentor. La Guadeloupéenne a choisi de raconter ce qui la lie à son père, Sylvain Kanor.
Les pentes de la Soufrière à Basse-Terre furent le premier terrain de jeu des jumelles Orlane et Laura, toutes deux sociétaires de Metz HB, et de leur sœur ainée, Émeraude. « Nous avions moins de 10 ans et mon père nous emmenait très tôt le matin faire des randonnées à Basse-Terre. Cela durait parfois plus de 4 heures et cela nous a donné le plaisir de courir. Je crois que depuis, on ne peut pas se passer de sport », rapporte Orlane Kanor qui, touchée au dos, a manqué les deux premiers matches de l’EHF EURO 2020, avant d’effectuer son entrée pour défier le pays hôte, le Danemark. « Je suis un sportif, glisse Sylvain Kanor lors de l’interview réalisée au retour de sa sortie quotidienne de course à pied. Les petites douleurs, je sais ce que c’est. Très tôt, nous avons appris à les gérer. Dès ses débuts dans le hand, Orlane a connu des douleurs au dos. Il n’y a pas grand monde qui maîtrise ce domaine, c’est compliqué. »
« Le goût de l’effort physique, nous l’avons depuis toute petite. Je me souviens, lorsque j’avais un point de côté, mon père me disait « ça va passer, il faut continuer. » Il nous a toujours poussées. Encore aujourd’hui, chaque été, avant de repartir en métropole, mon père effectue la préparation physique avec nous. Il nous encourage tout le temps », poursuit la championne du monde 2017 et d’Europe 2018. « Petites, mes filles bougeaient tout le temps et j’ai remarqué qu’elles étaient dotées d’une motricité significative et impressionnante », raconte aussi Sylvain Kanor. Je me suis engouffré dans cette particularité pour les orienter vers différents sports, avant leur choix de pratiquer le handball. De fait, la relation a toujours été très forte avec mes filles. » Un fil d’Ariane maintenu avec Sylvain, entrepreneur en Guadeloupe, malgré la séparation avec la maman. « Nous sommes restés en très bons termes. » Une distance qui n’a pas contrarié la relation père-filles, au contraire. « Je n’ai pas grandi avec lui et je le voyais surtout pour les moments de sport. Il nous emmenait, là où nous étions le mieux : faire du sport pour s’épanouir. Je suis vraiment reconnaissante car il nous a inculqué de nous dépasser, d’aller au bout de nos limites. »

Par l’intrépide de Sainte-Anne
« Orlane et Laura fréquentaient un collège situé dans un quartier de la ville de Sainte-Anne, non loin du gymnase où l’équipe de l’Intrépide HB s’entraînait régulièrement. La relation était privilégiée entre le collège et le club, de fait les cours EPS se tenaient dans le gymnase et c’est là où mes filles ont commencé à apprécier le handball, rapporte Sylvain qui n’a pas freiné l’enthousiasme de ses filles. « Le handball nous est tombé dessus. Ma grande sœur jouait au beach volley et nous ne connaissions par le hand. On y a tout de suite pris goût », se souvient Orlane. « J’ai senti qu’elles accrochaient et j’y ai pris goût aussi. Alors quand elles flanchaient, je relançais la machine », relaie Sylvain qui a effectué une honnête carrière de footballeur jusqu’en D3 à Muret pendant ses études à Toulouse. Et le souvenir d’avoir affronté en 1979 l’AS Monaco de Jean-Luc Ettori en huitièmes de finale de la coupe de France.
Une relation aussi à distance
Depuis le départ des jumelles en 2015 du côté de Metz, le lien n’a pas été rompu. « Je n’ai pas vécu cela comme un déchirement mais comme une continuité car mes filles ne pouvaient plus s’épanouir dans les clubs amateurs en Guadeloupe car au-delà du pole excellence, c’est le néant, estime Sylvain. Avec leur potentiel, on a trouvé un club intéressant. C’est Yacine Messaoudi qui a tout fait, sourit le papa qui confie aussi : j’ai retrouvé l’image de Yacine dans le fil d’Ariane consacré à Laura Flippes. » Alors depuis 2015, les communications entre la métropole et la Guadeloupe n’ont jamais cessé. « Soit mon père m’appelle, soit il m’envoie son récapitulatif, rapporte Orlane. Il me complimente et il s’il me fait des remarques, elles toujours positives, pour progresser. » Orlane communique d’abord avec sa jumelle mais « la deuxième personne que j’appelle, c’est papa. Il n’a pas joué au handball mais il nous suit depuis le début. Il a toujours été présent, il me connaît bien et il a acquis une compétence. » Orlane se souvient aussi de traversées en bateau entre la Martinique et la Guadeloupe les yeux rivés sur l’écran pour suivre les J.O., l’athlétisme en particulier. « Il m’a vraiment donné le goût du sport car il suit toutes les disciplines. J’adore regarder rugby, la NFL et la natation. » Si Laura n’est pas internationale, évidemment le papa ne regarde pas ses filles comme des concurrentes. « Je les traite comme des individus à part entière, je les encourage chacune dans leurs qualités et leurs pseudos défauts. Je suis toujours positif et très tôt nous avons évité, avec la maman, toute comparaison car ce serait stérile. Quand elles se chamaillaient, je leur disais de rester solidaires entre elles. » Sylvain Kanor, malgré une activité professionnelle prenante, effectue régulièrement le voyage en métropole pour suivre ses filles. « Si le contexte sanitaire le permet, je me rendrai début janvier à Metz pour les matches face à Brest et à Rostov. » Et de se confier sur la façon dont il a vécu la phase finale du Mondial 2017. « J’ai apprécié la finale seul dans mon bureau, de façon égoïste ; je pouvais crier, sauter, pleurer… J’étais déjà stupéfait lorsqu’Orlane avait reçu sa première convocation alors la finale, c’est l’un des plus beaux jours de ma vie. Je ne l’ai pas vécu comme une apothéose car c’est censé être le début de quelque chose. Je n’avais pas pu me rendre à Hambourg. En revanche, leur maman était sur place car c’était important que l’un de nous deux soit présent. » Et de tendre le fil par-delà l’océan atlantique.
HGu